La France entend aller vite sur la transposition de la directive européenne sur le droit d’auteur dans sa législation. Et pour aller vite, il a été décidé de morceler le texte pour répartir ses dispositions dans plusieurs textes législatifs. Ainsi, l’article 15 (ex-11) sur le droit voisin pour les éditeurs de presse, sera traité via une proposition de loi que le MoDem soumettra dès le 9 mai prochain.
Quant à l’autre article très controversé de la directive, désormais identifié au numéro 17 (ex-13), il sera ajouté à la loi audiovisuelle, en gestation depuis 2018, d’abord sous l’égide de Françoise Nyssen puis de son successeur, Franck Riester. Sa présentation en Conseil des ministres aura lieu à l’été, a indiqué le ministre de la Culture, mercredi 27 mars, lors d’un discours au festival Séries Mania à Lille.
« Je veux que nous transposions la directive droit d’auteur et qu’elle entre en vigueur le plus rapidement possible », a souhaité le locataire de la rue de Valois. C’est notamment dans ce texte que figureront aussi la « transformation » de l’audiovisuel public et les évolutions annoncées du dispositif Hadopi pour mieux s’attaquer au piratage par le téléchargement direct et le streaming.
Pour cela, plusieurs vieilles idées jamais appliquées jusqu’à présent seront mises sur la table : constitution de listes noires de sites pirates sous l’égide de la Haute Autorité et lutte accrue contre les sites miroirs. À la clé, il s’agit de bloquer et de déréférencer plus vite et plus efficacement les espaces de piratage pour lesquels la riposte graduée ne peut rien — celle-ci ne porte que sur les échanges en P2P.
Mission sur la reconnaissance des contenus
Elle sera conduite par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) et le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).
Franck Riester a donné une autre indication concernant l’article 17 : il va y avoir dans les « prochains jours » le lancement d’une mission conjointe sur les « technologies de reconnaissance de contenus ». Celle-ci doit servir à « nous assurer de l’efficacité de ces outils, qui occupent une place centrale dans la protection des œuvres sur les plateformes de partage des contenus ».
Ce travail est jugé « essentiel » par le ministre de la Culture, car il faut faire en sorte que cet article 17 « puisse produire tous ses effets ». Il faut rappeler que cet article 17 exige des plateformes qu’elles concluent des accords avec les titulaires de droits dans le cas où un internaute publie une œuvre leur appartenant. Ces accords visent ainsi à rémunérer ces titulaires de droits en échange de cette utilisation.
Or, si aucun accord n’est trouvé, les plateformes peuvent être tenues responsables de la diffusion d’œuvres sous droit d’auteur. Pour échapper à cette responsabilité juridique, il reste aux plateformes la possibilité de développer et de renforcer des technologies capables d’identifier des contenus protégés pour empêcher leur mise en ligne ou pour les retirer si elles sont déjà publiées.
Plusieurs interrogations ne sont toutefois pas résolues : si les géants du net comme un Google (pour YouTube) ou un Facebook peuvent tout à la fois passer des accords avec les ayants droit et créer des algorithmes de filtrage, qu’en sera-t-il pour les plateformes plus modestes ? Les géants du net ne seront-ils pas in fine avantagés par rapport aux autres ? Les ayants droit ne seront-ils pas en position de force par rapport aux plateformes ? Quel sera le coût de développement de ces filtres ? Comment traiter les faux positifs, qui seront de la partie, immanquablement ? Quels recours seront proposés ? En fin de compte, cela ne va-t-il pas aboutir à un filtrage généralisé du web ?
À ces questions, Franck Riester n’a pas apporté de réponse lors de son discours. « Il n’y a pas de temps à perdre sur ce sujet », a-t-il simplement déclaré, laissant le soin, à la mission ou aux parlementaires le soin d’y répondre, éventuellement.
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