La souveraineté numérique de la France est-elle en péril, en particulier pour ce qui est de l’exercice de ses fonctions régaliennes ? C’est ce sur quoi la droite veut se pencher. Au Sénat, les membres du groupe parlementaire Les Républicains ont demandé à la mi-mars, sous l’impulsion du sénateur Bruno Retailleau, une commission d’enquête consacrée aux « moyens de [la] reconquérir ».
Approbation au Sénat
La question de la souveraineté numérique n’est pas neuve. Elle est évoquée de temps à autre, que ce soit pour le système d’exploitation, les services d’hébergement dans le cloud, les investissements étrangers ou la dépendance aux outils et services des géants du net.
À cette requête, la commission des lois — l’une des instances permanentes du Sénat — n’entend pas s’y opposer. Le 2 avril, elle a donné son feu vert, après avoir examiné un rapport sur la recevabilité de cette requête, préparé par le président de la commission des lois, le sénateur Philippe Bas. « Il n’existe aucun obstacle à la création de cette commission d’enquête », lit-on dans le rapport.
Concrètement, l’objet de cette commission d’enquête n’est pas d’enquêter sur des faits spécifiques, mais plutôt de faire le point « au sens large sur la gestion de services publics ».
Les investigations devraient porter « sur les conditions dans lesquelles l’évolution des technologies numériques remet en cause l’exercice par l’État de ses fonctions régaliennes, en matière de sécurité, de défense, de pouvoir normatif, de fiscalité et de monnaie, et sur les moyens dont dispose la puissance publique pour reconquérir une telle souveraineté numérique», indique le rapport.
Défense, fiscalité, démocratie…
Dans son exposé des motifs, la proposition des Républicains observe le « défi colossal » que constituent le développement du numérique et les transformations technologiques. Si des « perspectives de progrès considérables » s’ouvrent grâce à ces évolutions, « l’État voit en effet se bouleverser les conditions dans lesquelles il exerce sur son territoire ses fonctions régaliennes », jugent les sénateurs.
Les partisans de cette commission d’enquête s’alarment de cet « écosystème numérique, contrôlé et façonné par une poignée d’acteurs, toujours plus puissants, qui écrasent les marchés et nous placent en situation de dépendance technologique, édictent leurs propres normes, poursuivent leurs propres objectifs et servent leurs propres intérêts ».
Un écosystème numérique contrôlé et façonné par une poignée d’acteurs toujours plus puissants »
Ces bouleversements frappent du droit du travail au droit des contrats, en passant par le droit de la propriété intellectuelle, la fiscalité et la monnaie — dans ce dernier cas, ce sont les devises électroniques de type Bitcoin dont il est question. Le Sénat mentionne ainsi des modèles d’affaires « échappant largement aux cadres fiscaux conçus pour une économie physique et territorialisée. »
Sont aussi évoqués les périls sur « l’intégrité démocratique des processus électoraux », que ce soit par la manipulation de l’opinion ou par la modification des résultats, et la sécurité des « infrastructures stratégiques », exposées au piratage. L’enjeu de la cyberguerre est aussi mentionné : la capacité à en conduire une est « aujourd’hui devenue une composante incontournable de toute doctrine de défense crédible ».
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