La Fédération Internationale de l’Industrie Phonographique (IFPI) se félicite d’une victoire judiciaire de plus contre eDonkey. On se demande un peu pourquoi. Elle n’est ni efficace techniquement, ni véritablement déterminante juridiquement… voire carrément contraire à ses attentes.
Sur le plan technique, il faut déjà rappeler que le logiciel eDonkey n’existe plus depuis maintenant près d’un an, et que la « communauté eDonkey » se fédère massivement depuis plus longtemps encore sur son alternative open-source eMule. Or la fermeture d’un serveur eDonkey n’a qu’un impact très minime sur l’utilisation d’eMule, puisque le logiciel libre (d’origine allemande, rappelons-le) s’est enrichi de longue date d’un réseau entièrement décentralisé qui ne repose plus du tout sur les ancestraux serveurs eDonkey. Les attaques répétées contre les serveurs en France ne semblent à cet égard pas avoir frustré outre mesure les P2Pistes de l’hexagone.
Mais surtout sur le plan juridique, même si l’IFPI se gausse d’avoir réussi à faire fermer un serveur eDonkey, il semble qu’en regardant de plus près la victoire ne soit pas si nette. Contrairement à ce qu’elle demande systématiquement en préventif (et ce qu’elle a obtenu en France et en Suisse, avant-même tout jugement sur le fond), le tribunal de Hambourg n’a pas demandé la saisie du serveur et son arrêt pur et simple.
Quelle responsabilité légale des serveurs P2P ?
Selon le journal allemand Heise, la Justice a simplement demandé l’arrêt du serveur tant qu’une chanson spécifiquement nommée d’un album bien précis pourrait toujours être trouvé via le serveur eDonkey incriminé. Une fois le filtrage mis en place pour cette chanson, le serveur pourra rouvrir. En clair, la Justice allemande applique les règles des directives européennes sur le commerce électronique, et demande simplement à l’administrateur du serveur de faire le nécessaire pour faire cesser le dommage sur une œuvre précise. Elle semble ainsi considérer le serveur eDonkey pour ce qu’il est, c’est-à-dire pour un simple intermédiaire technique neutre, qui peut simplement recevoir l’ordre d’un filtrage a posteriori (après la notification d’une violation de droit), et non d’un filtrage a priori (une obligation de filtrage généralisé de tout contenu protégé).
C’est une exigence légitime qui semble davantage fidèle à la nature d’un serveur d’indexation de fichiers sur eDonkey, qui n’a aucun autre rôle que de lister les fichiers échangés par les utilisateurs et de mettre en relation ceux qui désirent se les échanger. DailyMotion, qui vient d’être condamné en France, a à cet égard un rôle beaucoup plus actif et beaucoup moins neutre dans les outils de recherche et de navigation qu’il propose aux internautes.
C’est aussi un signe encourageant pour Razorback, qui n’a toujours pas été jugé sur le fond en Suisse, mais dont les serveurs sont toujours retenus sous scellés par les autorités. L’administrateur de Razorback a toujours dit qu’il était d’accord pour effectuer un filtrage à la demande des contenus sur son serveur, comme l’exige la loi. Mais la pression exercée par les lobbys culturels ne lui a jamais même offert cette possibilité. Il servait pourtant à lister de nombreux contenus librement téléchargeables, tels que les logiciels proposés en téléchargement sur Ratiatum, ou les albums de musique libre que propose Jamendo.
Sans doute consciente des limites de ses actions contre les serveurs P2P, parfois franchement abusives, l’industrie du disque change toutefois de cible. L’IFPI confirme que ses pressions seront désormais orientées contre les fournisseurs d’accès, qui viennent de subir un sérieux revers en Belgique avec la condamnation de Scarlet à la demande de la Sabam.
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