Et s’il existait en France une autorité indépendante qui surveille les réseaux sociaux et leurs techniques de modération ? C’est en tout cas l’une des idées suggérées dans le rapport de la mission de régulation des réseaux sociaux, remis ce 10 mai au secrétaire d’État au numérique Cédric O.
La haine en ligne devenue « insupportable »
Le rapport qu’a pu consulter Numerama porte sur la « problématique de la haine en ligne (…) devenue insupportable pour les citoyens ». Il revient sur les questions des responsabilités (celle des auteurs de propos problématiques, et celle des plateformes) ou sur les moyens que l’on pourrait mettre en place pour assurer une meilleure modération.
Certains moyens sont pensés à un niveau étatique, car, selon le rapport, « les États doivent fixer des règles pour les auteurs, pour les réseaux sociaux et assurer qu’elles soient respectées. »
L’un des 5 piliers du rapport est consacré au sujet de la création d’une administration de contrôle. Il s’agirait d’une autorité administrative indépendante, mais partenaire de certaines branches de l’État.
Un rôle de sanction
Elle serait, est-il écrit, « garante de la responsabilisation des réseaux sociaux ». Elle ne servirait pas à réguler directement les contenus des réseaux sociaux. « Elle ne serait pas compétente pour qualifier les contenus pris individuellement », lit-on à ce sujet.
Son rôle serait plus de surveiller leurs actions. Il est noté qu’elle devra contrôler le bon respect des obligations de transparence qui incombera aux plateformes, ou la bonne modération des contenus. C’est un peu ce que fait le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Même si ce n’est pas sa seule mission, il s’assure que les contenus diffusés à la télévision ou à la radio ont été suffisamment modérés. En cas de dérapage (des propos racistes, sexistes, etc.), il peut sévir contre les médias, avec une amende par exemple.
Côté sanctions, l’autorité imaginée pour les réseaux sociaux pourrait coopérer avec différents services de l’État ainsi que des services judiciaires au besoin. Elle pourrait imposer si besoin des sanctions pécuniaires pouvant atteindre 4 % du chiffre d’affaires du réseau social concerné, après une mise en demeure publique.
Le rapport est optimiste sur le montant des sanctions, comparables à ce que propose le RGPD. Pour l’instant, Facebook n’a été condamné qu’à de petites amendes (en comparaison à son chiffre d’affaires), malgré de nombreux gros scandales.
Le gouvernement aura-t-il accès aux algorithmes de Facebook ?
Les moyens d’action révèlent le même optimisme. Le rapport préconise de « larges pouvoirs d’accès à l’information détenue par les plateformes ». Elle pourrait notamment utiliser des identités d’emprunt (on ignore dans quel objectif) ou accéder aux très secrets algorithmes des réseaux sociaux. Si ces derniers œuvrent pour plus de transparence, ils restent très largement secrets sur le fonctionnement de leurs algorithmes : cela semble donc difficile en pratique.
La mission qui a rédigé le rapport y croit pourtant dur comme fer. Elle estime que ni le secret des affaires ni le motif de la protection des données personnelles ne sauraient être invoqués pour se soustraire à cette obligation.
Les gros réseaux sociaux devront aider les petits
Enfin, le dernier rôle de l’administration serait de faire le lien entre différentes plateformes. Ce lien se ferait d’abord entre les réseaux sociaux : les plus gros seraient « incités » à mutualiser leurs techniques de modération avec les plus petits. Les plateformes devraient aussi fournir leurs données (anonymisées et protégées) à des chercheurs pour d’éventuels travaux de recherche académique — ce qui n’est pas sans rappeler Cambridge Analytica, la collecte de données ayant eu pour premier motif une recherche. C’est, en plus, déjà le cas.
Mark Zuckerberg, le CEO de Facebook, a rencontré Emmanuel Macron ce vendredi 10 mai. Ils devaient notamment parler de la gestion des contenus haineux en ligne. Ils avaient acté le lancement d’une mission de régulation des réseaux sociaux en mai 2018.
Le rapport, rendu public aujourd’hui, devra être examiné par Cédric O, le secrétaire d’État au numérique. Il doit nourrir selon le communiqué les travaux parlementaires de ces prochains mois.
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