Bercée par une rentabilité sans commune mesure, l’industrie du film pornographique ne s’est jusqu’à présent que peu attaquée aux réseaux P2P et au problème du piratage. Les choses pourraient cependant changer après la tenue d’une conférence à huis clos la semaine dernière.

Sans surprise, les contenus de nature pornographique ont toujours été beaucoup échangés sur les réseaux de partage de fichiers. Ratiatum avait d’ailleurs réalisé dès 2002 un dossier sur les réseaux P2P spécialisés dans les contenus adultes, pour inciter les utilisateurs à faire sortir les films X des réseaux des familles et à créer dans le même temps des communautés extérieures (la mise en page du dossier a depuis souffert des modifications intervenues depuis 2002 sur le moteur de Ratiatum). Mais tandis que l’industrie du disque et dans une moindre mesure l’industrie du cinéma se sont attaqués tôt aux réseaux P2P, l’industrie du charme a laissé le phénomène se développer dans une relative indifférence.

Il y a bien eu quelques tentatives d’intimidation, notamment de la part de l’industrie pornographique gay, mais la capacité naturelle de l’industrie porno à adapter son business model à Internet a globalement apaisé les esprits. Curieusement, il n’existe donc pas aux Etats-Unis d’organisation professionnelle comparable à la RIAA (maisons de disques) ou la MPAA (studios de cinéma) pour défendre le secteur pornographique contre le piratage et intenter des actions judiciaires. Or de plus en plus de producteurs prennent conscience de l’ampleur des téléchargements gratuits, et s’en inquiètent. 65 producteurs, avocats et autres parties intéressées se sont donc réunis le 5 septembre autour d’une grande table ronde du piratage fermée à la presse, nous apprend AVN.

Lors de la réunion, le traditionnel calcul du préjudice dû au piratage a été effectué. Il serait uniquement de 2 milliards de dollars à comparer aux 50 milliards de dollars de revenus bruts générés par la Porn Valley, un chiffre étonnement bas s’agissant d’une estimation corporatiste. Malgré tout, les plus virulents veulent agir avec fracas. L’avocat Greg Piccionelli, dont la fonction n’appelle pas à la paix des braves, parle de « piratage rampant qui nous dévore comme un cancer contre l’industrie« , un langage tout emprunté à la RIAA. Lui estime que les ventes légales ne représentent que 15 à 20 % du nombre de copies de films qui circulent sur Internet. « Le manque d’action au fil des années a donné aux pirates et aux consommateurs l’impression que copier et voler des contenus adultes est quelque chose qui n’a absolument aucune conséquence punitive, et donc l’industrie a en quelques sortes creusé sa propre tombe à ce niveau« , dit-il. Selon lui, d’ici cinq ans l’ensemble de la clientèle des sites pornographiques aura appris à télécharger gratuitement les contenus ailleurs.

Les amateurs de porno devant le juge

Finalement, l’industrie ne semble pas partager un point de vue uniforme sur la situation. Tandis qu’un groupe d’au moins cinq producteurs a déjà décidé de s’activer dès aujourd’hui pour créer une organisation professionnelle sur le modèle de l’AICO, l’Orgranisation australienne du Droit d’Auteur de l’Industrie Adulte, d’autres croient davantage dans une solution industrielle et commerciale. « Mon opinion personnelle c’est que tant que nous n’avons pas les ordinateurs quantiques qui permettent d’avoir des verrous et des clés efficaces, l’industrie doit simplement apprendre à gérer le nouveau milieu« , estime ainsi Piccionelli, qui ne croit pas pour le moment dans l’efficacité des DRM. Selon lui, il faut adapter le modèle du couple iPod/iTunes et baisser les prix pour dissuader les clients de pirater. Ce qui n’est pas incompatible avec les actions judiciaires.

Les profesionnels réunis pour cette table ronde doivent se rencontrer à nouveau pour tenter de mettre en forme leurs propositions et de faire grossir la boule de neige en recrutant d’autres producteurs. Très vite, les premières plaintes devraient être déposées. Un forum a déjà été créé pour mutualiser les découvertes et poster les copies d’écran qui feront office de preuves devant les tribunaux.

Reste qu’à plus ou moins long terme, l’industrie pornographique est soumise à la même problématique que l’industrie du disque : trouver son utilité dans un réseau déconcentré. Le P2P d’hier avec ses contenus piratés laisse en effet de plus en plus place aux sites pornographiques amateurs tels Yuvutu, YouPorn ou Pornotube, qui s’inspirent du modèle YouTube pour proposer aux couples de filmer leurs ébats et de les mettre gratuitement à la disposition de tous.

Si le voyeurisme a créé l’industrie pornographique, l’exhibitionnisme pourrait bien la tuer.

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