Dans l’univers de YouTube, c’est une petite révolution. Le 7 juin, la toute première association professionnelle de créateurs de contenus sur Internet a été lancée. Elle s’appelle la Guilde des vidéastes. Son objectif est de soutenir la professionnalisation du métier de youtubeur, mais aussi de défendre les intérêts de ceux et celles dont la carrière a déjà bien décollé. Numerama a parlé à son directeur général, Guillaume Hidrot.
Des règles pour mieux protéger les vidéastes
Tout a commencé en septembre 2017 au Frames, un festival avignonnais dédié aux vidéastes. Lors d’une discussion, l’idée d’un syndicat de youtubeurs est évoquée : il est question de se rassembler pour défendre des intérêts communs. C’est finalement près de deux ans plus tard que naîtra cet organisme, sous forme d’association et non de syndicat. « Nous avons plutôt choisi d’être une association professionnelle pour des raisons sémantiques — le terme syndicat donnait à certains l’impression qu’il allait falloir être très engagé — et pour des raisons plus techniques », explique Guillaume Hidrot.
Lui-même vidéaste (il s’occupe avec Virginie Spies de la chaîne Des médias presque parfaits), il raconte que la priorité est de « professionnaliser » le secteur. Ce procédé a dû être initié par d’autres secteurs avant YouTube comme le cinéma. Il consiste entre autres à donner aux créateurs un statut social, des conventions collectives, à mieux les protéger au niveau législatif. « Cela va nous permettre de faire valoir nos droits, explique Guillaume Hidrot. Pour les conventions collectives par exemple, on a fait le choix de mutualiser avec celle des autres métiers de l’audiovisuel mais on va pouvoir demander à ajouter des annexes qui concernent spécifiquement la création sur Internet ».
Pour l’instant, les lois en France protègent peu les vidéastes. Certaines règles pourraient s’appliquer à eux mais elles ne les citent pas directement et ne prennent pas en compte les particularités liées à leurs conditions de travail. Le débat a été posé à plusieurs reprises et notamment au sujet du travail des enfants sur YouTube — le ministère du travail se penche actuellement sur la question.
« On souhaiterait avoir plus de règles spécifiques à notre activité », reconnaît Guillaume Hidrot. Il évoque à ce sujet la création de minimas sociaux (revenus versés à une personne en situation de précarité). « Ce qui va être difficile c’est d’être représentatifs. Pour les minimas par exemple, ça ne va pas être simple de trouver le bon montant », craint-il.
Des situations contrastées
Les vidéastes, comme les acteurs et actrices, ont en effet des situations financières très différentes. Les plus gros vidéastes peuvent gagner quelques dizaines de milliers d’euros chaque année. Ils sont entourés d’équipes de production, de communicants, peuvent obtenir un soutien juridique en cas de besoin. Ce quotidien est bien loin de celui des youtubeurs qui débutent et ne gagnent pas encore beaucoup d’argent — voire pas du tout.
Le risque lié à ce contraste serait d’aboutir à du dumping social. Il s’agit d’une pratique qui vise à fixer des prix plus bas qu’ils ne pourraient l’être sur un marché. Cela pourrait être le cas avec les minimas sociaux selon la Guilde. Les montants de ces minimas pourraient être évalués en fonction des plus petits revenus et donc ne pas être optimaux pour une grande partie de la communauté. « C’est encore compliqué sur YouTube, je vois des jeunes accepter des partenariats à 2 000 euros alors qu’ils pourraient en demander 15 000 », illustre Guillaume Hidrot.
Les montants demandés sont parfois sous-estimés du fait de l’isolement des vidéastes. Même si certains se regroupent dans des sociétés de production ou par l’intermédiaire d’agences spécialisées, il n’existait jusqu’à présent aucune organisation professionnelle pour tous les fédérer.
Le Conseil d’État s’intéresse déjà à la Guilde
La plupart des créateurs se sont montrés enthousiastes à l’idée de la création d’une association professionnelle. «Bien sûr il y en a toujours qui sont réticents à l’idée d’une institutionnalisation, mais c’est plus une affaire de sensibilités personnelles », relativise le directeur général qui explique que depuis le 7 juin, 40 vidéastes ont rejoint la Guilde (parmi lesquels Solange te parle, Aude GG, le Fossoyeur de films ou encore Florence Porcel), ainsi que des sociétés de production.
Pour l’instant, les plus gros vidéastes français qui dépassent le million d’abonnés n’ont pas passé le cap, mais Guillaume Hidrot espère bien les convaincre. Il vise, d’ici fin 2019, les 150 membres. « Ce chiffre nous donnera déjà un certain poids pour faire valoir nos intérêts auprès des institutions », raconte-t-il.
Cela s’annonce plutôt bien. La Guilde des vidéastes a déjà été invitée par le Conseil d’État à participer aux auditions autour de l’application de la directive européenne controversée sur les droits d’auteur. « Leur démarche était vraiment positive, leur posture nous a agréablement surprise », se souvient le directeur général de l’association. Il précise qu’il ne s’attendait pas, au départ, à une « grande qualité d’écoute » mais que les discussions n’avaient finalement rien « d’anecdotique ».
De manière générale, il constate que les institutions sont de plus en plus conscientes que vidéaste sur Internet est aujourd’hui un vrai métier. De plus en plus de partenariats sont conclus entre des organismes comme le CNRS, des musées ou régions et des youtubeurs. Depuis 2017, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a également mis en place un fond d’aide aux créateurs. Pour Guillaume Hidrot, on assiste bien depuis deux ans à une légitimation progressive. La Guilde n’était selon lui que la suite logique de ce cheminement.
Pour en savoir plus, un direct sera organisé sur Discord le 12 juin dès 18 heures.
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