Mise à jour du 5 juillet : YouTube a annoncé des mesures le 3 juillet contre les vidéos de désinformation médicale. Un porte-parole a fait savoir à Numerama que la plateforme allait agir sur les recommandations de vidéos. Les vidéos contenant de fausses informations sur la santé y apparaîtront moins. Des encadrés présentant des sources vérifiées seront aussi proposés à côté de certains contenus. « Ils permettront de fact-checker l’information », nous a-t’il été précisé. « Nos systèmes ne sont pas parfaits mais nous avons vu des progrès (…) notamment dans les résultats de recherche sur les traitements sur le cancer où des sources sûres apparaissent davantage en premier », a indiqué le porte-parole.
Retrouvez ci-dessous l’article initial publié le 17 juin :
Il ne se passe pas un mois sans qu’une histoire de parent ayant donné de la Javel à son enfant autiste pour le « guérir » fasse la une des médias anglophones. La dernière en date a été publiée par Gizmodo le 14 juin. Elle concerne une mère pratiquant cette méthode — dangereuse et dont l’efficacité n’a jamais été prouvée — sur ses enfants. C’est sur YouTube qu’elle raconte avoir trouvé des informations à ce sujet. La plateforme peine en effet depuis des années à enrayer cet étrange phénomène.
Des morts liées au faux traitement ?
Le faux-médicament en question est appellé MMS ou Miracle Mineral Solution. Il suffit de taper ces termes sur YouTube pour trouver des centaines de vidéos. Certaines sont des vidéos de fact-checking (c’est le cas de la vidéo la plus vue à ce jour sur le sujet avec plus de 688 000 visionnages), mais beaucoup ont été publiées par des personnes malades ou ayant des proches malades. Elles y témoignent de comment le MMS aurait guéri des cas d’autisme, le VIH, l’hépatite ou encore le cancer. Quelques vidéastes disent aussi l’avoir utilisé pour de l’acné, la maladie de Lyme ou une grippe.
Cela fait des années maintenant que ces théories circulent sur YouTube. Des vidéos ont été publiées il y a 7 ans déjà.
Le MMS est composé de dioxyde de chlore, un gaz utilisé pour des travaux de blanchissement ou de désinfection et que l’on peut comparer à une eau de Javel. Il s’agit d’une matière très dangereuse. La FDA (organisme américain chargé de la régulation des aliments et médicaments) a alerté le public à son sujet en 2010. Elle disait avoir reçu plusieurs rapports médicaux inquiétants de personnes ayant consommé ce produit. Parmi les effets possibles, la FDA citait : de sévères nausées, des vomissements, une déshydratation importante pouvant entraîner la mort. Il était recommandé de « cesser immédiatement de l’utiliser ». L’organisme a indiqué cette année qu’il avait été saisi de plusieurs cas inquiétants, dont deux cas de morts qui seraient liées au MMS.
Des témoignages diffusés sur YouTube
La désinformation autour du MMS est née à cause de témoignages de parents qui disaient avoir « soigné » leurs enfants autistes en leur faisant avaler le produit de manière régulière. Il n’existe à ce jour aucune méthode fiable pour régler ce trouble du neurodéveloppement reconnu comme un handicap : seule une prise en charge par un ou une éducatrice spécialisée peut améliorer les capacités cognitives de la personne handicapée.
Des vidéastes prétendent pourtant le contraire. C’est le cas de Laurel Austin, une mère de famille antivaccins et complotistes devenue une figure du mouvement après avoir raconté comment elle soignerait ses enfants grâce au MMS, sur YouTube et Facebook. Elle a plus de 4 000 abonnés sur sa chaîne YouTube, de laquelle les vidéos concernant le MMS semblent avoir disparu.
Le père des enfants a alerté la police, raconte Gizmodo, pour empêcher son ex-conjointe d’administrer de la Javel à sa progéniture, jusqu’à 16 fois par jour. Laurel Austin leur a expliqué se baser sur la méthode de Kerri Rivera, une femme qui ne possède aucun diplôme médical mais vante également les mérites du MMS sur l’autisme. On trouve de nombreuses vidéos sur YouTube dans lesquelles elle tient ces discours dangereux. Certaines dépassent les 400 000 vues.
La police et les services de protection de l’enfance ont décidé de ne prendre aucune sanction contre Laurel Austin car sa méthode a été considérée comme une simple médecine non conventionnelle. Malgré les mises en garde de nombreux médecins et organisations de santé officielles comme la FDA, la police s’est basée sur un seul avis médical — recueilli auprès d’une médecin généraliste — pour estimer que le MMS n’était pas toxique.
Les plateformes peinent à faire le ménage
En mai, Business Insider avait consacré une enquête au sujet de la promotion de ce produit sur YouTube. Le média expliquait que la plateforme avait supprimé de nombreux contenus problématiques. Il suffit pourtant encore aujourd’hui d’effectuer de simples recherches par mots-clés pour en trouver, par dizaines. Contacté à ce sujet, YouTube — qui rappelle avoir supprimé 8,3 millions de vidéos rien qu’entre janvier et mars 2019 — a fait savoir à Numerama qu’il « n’autorise pas les contenus qui encouragent des activités dangereuses avec un risque de préjudice physique ». « Nous travaillons pour supprimer rapidement les vidéos signalées qui enfreignent ces règles », a-t-il été précisé. De nombreuses vidéos signalées ont été supprimées, mais elles ont sans cesse republiées. D’autres n’ont pas été repérées par l’algorithme ni signalées par les utilisateurs et donc restent en ligne.
Elle n’est pas la seule plateforme à devoir se battre contre les thèses autour du MMS. En mars 2019, Amazon a été pointé du doigt pour avoir laissé sur sa plateforme de vente des livres écrits par Kerri Rivera promouvant la dangereuse méthode. Les livres ont depuis été retirés du site, rapportait la NBC.
Google de son côté, propose toujours des suggestions douteuses lorsque l’on effectue certaines recherches. En voulant en savoir plus sur la composition du produit, on nous propose ainsi d’office les termes associés « cancer » et « solution ».
Il est globalement difficile pour ces entreprises de la tech de lutter contre la désinformation médicale. Aussitôt une vidéo ou un contenu est-il supprimé, qu’un autre est republié. En mars, nous vous expliquions avec l’exemple des théories conspirationnistes autour des vaccins que toutes les mesures prises par les plateformes n’étaient pas efficaces. Certaines ont décidé de sévir plus largement. Pinterest par exemple a annoncé bannir tous les contenus qui concernaient les vaccins. Le problème est que cela punit également les publications sûres sur le sujet…
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