Dans le film Skyfall, il existe une scène dans laquelle James Bond se fait remettre par Q un coffret contenant une micro radio ainsi qu’un pistolet, le célèbre PPK/Spécial. Mais pas n’importe quel PPK/S : un modèle biométrique, calé sur les empreintes palmaires du célèbre agent secret de Sa Majesté. Ainsi, aucune autre personne n’est censée pouvoir se servir de l’arme si elle empoigne la crosse.
Si l’on vous parle de ce passage, c’est parce que c’est cette approche qui a été mise en avant par Joe Biden, l’ex-vice-président des États-Unis, aujourd’hui dans la course à l’élection présidentielle américaine de 2020. Face aux autres débatteurs, comme Bernie Sanders, il a mis en avant l’idée d’utiliser la biométrie pour contrôler l’action de la détente des armes à feu.
Vers une base de données biométrique ?
Joe Biden ne s’est pas particulièrement attardé sur la manière dont ce dispositif serait mis en place et il est assez difficile d’éclaircir ce point, dans la mesure où son site de campagne ne mentionne pas la question de la régulation des armes ou bien le deuxième amendement de la Constitution. Cependant, il a déjà évoqué cette proposition au cours de précédentes réunions avec des donateurs.
Plusieurs interrogations demeurent : y aura-t-il aussi une base de données de ces informations très sensibles ? Qui la gérera ? Les fabricants d’armes ? Le gouvernement ? Si non, est-ce un stockage local qui sera privilégié, par exemple dans une puce dédiée à cet effet (à l’image de ce que fait Apple avec le coprocesseur Secure Enclave pour conserver la biométrie d’un utilisateur d’iPhone) ?
Si l’idée du candidat persiste tout au long de la campagne, des détails devront être fournis car il est facile d’imaginer toutes sortes d’interstices dans lesquelles se glisser pour gruger le système : de la copie des empreintes au vol de données, en passant par le piratage des armes et l’existence de failles dans la vérification des antécédents… ce ne sont pas les possibilités qui manquent.
Sans parler, tout simplement, du propriétaire d’armes à feu qui finit un jour par péter un plomb alors qu’il semblait tout à fait maître de lui-même.
Le fantasme du solutionnisme technologique
Reste qu’il est préoccupant de voir que les États-Unis n’arrivent toujours pas — y arriveront-ils un jour ? — à se départir du deuxième amendement, qui est un horizon indépassable outre-Atlantique. Plutôt que de s’attaquer à la racine du problème et enrayer la violence par armes à feu par des mesures politiques fortes, comme l’ont fait tous les autres pays du monde ou presque, l’Amérique ne se limite qu’à des actions périphériques.
Plus embêtant encore, cette idée transpire le solutionnisme technologique : sauf que la tech ne peut pas tout rattraper, tout corriger, tout compenser. Et même à supposer que le projet ait quelques vertus, il risque surtout d’être au cœur d’une transaction désastreuse pour les Américains : pour conserver leur liberté d’avoir des armes, y compris des armes de guerre, il leur faudra peut-être céder leurs empreintes dans une potentielle immense base de données gérée par l’État ou des marchands d’armes.
Le contraste est saisissant avec la Nouvelle-Zélande : trois mois après le massacre à Christchurch, Wellington a lancé un vaste plan de rachat d’armes pour faire sortir de la circulation un maximum d’armes. Auparavant, le parlement avait durci la législation. Le plan de rachat doit durer six mois. Après ce délai, la détention d’armes à feu prohibées sera passible de cinq ans de prison. Le solutionnisme politique, en somme.
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