Un décret paru au Journal officiel trace la route que les grandes entreprises vont devoir suivre pour améliorer à l’accessibilité des sites et des applications au profit des personnes handicapées.

Les plus grosses entreprises doivent désormais s’assurer que leurs services sont bien accessibles aux personnes handicapées. Tel est le sens d’un décret paru au Journal officiel le 25 juillet. Celui-ci impose à ces sociétés de suivre un référentiel d’accessibilité, défini par le gouvernement, et précise les modalités de vérification des services (sites, applications mobiles, etc) et les sanctions prévues en cas d’infraction.

Cette obligation de faciliter l’accès aux personnes handicapées vise les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel en France est d’au moins 250 millions d’euros (montant qui est calculé en faisant la moyenne des trois derniers exercices comptables). Concernant les structures de plus petite envergure, de futurs décrets pourraient être pris par la suite pour étendre progressivement cette exigence d’accessibilité.

Un aveugle se déplaçant dans la rue. // Source : Tobi Gaulke

Un aveugle se déplaçant dans la rue.

Source : Tobi Gaulke

Tous les contenus ne sont pas concernés

En plus des sites (web, intranet, extranet) et des applications mobiles, le décret couvre aussi les progiciels (c’est-à-dire les logiciels professionnels utilisés en entreprise) et le mobilier urbain numérique, comme une borne interactive. En effet, avec l’émergence de la « ville intelligente », les interfaces high tech sont petit à petit déployées dans l’espace public et nécessitent, elles aussi, d’être adaptées à tout le monde.

Plus précisément, le décret mentionne les fichiers dans des formats bureautiques, les contenus audio et vidéo préenregistrés (dont ceux ayant des parties interactives) ainsi que les contenus plus généraux que l’on trouve sur les sites et dans les applications mobiles. Attention toutefois : il existe des contenus qui sont exemptés de l’obligation d’accessibilité, de façon permanente ou tant qu’une condition précise n’a pas été remplie.

C’est le cas de certains contenus qui ont été publiés avant une certaine date (par exemple le 23 septembre 2020 pour les contenus audio et vidéo préenregistrés), les contenus de tiers qui ne sont ni financés ni développés par l’entreprise concernée et qui ne sont pas sous son contrôle ou encore les cartes et les services de cartographie en ligne (s’il existe une solution pour délivrer les informations essentielles).

Le décret demande également que soient mentionnés sur la page d’accueil des sites le niveau d’accessibilité et sa déclaration.

Agnès Buzyn

Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé.

Source : FNMF/N. MERGUI

Le décret ne précise pas le contenu de ce référentiel d’accessibilité, qui est établi par Agnès Buzyn, l’actuelle ministre de la Santé, et Cédric O, qui a le portefeuille du Numérique. Il doit en principe tenir compte de la diversité des handicaps qui existent : autistes, aveugles et malvoyants, sourds et malentendants, handicapés physiques et moteurs, dyslexiques.

Il est à noter qu’il existe déjà un référentiel général d’accessibilité pour les administrations, c’est-à-dire pour les services publics. Celui-ci tourne autour de quatre principes : un site perceptible, utilisable, compréhensible et robuste. Par exemple, il est demandé de ne pas concevoir de contenu susceptible de provoquer des crises. En revanche, la synthèse vocale doit être possible, comme la navigation au clavier.

Mise en conformité progressive

Si le décret est publié ce jeudi 25 juillet 2019, les dispositions n’entreront en vigueur qu’à partir de cet automne.

Dans le cas des sites web, intranet et extranet, ceux qui seront créés à partir du 1er octobre 2019 devront être en phase avec le référentiel. Les sites nés entre le 23 septembre 2018 et le 1er octobre 2019 devront l’être dès le 23 septembre 2019. Quant aux plus anciens, il faudra être prêt pour le 23 septembre 2020. Il s’agit de laisser du temps aux entreprises si elles ont du retard.

accessibilité

Les questions d’accessibilité couvrent de nombreuses problématiques. // Source : Home Office

Un délai beaucoup plus long est accordé pour les applications mobiles, les progiciels et le mobilier urbain numérique. En effet, une bascule en deux temps est prévue : le 23 juin 2021 et le 1er juillet 2021, selon les cas de figure. On peut s’étonner de la décision de classer les applications mobiles dans cette deuxième grande phase, alors que les smartphones sont extrêmement utilisés de nos jours.

Quant aux sanctions administratives, elles sont modestes : 20 000 euros pour les sociétés dont le défaut de conformité a été constaté. Il s’agit d’un plafond et son déclenchement n’est pas systématique : la partie fautive bénéficie d’une période de trois mois pour faire part de ses observations et justifier, le cas échéant, les raisons de cette infraction — durée qui peut être prolongée de deux mois supplémentaires en cas de nécessité. Ces éléments doivent être pris en compte avant de décider d’appliquer ou non une pénalité.

Priorité du quinquennat

Le handicap a été élevé au rang de priorité du quinquennat par l’actuel gouvernement. Dès le début de son mandat, l’exécutif a annoncé son engagement « pour l’accessibilité des services publics numériques » et manifesté son soutien pour « l’innovation technologique pour les personnes en situation de handicap ». Désormais, l’effort est porté au niveau du secteur privé.

Cette problématique a toutefois occupé la précédente équipe gouvernementale. Ainsi, à travers la loi de 2016 pour une République numérique, trois articles traitent de ce sujet dans le cas des sites web publics.Les administrations doivent déterminer un « schéma pluriannuel de mise en accessibilité » et s’y conformer. En cas de faute, une sanction, légère, est prévue  : 5 000 euros d’amende.

Au niveau européen aussi, l’accessibilité est un enjeu. Le Parlement s’est par exemple fait remarquer en 2016 en adoptant une directive qui impose l’accessibilité des sites publics pour les personnes handicapées. Un avant, la Commission annonçait un « acte législatif européen sur l’accessibilité » prévu pour s’étendre aux services du secteur privé s’ils sont considérés comme essentiels.

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