Mise à jour : un témoignage a été retiré de l’article après sa publication, du fait de doutes concernant son authenticité.
« Wesh. En direct de Madrid avec le fréro, le meilleur pronostiqueur de France. Suivez-le, il fait passer des côtes de ouf ». Dans une story, le footballeur Karim Benzema fait la promotion de l’entreprise de pronostics en paris sportifs de l’un de ses amis. Ce dernier, Laurent Correia, est lui aussi une star. Son nom ne vous dit peut-être rien, mais avec sa femme, Jazz Lanfranchi, ils se sont fait connaître en participant à plusieurs télé-réalités. Ils ont depuis quelques semaines leur propre show télévisé, la JLC Family, diffusé sur TFX, une chaîne du groupe TF1. Ils comptent à eux deux près de 4 millions d’abonnés rien que sur Instagram.
Laurent fait partie de ceux qu’on appelle les pronostiqueurs. Il a fondé Billionaire Pronos, une société qui conseille les internautes sur leurs paris sportifs. Il leur promet de gagner de l’argent, sans trop d’effort.
La promesse est alléchante et attire. Sur les réseaux sociaux, d’autres tentent de se faire une place dans ce secteur qui peut rapporter gros. Des milliers de personnes, qui auraient pour la plupart entre 18 et 30 ans d’après les témoignages recueillis, leur font confiance. Mais peut-on vraiment espérer devenir « billionaire » (milliardaire en anglais) grâce à ces sites ? Surtout, peut-on faire leur faire confiance et être certain de ne pas se faire duper ? Certains comptes Twitter comme L’arnaque des VIP mettent en garde contre ces services. D’autres témoignages que nous avons recueillis mettent en avant de grosses difficultés à se désabonner, voire des conditions d’utilisation pas très en règle.
Nous avons mené l’enquête.
Qui sont ces pronostiqueurs ?
En matière de paris sportifs, il y a bien sûr les sites classiques comme Betclic, Winamax ou Unibet. Le travail des pronostiqueurs se trouve lui en amont. Ils ont leurs propres sites, sur lesquels ils disent à leurs clients sur quelle équipe ou joueur miser et combien. Ils servent en quelque sorte d’intermédiaire.
Pour réaliser des pronostics, ils peuvent se baser sur plusieurs critères. Pour un match de foot par exemple, cela peut dépendre des joueurs sélectionnés des deux côtés, de leur état de santé, des tactiques généralement utilisées par l’équipe, ses forces et faiblesses, etc. Ils existent pour la plupart depuis deux ou trois années.
Parmi les plus connus, on trouve Billionaire Pronos, Thomas Lamasse, Wartz, Alex Betting, LPF Pronos ou encore Nico Pronos. Les abonnements oscillent généralement entre 20 et 50 euros par mois et le secteur aurait pris de l’importance en « 2016 ou 2017 » selon L’arnaque des VIP, qui se fait appeler Radradra.
Leurs gérants ont des profils très différents :
- Laurent Correia de Billionaire Pronos est une star de la télé-réalité,
- Wartz est dirigé par deux personnes : Elias Chabi, un footballeur de 21 ans, et un ami, étudiant en école de commerce âgé de 22 ans.
- Le créateur de LPF Pronos, Léo Grataroli, a décroché un bac professionnel en 2016 dans une spécialité toute autre que les pronostics, à savoir les soins et services à la personne.
Aucune qualification n’est donc nécessaire pour exercer cette profession. Un site, un bon réseau, un peu d’imagination, et tout devient possible.
Des sites promus par des célébrités
Leurs sites sont promus par des personnalités très célèbres qui ont des communautés de plusieurs dizaines de milliers, voire millions de fans. Karim Benzema par exemple, a 30 millions d’abonnés sur Instagram, 10 millions sur Twitter et 22 millions de personnes ont liké sa page Facebook, ce qui donne une idée de sa renommée en ligne.
LPF Pronos met aussi en avant ses têtes d’affiche : les rappeurs Jul et Kaaris, le youtubeur Ibra TV (4 millions d’abonnés) ou encore le duo de télé-réalité Thomas et Nabilla Vergara (1,5 et 4,6 millions d’abonnés sur Instagram).
Les personnalités du monde de la télé-réalité qui ont une communauté de 1 à 2 millions de fans en moyenne font régulièrement une promotion élogieuse de ces jeux sur Instagram ou Snapchat. Elles parlent « d’argent facile » et de gains attrayants de 3 500 euros par mois.
Mais comme d’autres personnalités, parmi lesquelles on trouve aussi le rappeur La Fouine, elles le font sans toujours se conformer aux règles de la publicité pour les jeux de hasard inscrites dans la loi. Ces dernières stipulent que « toute communication commerciale en faveur d’un opérateur de jeux d’argent et de hasard est interdite dans les publications [ou services de communication en ligne à destination des mineurs ». Les paris sportifs sont considérés comme un jeu de hasard.
Or en 2010, le Conseil supérieur de l’audiovisuel expliquait que les sites ou plateformes prisées des jeunes comme les réseaux sociaux étaient considérées comme faisant partie de cette catégorie. Contacté au téléphone, Radradra nous explique toutefois qu’il n’a jusqu’ici pas rencontré de mineur qui aurait été victime d’une arnaque.
La loi recommande aussi de prendre des précautions, par exemple en assortissant toute communication commerciale d’un « message de mise en garde contre le jeu excessif ou pathologique ainsi que d’une référence au système (…) d’assistance prévu ».
Les publicités que nous avons pu consulter, et dont nous montrerons les contenus dans cet article, ne respectent visiblement pas ces règles — les sites eux, contiennent tous une mention sur les risques liés aux jeux de hasard, conformément à la loi.
Certains pronostiqueurs ont par exemple fait appel à des youtubeurs. C’est le cas de Wartz, qui nous a expliqué avoir sponsorisé plusieurs vidéos, pour des montants variables. lls disent avoir rémunéré le youtubeur Mohamed Henni (aujourd’hui 1,4 million d’abonnés) 500 euros environ en 2017, car sa notoriété était moins importante à l’époque, pour une vidéo promotionnelle qui est toujours en ligne.
Ahmed Lndy (100 000 abonnés) et Théodore alias Tsukiyo Power (environ 500 000 abonnés) auraient eux touché 3 000 euros chacun (Ahmed évoque lui 1 000 euros et d’après nos informations, Théodore aurait touché 4 500), fin 2018, pour une vidéo plus fouillée de type « enquête » sur les pronostiqueurs. Théodore y vante les mérites de Wartz qui semble être le seul à trouver grâce à ses yeux. Il dit s’appuyer pour cela sur ses propres tests. Il aurait misé 100 euros sur plusieurs sites et c’est sur Wartz qu’il aurait gagné le plus d’argent. Il précise que selon lui, n’importe quel pronostiqueur peut avoir « ses bons, ou ses mauvais mois ».
Dans les commentaires sous sa vidéo, il est pourtant très critiqué. Pour ses abonnés, Wartz ne serait pas meilleur que les autres et serait un « escroc » (sic). Ce mécontentement est d’autant plus vif que la seule preuve des gains apportée par le vidéaste est une série de chiffres tapée sur un logiciel de traitement de texte et non des captures vidéos des pronostics réalisés.
Ahmed Lndy, lui, est bien plus mesuré dans ses propos, mais nous y reviendrons plus tard.
De faux avis Google achetés ?
Ces vidéos mettent le doigt sur ce qui cloche avec les pronostiqueurs : les avis sur les services qu’ils proposent sont pour le moins contrastés. Lorsque l’on fait des recherches sur ces pronostiqueurs sur le Web, le terme « arnaque » ressort parfois dans la bouche d’internautes.
Mais même les avis positifs peuvent questionner, certains se demandant si certains ne sont pas faux. Lorsque l’on tape le nom de Thomas Lamasse sur Google, voici ce que l’on voit:
Plus de 3 000 avis Google ont été publiés et la note moyenne est de 4,6 étoiles sur 5, soit une excellente note. À première vue, cela inspire la confiance. D’autres notes trouvées en plus petit en dessous entachent un peu cette image. Sur Facebook, la moyenne est de 3,4 étoiles sur 5 avec 57 votes. Sur les Pages Jaunes, c’est 3,6/5 pour 19 avis. Par ailleurs, en cliquant sur les avis Google, on tombe sur des commentaires soit très élogieux, soit… très négatifs :
Certains accusent Thomas Lamasse d’être un « escroc » qui achèterait des avis positifs. Ils évoquent des problèmes comme des prélèvements abusifs présumés sur leurs cartes bleues.
Certains avis négatifs semblent aussi eux aussi suspects : « Jean-Marc », dont l’avis a été publié plus haut, reprend en effet mot pour mot l’avis d’une autre internaute, cette fois nommée « Sophie ». Au téléphone, Thomas Lamasse nous dira qu’il s’agit d’un « groupe de rageux » qui s’en prendrait à lui depuis ses débuts. Il dit aussi « ne pas savoir » si l’on peut acheter de faux avis Google (des sites existent bien à cette fin).
Dans le cas de Billionaire, c’est sur le magasin d’applications mobiles Google Play que l’on trouve de nombreux avis négatifs. Sur 187 notes, on a une moyenne de 1,8 sur 5 étoiles.
Les pronostics peuvent-ils être rentables ?
Les problèmes cités sur ces avis ou les forums sont souvent les mêmes. Certains se plaignent de pronostics souvent erronés, et donc peu rentables.
Anthony, un témoin à qui nous avons parlé, a investi une centaine d’euros sur PronoAtom. Il en avait entendu parler sur les réseaux sociaux et a vu cela comme de « l’argent facile ». Il raconte qu’en général, ces conseils sont « bénéfiques sur le court ou moyen terme ». Mais ensuite, ça se corserait un peu. Il travaille dans le domaine des mathématiques et s’est amusé à calculer des probabilités. Pour lui, « à moins d’être un génie, il est impossible d’être rentable sur le très long terme ».
« À moins d’être un génie, il est impossible d’être rentable sur le long terme »
Mehdi* appuie cette hypothèse. Il a testé plusieurs sites. Il estime que Billionaire pronos avait une bonne communication… mais n’était pas rentable à long terme. Pour lui, c’était « une catastrophe ». Il regrette aussi les faiblesses sur le long terme de Nico Pronos, alors qu’il était ravi du service durant les premières semaines de son abonnement. Il a été enfin extrêmement déçu par Alex Betting chez qui il serait selon lui « impossible d’être très rentable ». « Pour gagner 30 euros il faut miser 100 euros, c’est beaucoup », dit-il.
Actuellement, il est chez Pronosmax, « un peu plus cher, mais avec des services très corrects », juge-t-il.
Samir* a aussi été chez Alex Betting « il y a quelques années ». « Au début je gagnais quelques paris et puis très vite, les paris perdants se sont multipliés. » Les paris étaient, dit-il, « trop approximatifs, sans véritable analyse ». Pour lui, la plupart des pronostiqueurs seraient des « arnaqueurs blingbling ».
Les entreprises se prémunissent souvent de ce type de déceptions dans leurs CGU (conditions générales d’utilisation). Lpf Pronos écrit ainsi que ses abonnements sont fournis « sans aucune garantie de fiabilité, de justesse, d’exhaustivité ou d’exactitude. » « Aucune garantie ne s’applique aux informations et pronostics donnés [qui] ne constituent en aucun cas un conseil ou une recommandation », est-il noté, alors même que l’URL du site est : lpf-conseil.com et que sa page d’accueil contient aussi ce terme :
Le client est jugé « seul responsable de ses actes et de ses décisions ». Pour adresser une réclamation, il faudra le faire dans les… « trois jours ouvrables » (hors dimanche et jours fériés) suivant l’inscription. Aucune réclamation ne sera possible ensuite, est-il précisé.
De la publicité mensongère ?
Perdre est un risque lorsque l’on joue à un jeu de hasard, mais le problème est davantage l’écart entre les résultats promis et la réalité, comme en témoigne Maxime*. Il avait pris la formule 6 mois chez Billionaire Pronos d’octobre 2018 à avril 2019. Il n’a pas renouvelé, car pour lui, on ne faisait « que perdre ». « Ce n’est pas tellement une histoire de fiabilité, modère-t-il cependant. Dans tous les jeux de hasard, on peut perdre ou gagner… ». Ce qui le gêne en revanche, c’est que le fondateur du site mette en avant sur les réseaux sociaux son quotidien de rêve — à coups de jet privé et voitures de luxe — en assurant qu’il est devenu riche grâce à ses paris.
« Pour moi, il vit plutôt avec l’argent des gens qui achètent ses pronostics », dit Maxime.
Anthony évoque à son tour Billionaire pronos, concernant cette fois la disparition présumée de résultats négatifs. « Il poste 3 ou 4 paris par jour. Si l’un passe et pas les autres, il ne parlera que du gagnant, ou alors il se plaindra que le match était truqué ». Ne mettre en avant que de ses résultats positifs est une technique de vente qui n’est pas nécessairement illégale… Mais elle est moralement douteuse.
En revanche, mettre en avant des résultats volontairement erronés peut s’apparenter à de la publicité mensongère. C’est puni par la loi et passible en France de 300 000 euros d’amende et deux ans d’emprisonnement.
Des tests effectués sur plusieurs mois par l’internaute derrière le compte Twitter L’arnaque des VIP prouvent ces écarts. Il publie ses résultats sur sa chaîne YouTube. Un journaliste de France TV a pu les confirmer dans un reportage. À la fin du mois, Radradra et le journaliste ont obtenu des résultats… négatifs, notamment sur le site Billionaire Pronos.
https://www.youtube.com/watch?v=3nkiP35IMyk
Nous avons profité d’un abonnement sur le site Comparateur pronostiqueurs pour suivre en temps réel les résultats de plusieurs pronostiqueurs. Automatisé, il indique combien nous aurions pu gagner ou perdre si nous avions suivi tous les paris proposés entre le 1er et le 16 septembre. On obtient : – 18,5 euros chez Thomas Lamasse, – 246 chez Billionaire, – 73 chez LPF, -6,5 chez Alex Betting, – 301 chez Nico. Si l’on avait suivi uniquement les paris considérés comme sûrs, on aurait obtenu respectivement : – 18,5, + 2,8, – 98,5, – 6,5 et – 184,7. Ces résultats ne sont évidemment pas représentatifs, car ils se basent sur une courte période, mais ils donnent une idée du risque inhérent aux paris sportifs : les pertes sont beaucoup plus fréquentes que les gains. Ils ne sont pas disponibles pour Wartz.
Selon Radradra, « certains pronostiqueurs ne montrent des résultats qu’en capture photo. » Or il est très facile de les manipuler, simplement en modifiant le code source de la page.
Prélèvements abusifs et abonnements impossibles à résilier
Lorsque les clients veulent résilier, tout n’est pas simple non plus… Sur le Web, les commentaires négatifs pointent du doigt des choses graves, comme des prélèvements bancaires abusifs ou des abonnements très difficiles, voire impossibles à supprimer.
Sur un forum, un certain « Azorr » explique qu’il n’arrive pas à trouver « la manipulation à faire » pour résilier son compte chez Lpf pronos. Plusieurs internautes répondent être dans le même cas que lui. « Ce n’est pas très clair, ses conditions de vente : d’un côté c’est écrit 3 mois et de l’autre 6 mois. Je n’ai jamais eu de retour de mail ni de retour de mon recommandé de résiliation avec accusé de réception », regrette l’un d’entre eux.
Adam était abonné à Nico Pronos. « Ce n’était pas rentable, une belle connerie », se souvient-il. Il a mis fin à son abonnement, mais a ensuite été prélevé 3 mois supplémentaires. Les CGU ne font mention que d’un mois de préavis. « J’ai fait des réclamations auprès de PayPal, mais je n’ai jamais été remboursé », regrette Adam.
Logane a testé HitchPronos en mai dernier après avoir vu des stories Snapchat sur le site, attirée par une promotion à 1 euro le mois. « Le site était impeccable, par contre niveau rentabilité, on n’y était pas du tout », a-t-elle dit. Elle se souvient qu’elle perdait une fois sur deux, environ. Parce qu’elle voyait ça comme une « perte de temps », elle s’est désinscrite. Elle a alors dû payer un mois de plus, à 50 euros. Il s’agit d’un mois de préavis qui figure cette fois bien dans les CGU, mais elle estime qu’à moins de les lire en entier, les clients ne sont pas toujours bien informés.
Paul*, un ancien client, confirme également ces pratiques à Numerama. Pour résilier son compte, il faut, dit-il, « changer de carte bleue. » « Sinon on est prélevé tous les mois et c’est impossible de se désabonner », témoigne-t-il. Il aurait constaté des faits similaires chez Lpf Pronos, Thomas Lamasse et Billionaire Pronos. Ce dernier lui aurait facturé deux fois le premier mois, sans jamais le rembourser. « Ils ne répondent pas aux emails et il n’y a aucun bouton pour résilier simplement son abonnement », regrette Paul.
Interrogé à ce propos, Thomas Lamasse nous a indiqué que le délai de rétractation légal de 14 jours ne fonctionnait pas sur son site, car « sinon les gens en profiteraient pendant 15 jours, puis partiraient ». Il précise que l’on ne peut résilier son contrat qu’à une date bien précise, à savoir la date anniversaire de la création de l’entreprise, le 31 mai. Il explique que c’est « comme chez Canal+ » — qui propose un système de date anniversaire, qui est en revanche fixée à la date de conclusion du contrat. Le pronostiqueur reconnaît cependant que cette condition pose problème. « On va bientôt la supprimer », assure-t-il.
Ni Billionaire Pronos ni Lpf Pronos n’ont donné suite à nos sollicitations. Les CGU de Billionaire Pronos stipulent que « l’utilisateur peut résilier son abonnement à tout moment (…) sans avoir à justifier de motifs », grâce à un bouton sur le site ou un courrier recommandé avec accusé de réception. « La résiliation sera effective instantanément », est-il écrit. cela coûtera à l’abonné un mois d’abonnement, le temps du préavis.
L’article 8 des CGU de Lpf Pronos indique, lui, qu’il existe en théorie deux types de résiliations. La première est à « l’amiable ». Il suffirait d’envoyer un courrier recommandé avec accusé de réception à FRP distribution pour y parvenir. Aucun préavis n’est mentionné. Il y a également la résiliation « pour faute », si l’une des parties ne respecte pas ses engagements. Il faut alors envoyer une mise en demeure sous forme de lettre recommandée puis attendre 15 jours.
Y a-t-il vraiment une exception à la règle ?
À la suite de notre appel à témoignages, des commentaires positifs (voire très positifs) nous ont aussi été envoyés. La quasi-totalité d’entre eux concernait Wartz… mais ils seraient peut-être à modérer.
Shiroige dit avoir rejoint Wartz en janvier dernier. Pour lui, il s’agirait d’une « bonne surprise ». Il vante une bonne « qualité des analyses » et des « experts compétents et disponibles ». Pierre* a aussi apprécié « l’honnêteté » de Wartz. C’est le seul service qu’il ait testé. Axel, Samir, Pierre et John en sont aussi contents même s’ils concèdent ne « pas toujours gagner ». Florian, inscrit depuis 4 ans, arrive à gagner entre 150 et 300 euros par mois, parfois entre 500 et 900 les bons mois (Numerama a pu consulter les captures d’écran qui pourraient être manipulées et sont donc à prendre avec des pincettes). Il voit cela comme un bon complément de revenu, mais pas un travail à plein temps.
Tout ne serait pas rose pour autant avec Wartz. Ahmed a publié en juin 2018 un reportage sur le sujet sur sa chaîne YouTube Ahmed Lndy. ll y décrit des résultats largement décevants. Une vraie « douche froide » puisqu’il a perdu la totalité de sa mise de départ, à savoir 300 euros, en moins d’un mois.
Nous avons évoqué ces chiffres avec Elias Chabi, de Wartz. Pour lui, Ahmed n’aurait pas suivi leurs pronostics et aurait fait n’importe quoi avec sa mise. Wartz ne lui aurait jamais conseillé de miser tout le reste de son argent à la fin du mois, quitte à le perdre, par exemple.
Par messages privés, Ahmed répond à ces accusations. Il explique que tout ce qui est dans son reportage est « véridique ». « Je n’ai fait que suivre les conseils de leurs experts. J’ai fauté à une seule reprise, car j’ai oublié de placer un jour, mais c’est tout », assure-t-il. Il précise qu’il a bien été rémunéré pour cette vidéo par Wartz, ayant reçu l’argent avant qu’elle ne sorte. « J’avais bien mentionné que quoi qu’il arrive je ferai la vidéo, que ce soit positif ou négatif, raconte-t-il à Numerama. Sûrs de leur coup, ils ont accepté. Sauf qu’une fois la vidéo publiée, ils n’ont plus assumé. »
D’autres accusent également Wartz de masquer des résultats négatifs, ce que les intéressés démentent là encore.
Difficile de porter plainte ?
Les clients qui rencontrent des problèmes « ne portent généralement pas plainte », regrette Radradra. Ils sont souvent jeunes, et n’ont pas les moyens humains ou financiers d’attaquer un site en justice. La plupart du temps, ils pourraient pourtant bien poursuivre les sociétés, car elles sont basées en France et donc facilement attaquables en justice.
L’entreprise de Thomas Lamasse est une SARL enregistrée à Boulogne-Billancourt. Wartz est immatriculée au registre du commerce de Strasbourg. LPF Pronos appartient à l’entreprise FRP distribution, enregistrée à Gap, dans le sud de la France. Nico Pronos est également géré depuis les environs de Gap, mais pas depuis la même adresse postale.
Nous n’avons pas pu nous renseigner sur le site d’Alex Betting à ce propos, car le site est en pause depuis plusieurs jours pour cause de vacances et les conditions d’utilisation ou mentions légales ne sont de fait pas disponibles. Le nom de la marque n’est pas enregistré en France et aucune société ne semble porter ce nom. La mention « UK » dans l’URL du site laisse penser qu’il est géré depuis le Royaume-Uni (United Kingdom en anglais), mais nous n’avons pas retrouvé sa trace dans le registre de commerce britannique sous l’appellation Alex Betting ou AlexBetting.
Billionaire Pronos enfin, est enregistré à Malte, bien que son fondateur vive à Dubaï. L’adresse renseignée semble être l’adresse d’une boîte postale. En effet, d’après nos recherches, au moins 5 entreprises sont domiciliées à cette même adresse, qui est pourtant celle d’un bâtiment de petite taille. On trouve parmi elles d’autres sociétés de pronostics sportifs comme Green Pronos, Diablo Pronos, Vikos Pronos et Stockoutt. Nous avons demandé au fondateur de Billionaire Pronos s’il avait un lien avec les gérants de ces sociétés, mais n’avons pas obtenu de réponse de sa part. La domiciliation à Malte rend très délicate toute procédure judiciaire si cela s’avérait un jour nécessaire.
Les autorités veulent sévir
Pour conclure cette enquête, restait à savoir ce qu’en pensent les organismes d’État compétents. La DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes) nous a renvoyé vers l’ARJEL, l’autorité de régulation des jeux en ligne.
Celle-ci nous a indiqué « suivre avec attention » le dossier, « depuis plusieurs mois ». Selon elle, tous les sites ne respectaient pas la loi, notamment l’article 121-4 du code de la consommation qui stipule que « sont réputées trompeuses […] les pratiques commerciales qui ont pour objet […] D’affirmer d’un produit ou d’un service qu’il augmente les chances de gagner aux jeux de hasard ».
L’ARJEL a rappelé à plusieurs de leurs partenaires commerciaux qu’ils devaient « examiner avec soin les modalités de leur offre » afin de s’assurer qu’ils proposaient des solutions licites. Elle leur a aussi rappelé, nous indique une porte-parole, que « l’obligation de lutter contre le jeu excessif imposait de ne pas s’associer à des publicités porteuses de croyance erronée. »
Selon l’organisme, plusieurs opérateurs agréés se sont retirés de sites de pronostiqueurs. Il figure parfois toujours sur leur site le logo, mais sans lien actif renvoyant vers les sites de pronostiqueurs. « L’ARJEL reste très vigilante sur cette question », nous a-t-on indiqué.
En attendant, la « guerre des pronostiqueurs » fait rage. Sur les réseaux sociaux, il n’est pas rare d’en voir certains s’insulter, par snaps interposés. Ces conflits semblent à la fois personnels et professionnels. Preuve que le marché est un gâteau qui ne se partage pas si facilement.
https://www.youtube.com/watch?v=gph4uxYTxvA
Thomas Lamasse de son côté, nous a expliqué travailler sur un projet qui vise à donner plus de poids aux petits pronostiqueurs qui n’ont pas encore suffisamment de notoriété. Il nous confie que d’ici « quelques semaines », il lancera une plateforme pour les mettre en contact avec des clients potentiels. Lui et ses partenaires commerciaux dont il ne dévoile pas le nom toucheront une commission à chaque nouveau contrat. Ce sera un peu, dit-il « le Uber du pronostic ». Il nous assure que les résultats de chaque pronostiqueur seront vérifiés de manière automatisée et qu’il ne sera ainsi « pas possible de tricher ».
Tous les pronostiqueurs nommés dans cet article ont été contactés le 3 septembre puis relancés. Seuls Wartz et Thomas Lamasse ont donné suite à nos sollicitations.
*Les prénoms ont été changés.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Abonnez-vous gratuitement à Artificielles, notre newsletter sur l’IA, conçue par des IA, vérifiée par Numerama !