Déjà empêtré dans une vive polémique aux États-Unis au sujet de ses projets sur la reconnaissance faciale, Amazon risque désormais de s’enliser davantage : le géant du commerce électronique a en effet reconnu qu’il est en train de rédiger lui-même des projets de loi sur le sujet qu’il proposera ensuite au législateur américain. Pour le dire autrement, Amazon prépare les textes qui le réguleront dans le futur
C’est Jeff Bezos qui a glissé l’information à un journaliste, et que Vox relaie dans son édition du 26 septembre. « Notre équipe chargée de la politique publique travaille actuellement à l’élaboration d’un règlement sur la reconnaissance faciale ; il est tout à fait logique de réglementer cela », a lâché le multimilliardaire, admettant d’ailleurs le caractère dual de cette technique biométrique.
« C’est un exemple parfait de quelque chose qui a des utilisations vraiment positives, donc vous ne voulez pas y mettre des freins » a estimé le fondateur d’Amazon. « Mais, en même temps, il y a aussi un potentiel d’abus de ce genre de technologie, alors vous voulez des règlements ». En la matière, c’est le projet Rekognition de la plateforme américaine qui focalise toutes les critiques.
Ce système, dévoilé en 2016, est depuis plus d’un an maintenant cœur d’une controverse mêlant surveillance étatique et libertés publiques. Pourtant, malgré les ratés du système et les appels de certains actionnaires, qui craignent des dérives évidentes sur le contrôle des foules et des excès à l’égard de minorités particulières, l’entreprise américaine est restée sur ses positions.
La fabrique de la Loi
En principe, il est bien entendu salutaire qu’une régulation émerge sur ce développement biométrique. Tout l’enjeu est néanmoins de savoir comment elle sera rédigée : qu’est-ce qu’elle autorisera et qu’est-ce qu’elle interdira. Le diable se cachant dans les détails et Amazon étant juge et partie dans ce dossier, il est légitime de craindre que ses intérêts économiques orientent sa rédaction législative.
Pour qui suit l’actualité parlementaire, il n’est pas nouveau de voir une tierce partie se mêler de la rédaction des textes de loi. Des groupes de pression n’hésitent pas à fournir les argumentaires, les amendements et même les textes de loi à la représentation nationale — ou en tout cas à celles et ceux dont ils pensent qu’ils relaieront facilement leurs intérêts –, ceux-ci étant repris parfois à la virgule près.
Ce phénomène est le prolongement d’un constat évident : les personnes qui siègent dans les parlements ne sont pas expertes dans tous les secteurs de la société qui requièrent une législation — la directive droit d’auteur en est un bel exemple. De la politique spatiale à l’agriculture, en passant par le numérique, le travail ou le sport, les débats sont parfois excessivement pointus, alors que leurs conclusions peuvent engager durablement le pays dans une direction donnée.
Bien sûr, les parlements ne sont en principe pas désarmés. En France par exemple, il existe l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Sa mission est d’informer les des conséquences des choix scientifiques et technologiques. En plus des parlementaires, l’office fait place à des universitaires, des professeurs et des responsables de recherche venant de différents domaines.
Cela étant, l’intervention d’Amazon dans la fabrique de la loi — qui se fait au moins à visage découvert, manifestement — pose plus généralement la question de la préparation des élus à certains enjeux de société majeurs. S’ils ne peuvent pas être spécialistes en tout, l’on doit en revanche s’interroger sur l’existence et / ou la pertinence des instances consultatives qui sont censées les éclairer de façon complète et loyale.
Selon Vox, le contenu de la réglementation imaginée par Amazon n’est pas encore connu.
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