Elle y va à bras le corps. Après avoir installé à grand bruit une mission sur la lutte contre la contrefaçon numérique confiée à Denis Olivennes, dont on sait déjà qu’elle ne débouchera sur rien de tangible, la ministre de la Culture Christine Albanel confie très discrètement une nouvelle mission inutile, cette fois au Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA). Il s’agit pour le Conseil de réfléchir à la « responsabilisation des prestataires Internet, hébergeurs et FAI, sur le contenu qui transite dans leur main« , indique PC Inpact qui rapporte cette information révélée par Les Echos.
Le CSPLA a d’ores et déjà confié la charge du rapport à Pierre Sirinelli (photo ci-contre) celui-là même dont nous disions hier qu’il est « l’un des juristes les plus attachés au monde à la vision ultra-conservatrice du droit d’auteur exclusif ». Président de l’AFPIDA (association pour la protection internationale du droit d’auteur) et vice-président de l’ALAI (association littéraire et artistique internationale), le professeur Sirinelli a déjà commis un rapport intransigeant en préparation de la loi DADVSI, ou signé de son nom la partie juridique du Livre Blanc du SNEP. Dans le milieu, Pierre Sirinelli est l’homme que les lobbys vont chercher dès qu’il faut défendre leurs intérêts. D’où son omniprésence sur ces dossiers.
Mais tout de même, à quoi peut bien servir cette énième mission alors que les règles en matière de responsabilté des intermédiaires techniques sont fixées au niveau international et non franco-français ? La loi sur la confiance dans l’économie numérique (LEN), qui a fixé les règles en France, n’était qu’une transposition de la directive européenne sur le commerce électronique (200/31/CE). Celle-ci prévoit explicitement que « les États membres veillent à ce que, en cas de fourniture d’un service de la société de l’information consistant à transmettre, sur un réseau de communication, des informations fournies par le destinataire du service ou à fournir un accès au réseau de communication, le prestataire de services ne soit pas responsable des informations transmises, à condition que le prestataire a) ne soit pas à l’origine de la transmission; b) ne sélectionne pas le destinataire de la transmission et c) ne sélectionne et ne modifie pas les informations faisant l’objet de la transmission« .
On ne peut être plus clair : sauf nouvelle directive européenne, la France n’a pas le droit de responsabiliser les FAI. Même Pierre Sirinelli ne pourra aboutir à une conclusion différente. C’est un principe que mêmes les Etats-Unis, pays d’Hollywood, ont adopté depuis longtemps. Demande-t-on à la Poste d’ouvrir chaque colis et de vérifier qu’elle ne transporte pas de polos Lacoste contrefaits ?
Déjà tancée pour avoir fait du chantage à Free dans cette même optique, Christine Albanel persiste et signe. Faut-il à nouveau lui rappeler que ses missions de ministre de la Culture et de la Communication concernent aussi bien la défense légitime des milieux culturels que la défense non moins légitime du développement des moyens de communication ? Depuis son arrivée rue de Valois, on ne voit guère que le premier volet s’exprimer.
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