Depuis quelques jours, Blizzard est dans l’œil du cyclone en raison d’une décision qui prête à débat. Ainsi, le studio a disqualifié un joueur professionnel de Hearthstone parce qu’il a osé s’exprimer sur la situation à Hong Kong (« Libérez Hong Kong, la révolution de notre temps ! »). Dans un contexte de crise entre la Chine et Hong Kong, la première étant privilégiée par les multinationales, cette sanction ne passe pas, y compris au sein même de l’entreprise. Selon les informations de Daily Beast publiées le 9 octobre 2019, certains employés ont organisé une marche de protestation mardi 8 octobre.
« Je suis déçu », a commenté l’un d’entre eux — « déçu » de voir Blizzard privilégier les intérêts économiques (les joueurs chinois sont friands de ses jeux et la Chine est un partenaire) à la liberté d’expression. Les salariés en question se sont réunis autour de l’emblématique statue à l’effigie d’un orc, installée au sein du QG situé à Irvine. Une photo publiée sur Imgur, authentifiée par l’une des personnes interrogées, montre une vingtaine de protestants. Certains arboraient un parapluie — symbole de la révolution à Hong Kong.
Des employés de Blizzard déçus
« L’action prise par Blizzard à l’encontre du joueur est affligeante, mais loin d’être surprenante. Blizzard gagne beaucoup d’argent grâce à la Chine et, désormais, l’entreprise est dans une position gênante où nous ne pouvons plus respecter nos valeurs », explique un employé de longue date. Un autre ajoute : « Nous voulons que les joueurs du monde entier profitent de nos jeux, mais aucune décision comme ça ne peut être prise avec de la neutralité politique. » Clairement, Blizzard est accusé d’avoir pris parti. « Blizzard montre qu’il est prêt à s’humilier pour faire plaisir au Parti communiste chinois », arguait même Ron Wyden, sénateur républicain. Une preuve que l’affaire a pris une tournure politique.
L’un des salariés interrogés évoque un signe avant-coureur : une constante autocensure pour se plier aux diktats du gouvernement chinois (il prend l’exemple d’un squelette qui a dû être retiré d’un jeu). « Les enjeux sont beaucoup trop élevés désormais. Ce qui était auparavant une décision évidente l’est beaucoup moins aujourd’hui », appuie-t-il. Ce mouvement de protestation pourrait se poursuivre dans les jours à venir. À l’heure où nous écrivons ces lignes, Blizzard n’a pas sévi.
À noter qu’Epic Games a saisi cette opportunité pour prendre la position… inverse. Comme l’a indiqué un porte-parole dans les colonnes de The Verge : « Epic soutient la liberté d’exprimer son point de vue sur la politique et les droits humains. Nous ne bannirons ni ne punirons un joueur de Fortnite ou un créateur de contenu pour avoir parlé sur ces sujets. » Pourtant, Epic Games est en partie détenu par Tencent, conglomérat chinois très puissant.
Les joueurs protestent eux aussi
En plus des employés de Blizzard et de la classe politique, les joueurs se sont eux aussi emparés du dossier. Au point que le forum r/Blizzard de Reddit a été temporairement fermé face à l’accumulation de messages — parfois haineux — critiquant l’entreprise américaine. Certains fans de Hearthstone ont carrément annoncé qu’ils arrêteront les frais. « Je joue à Hearthstone depuis début 2014. J’ai dépensé plus de 200 livres et j’y ai passé des heures et des heures. Aujourd’hui sera mon dernier jour sur le jeu (…). Ce que Blizzard a fait, ou plutôt ce qu’il est en train de devenir, est une tragédie. Agissez avec votre portefeuille, c’est le seul langage qu’ils comprennent », a clamé l’un d’eux.
La scène professionnelle du jeu de cartes à collectionner va par ailleurs perdre Brian Kibler. Dans un long édito publié sur Medium le 9 octobre, le streamer aux 450 000 abonnés sur Twitch, a annoncé son choix de ne plus caster le tournoi Grandmasters. Bien qu’il comprenne en partie la position de Blizzard, il justifie : « Je ne veux pas être ce sourire devant la caméra qui soutient tacitement cette décision. À moins que les choses ne changent, je ne m’impliquerai plus dans les Grandmasters. » Brian Kibler est également une figure de Magic: The Gathering avec des performances qui lui ont permis d’être introduit au Hall of Fame.
À savoir enfin que l’affaire dépasse le cadre de Hearthstone. Certains joueurs d’Overwatch utilisent le personnage Mei — originaire de Xi’an en Chine — comme visage pour montrer leur mécontentement. Sur les réseaux sociaux, on peut trouver plusieurs images détournées de l’héroïne en train de soutenir la cause de Hong Kong. En clair, Blizzard Entertainement paie cette soumission à la Chine par une contestation internationale. Difficile à dire si l’éditeur y gagne au change. La BlizzCon, conférence annuelle du géant autour de ses jeux qui se tiendra le 1er novembre, sera intéressante à suivre.
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