Le changement prend du temps. Google a enfin commencé à modifier l’algorithme de recherche de son onglet « vidéos » pour ne plus afficher uniquement des résultats pornographiques lorsque l’on tape le mot « lesbienne » dans la barre de recherche.
Cette avancée a été repérée par le compte SEOLesbienne, un mouvement lancé cette année par la militante Fanchon Mayaudon-Courtel pour améliorer la visibilité et la représentation des lesbiennes sur le web, le 29 octobre 2019.
Comme on peut le voir avec une recherche sur le mot « lesbienne », lorsque l’on clique sur l’onglet « vidéos », le moteur ne propose plus des contenus à caractère pornographique comme c’était le cas jusqu’à très récemment. On y voit majoritairement des vidéos explicatives, de conseils ou d’extraits de films… En tout cas jusqu’à la troisième page de résultats, qui agrège malgré tout encore des contenus pornographiques.
Ces quelques « ratés » permettraient toutefois, selon Fanchon Mayaudon-Courtel, de souligner combien ce problème de référencement est grave pour les femmes lesbiennes : « Vous l’aurez remarqué, des ‘résidus’ de vidéos pornographiques se baladent au milieu des autres contenus. C’est là que l’on peut constater la violence de ces représentations pour les #lesbiennes, pas quand 100% des résultats affichaient des vidéos porno », affirme-t-elle.
Google avait un vrai problème avec le mot lesbienne
Google avait déjà modifié son algorithme le 18 juillet 2019 concernant les résultats dans l’onglet principal des recherches (intitulé « toutes »), après plusieurs mois passés à ignorer le problème soulevé par le mouvement SEOLesbienne, et de nombreuses questions posées par Numerama depuis le printemps 2019.
En décembre 2018, nous remarquions qu’une recherche avec le mot « lesbienne » dans Google menait à pléthores de résultats pornographiques, contrairement à des recherches avec d’autres mots comme « gay » ou « homosexuel ». Numerama a abordé le sujet dans un premier article en avril 2019 après que le problème avait été mis en avant par Fanchon Mayaudon-Courtel.
Le SEO (pour search engine optimization) est la capacité d’optimiser un contenu web pour qu’il remonte en premier dans les moteurs de recherches. Il y a de nombreux facteurs qui peuvent l’influencer : la quantité de recherches effectuées avec ces mots clés, qui mène ensuite à des « associations thématiques », mais aussi l’offre de contenus qui associent « lesbienne» et « pornographie », qui est très volumineuse. Le fait que peu de médias osent encore utiliser le mot « lesbienne » dans leurs articles — même si c’est en train de changer — contribue également à invisibiliser le terme, et donc à laisser le champ libre aux sites pornographiques.
Pendant quelques mois, Numerama a souligné les « maladresses » de Google concernant le traitement du mot français « lesbienne » par rapport à ses prises de position politiques, ouvertement pro-LGBT+. Par exemple, pendant le mois des fiertés en juin 2019, Google a paradoxalement affiché une bannière pour célébrer les droits de personnes LGBT+ (lesbienne, gay, bi, trans) sous les recherches liées au mot « lesbienne », alors qu’elles étaient trustées par de la pornographie. Au lieu de s’attaquer à ce problème, la multinationale a, quelques semaines plus tard, préféré discrètement supprimer sa bannière pour les résultats liés au mot « lesbienne », sans toucher aux autres mots (gay, transgenre, homosexuel, etc).
Il a fallu la visite à Paris de Pandu Nayak, le vice-président de Google en charge de la qualité du moteur de recherche, pour que Numerama obtienne pour la première fois une réponse officielle de Google, 21 juin 2019. « Je trouve que ces résultats sont terribles, il n’y a aucun doute là-dessus », avait-il admis. « Nous avons conscience qu’il y a des problèmes comme celui-ci, dans de nombreuses langues et différentes recherches. Nous avons développé des algorithmes pour améliorer ces recherches, les unes après les autres. »
Google a fait 3 200 ajustements en un an à son algorithme de recherche
Cette prise de position était cruciale. Car il convient de bien comprendre que, malgré les apparences et les présupposés, Google n’est pas neutre (comme toutes les entreprises de la tech), et son algorithme de référencement ne l’est pas non plus. La multinationale fait des choix constamment pour rééquilibrer les résultats de recherches. Rien qu’entre l’été 2018 et l’été 2019, Google a ainsi réalisé 3 200 « ajustements » pour améliorer son moteur de recherche, et régler, entre autres, des « problèmes où leurs systèmes ne marchent pas comme ils devraient » (comme pour le mot lesbienne en français).
Si la multinationale dit ne pas régler les problèmes au cas par cas mais implémenter des modifications plus globales, il n’empêche qu’elle est contrainte de traiter certaines situations précises, par exemple lorsque Google avait dû lutter contre les résultats de recherches pornographiques associées aux mots « girl » et « teen » (ado). « Nous avons pris des mesures pour les cas où, quand il y a une raison que le mot soit interprété de manière non-pornographique, ce soit cette interprétation qui soit mise en avant », nous avait expliqué Pandu Nayak.
Un mois après cette rencontre, Google avait enfin modifié son algorithme pour que le mot « lesbienne » ne renvoie plus vers des sites pornographiques en premier. En quelques mois, l’entreprise américaine a donc déjà beaucoup évolué sur ce sujet. D’ailleurs, d’autres changements importants ont été effectués, comme le fait de ne plus associer de la pornographie à des recherches sur des groupes de mots comme « jeune femme noire ».
Évidemment, le traitement des lesbiennes en ligne n’est toujours pas idéal. D’une part, les résultats pornographiques n’ont pas disparu des résultats : ils apparaissent après quelques pages, que ce soit pour les liens textuels ou l’onglet vidéos. Mais vu le faible taux de consultation de ces pages secondaires, c’est d’ores et déjà un changement majeur.
D’autre part, les évolutions positives que l’on observe avec le mot « lesbienne » s’appliquent déjà moins lorsqu’on utilise le pluriel du mot : les résultats pornographiques remontent beaucoup plus. Pire encore, si le mot est mal orthographié (« lesbiennez », « lesbiennz », « lesbienns », etc), il renvoie immédiatement vers des pages entières de vidéos pornographiques. Le chemin est encore long.
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