Reconduite dans ses fonctions de commissaire européenne chargée de la concurrence, Margrethe Vestager sera de nouveau amenée à surveiller les éventuels abus de position dominante autres pratiques anticoncurrentielles de l’industrie du numérique et de la tech pour les cinq prochaines années. En particulier, la Danoise aura à s’assurer que les géants du net (les « GAFAM ») restent bien dans les clous de la loi.
Mais parmi tous les leviers, il y en a un que la commissaire ne se voit pas utiliser à l’heure actuelle : celui du démantèlement. C’est ce que l’intéressée a fait comprendre le 7 novembre, dans des propos rapportés par Business Insider, en faisant observer que Bruxelles ne fait face à aucun cas de figure qui nécessiterait d’en venir à une telle extrémité.
Un levier pas indispensable aujourd’hui
Pour qu’une action de ce type soit mise en œuvre, argue-t-elle, il faudrait qu’elle soit la seule solution permettant d’en finir avec un comportement illégal. Or, juge-t-elle, « nous n’avons pas ce genre d’affaire en ce moment ». Certes, la Commission a sur sa table des dossiers majeurs, dont certains ont donné lieu à des amendes de plusieurs milliards d’euros, mais rien « où le démantèlement pourrait être la solution ».
Margrethe Vestager admet même se demander si la séparation des entreprises ne va pas simplement multiplier les problèmes, en fragmentant les interlocuteurs. En outre, même si Facebook, Google, Amazon, Apple ou Microsoft sont colossaux et font peser des risques systémiques pour le net, leur taille permet aussi de leur imposer des obligations et des contraintes particulières, note-t-elle.
D’autres arguments peuvent aussi être avancés pour tempérer les chances de succès et les effets bénéfiques à long terme d’un démantèlement. D’abord, la procédure peut ne pas aboutir, à l’image de celle qui visait Microsoft dans les années 2000. Ensuite, elle peut prendre des années. En outre, les entreprises nouvellement créées pourraient rester en situation de monopole, mais sur des secteurs séparés.
Le débat est posé
Ces dernières années, l’image que s’est forgée Margrethe Vestager au fil des dossiers impliquant les géants du net est celle d’une commissaire européenne intraitable. Le cas le plus emblématique est Google : en l’espace de trois ans, la firme de Mountain View s’est vue infliger une série de trois amendes qui dépassent en cumulé les 8 milliards d’euros pour des dossiers sur Android, la publicité et le shopping.
Dans ces conditions, la mesure dont elle a fait preuve début novembre tranche, d’autant qu’elle avait brandi l’hypothèse d’un démantèlement de Google en 2018, mais uniquement si l’entreprise échoue à respecter les règles européennes. Pour l’heure, le dossier en est à une étape judiciaire, dans la mesure où Google entend faire valoir ses droits devant les tribunaux européens.
En Europe comme aux États-Unis pourtant, les voix appelant au démantèlement se font de plus en plus audibles ces derniers temps. Dans l’Hexagone, le président du régulateur des télécoms (ARCEP) est ouvert à cette idée. Outre-Atlantique, Elizabeth Warren, candidate démocrate bien placée dans la course à l’élection présidentielle américaine, est parvenue à imposer ce débat, en ciblant Google, Facebook et Amazon.
Pour Margrethe Vestager, une partie de la solution viendra notamment des États-Unis, là où sont basés les principaux géants du net. À ses yeux, l’ambiance est en train de changer à Washington et dans la Silicon Valley. Cet automne par exemple, deux élues démocrates ont proposé une nouvelle législation qui aboutirait à mettre en place une sorte de CNIL à l’américaine.
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