« On va pouvoir faire entrer dans le champ de la régulation les plateformes de partage de vidéo, Netflix, Disney et autres qui sont en train d’arriver », a affirmé Roch-Olivier Maistre, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) dans une interview accordée à Europe 1 le 13 novembre 2019.
Il s’agira plus précisément des pouvoirs d’Arcom, la future autorité qui naîtra bientôt de la fusion du CSA et de la Hadopi (la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet).
« On était totalement spectateurs avec des acteurs qui agissent sur le marché national, mais sans subir les règles du marché national », a continue Roch-Olivier Maistre à propos des géants américains de la vidéo à la demande par abonnement (SVOD) en France. « On sera amenés à intervenir et à réguler des plateformes de partage de contenus, notamment en matière de vidéo, dans des limites qui sont bien établies. »
Netflix est arrivé en France en 2014 et compte aujourd’hui 6 millions d’abonnés. Depuis l’automne 2018, la plateforme verse déjà 2 % de ses revenus générés en France au CNC au nom de la « taxe vidéo » passée en 2017 par le gouvernement, ce qui correspond à plusieurs millions par an.
Quels pouvoir de régulation ?
De quels pouvoir disposera vraiment Arcom sur les plateformes américaines en terme d’ « intervention » et « régulation » ? À ce jour, le président du CSA ne mentionne pas d’actions sur le plan éditorial, mais uniquement sur les obligations de financement et de représentation, qui seront bientôt incontournables pour les plateformes avec la transposition de la directive européenne dite « Services de médias audiovisuels ». Cette directive oblige notamment les services de SVOD à deux choses :
- Participer au financement de la production audiovisuelle et du cinéma ;
- Réserver 30 % de leur catalogue à des productions européennes, et que celles-ci soient « suffisamment mises en valeur ».
« Nous serons dans une approche conventionnelle avec eux, comme on l’est avec les acteurs historiques, et on leur imposera ces obligations », a précisé Roch-Olivier Maistre, qui précise tout de même que « l’Arcom ne sera pas le régulateur d’internet ». « TF1, M6 ; tous ces acteurs sont soumis à des obligations, notamment en matière de financement de la production cinéma et audiovisuel, alors que Netflix, 6 millions d’abonnés, n’est soumis à aucune obligation. Demain, ils le seront.»
La directive européenne doit être transposée en France pour avoir force de loi avant le mois de septembre 2020, soit dans moins d’un an.
Quid du contrôle des contenus sur les plateformes ?
Les pouvoirs de l’Arcom s’étendront-ils au contenu des programmes, comme c’est le cas pour les chaînes de télévision linéaires ? Pour l’instant, le CSA n’a pas encore communiqué sur la question (contacté récemment avant publication de cet article, l’organisme n’a pas encore pu répondre à nos questions). Mais la directive Services de médias audiovisuels fait bien mention de l’interdiction pour les plateformes de contenir « d’incitation à la violence ou à la haine visant un groupe de personnes ou un membre d’un groupe et fondée sur une discrimination pour des motifs tels que le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge, l’orientation sexuelle ou la nationalité, conformément à l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’UE.»
En soi, les contenus disponibles sur Netflix France, Amazon Prime Video, Apple TV+ et les autres pourraient donc bien faire l’objet d’un contrôle du CSA (ou Arcom), avec potentiellement les mêmes pouvoirs — non pas de censure à priori, mais de mises en garde à postériori de la diffusion, par exemple.
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