Un amendement au projet de loi de Finances 2020 autorise à nouveau l’huile de palme parmi les produits utilisés comme biocarburant. La mesure, passée discrètement hier soir, fait polémique.

La mesure aurait presque pu passer inaperçue, mais le hashtag #huiledepalme est dans le palmarès des tendances sur Twitter, ce 15 novembre 2019. L’an dernier, les députés avaient voté l’interdiction de l’huile de palme parmi les biocarburants. Pourtant, hier, jeudi 14 novembre, les députés ont finalement voté en faveur du report de cette mesure en 2026, lors de l’examen du budget 2020. Cette décision ne passe pas auprès des écologistes français, d’autant plus que le vote a eu lieu sans débat dans l’hémicycle.

Le député Matthieu Lorphelin a rapidement réagit sur Twitter en évoquant un « recul déplorable (et en catimini) […] sur l’huile de palme, qui retrouve ses avantages fiscaux retirés l’an dernier. La déforestation importée est un fléau, il ne faut pas reculer ! Une belle victoire pour Total qui peut sabrer le champagne ce soir ». Il s’avère effectivement que Total produit de l’huile de palme en France, dans la nouvelle bioraffinerie de La Mède (Provence). Une enquête du Parisien révélait, en mars 2019, l’arrivée d’un bateau pétrolier avec à son bord pas moins de 20 000 tonnes d’huile de palme.

L'huilde de palme est extraite du fruit des palmiers à huile, notamment implantés en Indonésie et en Malaisie, où cela cause de nombreuses déforsetations. // Source : Pixabay

L'huilde de palme est extraite du fruit des palmiers à huile, notamment implantés en Indonésie et en Malaisie, où cela cause de nombreuses déforsetations.

Source : Pixabay

Les associations écologistes s’opposent depuis plus d’un an à l’exploitation de cette bioraffinerie, à cause des conséquences du produit sur l’environnement — ainsi que des avantages fiscaux en tant que biocarburant, qui viennent d’être rétablis avec le vote d’hier. Six ONG (dont Les Amis de la Terre et Greenpeace) ont déposé un recours administratif contre l’arrêté préfectoral autorisant l’exploitation de l’usine. Total, de son côté, avait contesté l’interdiction de l’huile de palme.

Déforestation et danger pour la biodiversité

L’huile de palme est très présente dans notre quotidien (biscuits, pâte à tartiner…). Elle constitue 25 % des huiles consommées dans le monde et elle est présente dans 80 % des aliments distribués ; sans compter qu’elle est également là en cosmétique. Il faut ajouter à cela que la moitié des importations dans l’UE de cette huile sont destinées à son usage en tant que biocarburant. Cela signifie qu’elle est utilisée comme combustible ajouté aux carburants fossiles : on la retrouve dans l’essence de nos véhicules, par exemple. Cette huile est tellement utilisée — notamment car elle n’est pas chère — que des hectares et des hectares lui sont consacrés dans le monde afin de la récupérer dans les fruits du palmier.

Le résultat de cette exploitation massive : la déforestation. Le problème se pose principalement chez les deux grands exportateurs, en Indonésie ainsi qu’en Malaisie : 98 % des forêts tropicales pourraient disparaître en Indonésie ; et en Malaisie, les lieux cultivés sont passés de 3,34 millions d’hectares en 2000 et 4,86 millions d’hectares en 2010. Pour cultiver l’huile de palme face à une demande croissante, les industries agricoles s’adonnent à des défrichages massifs… bien souvent par l’utilisation du feu, qui provoque une augmentation des gaz à effet de serre. C’est par ailleurs l’industrie de l’huile de palme qui serait en cause dans les récents grands incendies qui ont ravagé des forêts indonésiennes, en septembre et octobre 2019.

La déforestation, d’autant plus par le feu, signifie la perte d’habitats naturels pour de nombreuses espèces. L’association Sauvons la forêt s’alarme sur son site internet : « Avec les arbres disparaissent des espèces rares comme l’orang-outan, l’éléphant pygmée de Bornéo ou le tigre de Sumatra ». Elle n’est pas la seule association a évoquer cette biodiversité en danger. Sauvons la forêt rappelle aussi que l’enjeu est humain, car les autochtones sont « brutalement expulsés de leurs terres ». Pour l’ONG, les cultivateurs « bio » et « responsables » s’adonnent tout autant à ces pratiques brutales.

Un second vote n’est pas encore programmé, mais face au tollé politique, le Premier ministre Édouard Philippe vient de demander une seconde délibération.

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