Si vous suivez des stars de télé-réalité ou des blogueuses sur les réseaux sociaux, vous en avez forcément entendu parler. Les shampoings Nicky Cosmetics Paris sont partout. Des célébrités racontent comment ces produits parfum argan ou noix de coco auraient sauvé leurs cheveux. Mais loin de ces partenariats rémunérés, les témoignages de clients et clientes sont bien moins vendeurs.
De nombreuses personnes se plaignent de brûlures après l’utilisation des soins de la marque. Ces mauvais retours ne risquent pas de se tasser : comme l’a fait remarquer à Numerama le compte Twitter @Doubleshitfuck, spécialisé dans le repérage d’entourloupes sur les réseaux sociaux, plusieurs de leurs nouveaux produits contiennent des ingrédients allergisants et interdits par la loi en Europe.
Une marque phare sur les réseaux sociaux
Nicky Cosmetics Paris fait partie de ces marques qui se sont fait connaître grâce aux réseaux sociaux. Il y a encore quelques mois, personne n’en avait jamais entendu parler. La marque compte aujourd’hui 196 000 abonnés sur Instagram.
Certaines photos qui la promeuvent ont été publiées sur des comptes très populaires. Les stars de télé-réalité Benjamin Samat (1,5 million d’abonnés), Milla Jasmine (2,3 millions), Maëva Ghennam (1,1 million), Manon Van (680 000 abonnés) ont notamment vanté ses produits.
Ces jolis coups de pubs ne sont pas liés au hasard. La marque Nicky Cosmetics a été fondée par Wesley Nakache, qui est aussi le créateur et gérant de l’entreprise We Events. Il s’agit d’une agence de célébrités qui travaille notamment avec des figures de la télé-réalité française. Aujourd’hui, l’entreprise affirme sur Instagram qu’« une femme sur trois » aurait déjà testé ses produits — elle ne précise pas d’où vient ce chiffre, et nous n’avons pas trouvé d’étude le confirmant.
La marque s’est fait connaître en France, et son siège est d’ailleurs basé en banlieue parisienne, à Montreuil. Pourtant, le compte @Doubleshitfuck nous a alertés sur la composition des derniers produits de la marque, dans laquelle figurent des ingrédients interdits dans l’Hexagone, et même plus globalement en Europe.
Des produits interdits en Europe
Prenons l’exemple de la crème sans rinçage à l’huile de coco vendue 44,90 € et présentée comme un produit « nouveau ».
Telle était sa composition lorsque le produit a été commercialisé, en novembre 2019 :
Les deux ingrédients encadrés en rouge sont le methylchloroisothiazolinone et le methylisothazolinone. Ce sont des composants chimiques dotés de propriétés antibactériennes et antifongiques. En d’autres termes, ils servent à éviter que des bactéries ou champignons ne prolifèrent dans un shampoing, un gel douche ou un soin.
Le problème, c’est que ces ingrédients génèreraient beaucoup de réactions allergiques. Cela se manifeste, selon l’association UFC-Que Choisir, par « un eczéma (…) des rougeurs, gonflements, parfois suintements et démangeaisons intolérables. » « Des cas d’eczéma sévère généralisé, conduisant à l’hospitalisation, ont été constatés », ajoute l’association.
Pour contrer ce phénomène, l’Europe a décidé de sévir contre ces deux ingrédients. En février 2017, l’interdiction partielle du methylchloroisothiazolinone et du methylisothazolinone a été votée. Gaëlle Landry, de l’UFC-Que Choisir, nous explique que cette interdiction ne concerne que les produits que l’on ne rince pas. Or sur la crème à la coco de Nicky Cosmetics Paris, il est bien clairement mentionné que c’est une crème sans rinçage.
L’experte précise à Numerama que la loi « ne distingue pas les cheveux de la peau » : une crème qui n’est destinée qu’à la fibre capillaire est soumise aux mêmes interdictions qu’une crème hydratante pour le corps ou le visage.
Un dossier suivi de près par la répression des fraudes
En 2017, la direction de la répression des fraudes (DGCCRF) française avait mené une action d’envergure pour retirer de la vente des produits qui contenaient du methylchloroisothiazolinone ou du methylisothazolinone. Elle expliquait avoir demandé une prescription de retrait immédiat. Elle distinguait plusieurs cas de figure, concernant la responsabilité des fabricants.
Certains n’avaient, selon elle, pas été informés de manière claire et complète par leurs distributeurs de l’interdiction de commercialiser des produits contenant ces substances. D’autres continuaient de vider leurs stocks, mais ne fabriquaient plus les produits. Dans les deux cas, des procès-verbaux d’infraction avaient été transmis à la justice.
« Au vu de ces résultats et du nombre particulièrement important de références contenant des substances interdites retrouvées dans les rayonnages, la DGCCRF estime nécessaire de maintenir une vigilance renforcée sur ces sujets », était-il indiqué dans un communiqué. Contactée, la DGCCRF n’a pour le moment pas répondu à nos questions sur les mesures de sûreté mises en place pour éviter ceci.
Gaëlle Landry nous a expliqué que les contrôles des produits cosmétiques étaient effectués « a postériori », notamment par l’ANSM, la DGCCRF, des ONG ou des associations de consommateurs comme l’UFC-Que Choisir. « Les cosmétiques, contrairement aux médicaments, détaille-t-elle, n’ont pas besoin d’une Autorisation de mise sur le marché. »
Une liste d’ingrédients mise à jour… mais pas toutes
Depuis quelques jours, et après que nous avons contacté la marque au sujet de ce produit, la composition de la crème sans rinçage coco semble avoir été mise à jour. Sur le site internet de la marque, il y a désormais cette nouvelle liste d’ingrédients, qui ne contient ni methylchloroisothiazolinone ni methylisothazolinone.
Ce n’est pas le cas d’autres crèmes sans rinçage, qui en contiennent encore d’après la liste d’ingrédients. Voici par exemple la composition, ce 19 décembre, de la crème sans rinçage RICIN. Dans la deuxième ligne, on aperçoit bien du methylchloroisothiazolinone et du methylisothazolinone.
Il en va de même pour la crème sans rinçage à la boue (troisième ligne) :
La crème sans rinçage à l’argan en contenait également d’après la liste disponible en novembre.
Depuis ce mois de décembre, il n’y a simplement… plus de liste d’ingrédients sur le produit en question, toujours en vente.
Nous avons tenté de contacter la marque par téléphone, mail et Instagram. Elle n’a pas répondu à nos sollicitations. Sur le tchat réservé aux clients, nous avons aussi tenté de poser la question. Mais dès lors que nous avons mentionné la présence d’ingrédients interdits, le service client a cessé de répondre.
Y a-t-il d’autres produits dangereux ?
Sur les réseaux sociaux, l’entreprise Nicky Cosmetics Paris avait déjà été largement critiquée, pour des problèmes de livraisons et de service client, mais pas seulement. Plusieurs femmes se sont plaintes, via des avis Google, des commentaires sur l’application Vinted ou sur Facebook, de brûlures du cuir chevelu, qu’elles associent à l’utilisation de leurs produits.
Il n’est pas simple de savoir si les shampoings et soins étaient bien à l’origine de ces réactions : dans certains cas, des colorations chimiques avaient été réalisées peu de temps avant, ce qui a pu fragiliser le cuir chevelu.
Par ailleurs, d’autres shampoings ou soins de la marque contiennent bien des ingrédients potentiellement allergènes, mais ils sont autorisés en France. C’est le cas par exemple du sodium lauryl sulfate, que l’on retrouve dans la plupart des shampoings vendus en supermarché, et même dans certains shampoings bio ou naturels. Ils peuvent irriter des cuirs chevelus sensibles et leur créer des pellicules, mais sur d’autres personnes, ils seront inoffensifs et n’engendreront aucune réaction.
Comme l’avait remarqué la vidéaste La petite Gaby, qui analyse les compositions de produits de beauté, on y retrouvait (et retrouve toujours) d’autres ingrédients peu recommandés comme des silicones réputés occlusifs pour la fibre capillaire. Mais là encore, il s’agit d’ingrédients autorisés et que l’on retrouve dans de très nombreux autres produits.
On trouve également dans certains produits de Nicky Cosmetics Paris du hydroxyisohexyl-3-cyclohexene carboxaldelyde. Ce produit est interdit depuis le 23 août 2019, mais les produits déjà sur le marché qui y contiennent peuvent continuer à être vendus. Leurs fabricants ont deux ans pour les faire disparaître totalement de leurs cosmétiques.
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