Le 16 novembre, le New York Times publiait une enquête sur le terrible sort réservé aux Ouïghours en Chine. Cette minorité musulmane est persécutée dans le pays, où des camps d’internement ont été créés pour les enfermer. Une adolescente qui avait voulu sensibiliser ses abonnés à cette cause sur TikTok quelques jours plus tard a vu son compte suspendu. La plateforme, déjà pointée du doigt pour des faits de censure, s’en est finalement excusée.
Un faux tutoriel maquillage
L’adolescente en question s’appelle Feroza Aziz. Son compte TikTok est populaire : ses vidéos font entre 50 000 et 3 millions de vues et elle compte 64 000 abonnés — difficile de dire combien sont arrivés depuis la médiatisation de cette affaire. C’est un faux tutoriel maquillage qui lui a valu de se faire suspendre son compte. Elle y recommandait, entre deux recourbages de cils, de s’intéresser au sort des Ouïghours et aux mauvais traitements qui leur sont infligés.
L’islamophobie a atteint en Chine un niveau particulièrement inquiétant. L’ONU estime à près d’un million le nombre de musulmans qui seraient détenus dans des camps. Ils le sont au nom de motifs douteux : en réalité, seule leur religion est ciblée. Ils subissent dans ces établissements fermés un véritable « lavage de cerveau », racontait Le Monde. On leur enseigne de force le mandarin et l’idéologie communiste. La torture y est fréquente, d’après d’anciens détenus. « C’est un nouvel Holocauste, dont personne ne parle, a dit Feroza Aziz, 17 ans. S’il-vous-plaît, informez-vous. »
Pourquoi la vidéo a-t-elle été supprimée ?
La vidéo est vite devenue virale grâce aux partages sur TikTok et les autres réseaux sociaux, où elle a été republiée. Elle compte plus de 600 000 « j’aime » et a été partagée 42 000 fois rien que sur TikTok. Elle aurait été vue 1,5 million de fois. L’internaute a expliqué qu’elle faisait semblant de faire des tutoriels maquillage pour « éviter que l’application ne ferme son compte », en repérant le fait qu’elle publiait des discours politiques.
TikTok a d’abord indiqué qu’il ne censurait pas les contenus de nature politique à la BBC. Il a reconnu avoir suspendu une vidéo de Feroza Aziz, mais selon la plateforme, ce serait uniquement car elle contrevenait au règlement sur le terrorisme.
L’entreprise a ensuite publié un communiqué plus complet sur le sujet. Elle y explique que l’utilisatrice avait écopé d’un premier bannissement pour une vidéo satirique, dans laquelle on voyait Oussama ben Laden. Cette vidéo dérogeait aux règles sur le terrorisme. La vidéo sur les Ouïghours avait été publiée sur un autre compte de l’Américaine, mais à partir du même smartphone, le 23 novembre.
Or le 25 novembre, TikTok a fait le ménage parmi les comptes. Elle a désactivé ceux qui étaient gérés depuis des appareils qui avaient servi à publier des contenus contraires à ses règles sur le terrorisme. « Il est important de rappeler que rien dans notre règlement n’interdit de publier une vidéo comme celle [sur les Ouïghours], a assuré la firme. Elle n’aurait pas dû être retirée. »
Évoquant une erreur de modération, TikTok a présenté ses excuses. L’application assure avoir remis en ligne la vidéo en moins d’une heure, après que « l’erreur » lui a été signalée.
Ce n’est pas pour rien que TikTok se montre sévère au sujet du terrorisme. Au mois de novembre, l’application a été pointée du doigt car des membres d’organisations terroristes tentaient de recruter de nouveaux membres sur la plateforme.
Elle avait aussi été accusée de censurer des contenus peu avantageux pour le gouvernement chinois. Elle s’était expliquée à ce sujet, et avait assuré que ces règles n’étaient plus d’actualité depuis plusieurs mois maintenant.
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