Le 18 octobre 2005, la CNIL avait surpris les ayants droit de l’industrie musicale en s’opposant fermement à ce que la Sacem, la SCPP et la SPPF procèdent à des contrôles radars sur les réseaux P2P pour engager systématiquement des procédures d’avertissement et de sanctions à l’encontre des P2Pistes contrevenant au droit d’auteur. La Commission avait notamment « estimé que les dispositifs présentés n’étaient pas proportionnés à la finalité poursuivie« , dénonçant une « collecte massive de données à caractère personnel« .
Le 23 mai 2007, sanction du Conseil d’Etat. La haute cour administrative décide d’annuler la décision de la CNIL en jugeant que le procédé souhaité, au vu du nombre massif d’infractions au droit d’auteur, n’était pas disproportionné. Elle reproche à la CNIL d’avoir injustement refusé la demande, mais lui donne tout de même raison sur le fait que les messages d’avertissement ne pouvaient pas être directement transmis par les fournisseurs d’accès, qui n’en ont pas le droit. La liaison entre l’adresse IP et le nom de son titulaire doit être demandée par un juge.
C’est donc logiquement que la CNIL, à qui un nouveau dossier a été soumis, suit la décision du Conseil d’Etat. La Commission a donné il y a quelques jours son feu vert à la Sacem, qui peut désormais procéder à un relevé automatisé d’infractions sur les réseaux d’échange de fichiers, et relever les adresses IP de ceux qu’elle voit mettre des fichiers musicaux en partage sans autorisation. En clair, la Sacem dispose de pouvoirs d’enquête qui lui sont délégués par la puissance publique, pour défendre ses intérêts. Le principe est déjà choquant, mais il est en plus renforcé par l’accord signé sous l’arbitrage de Denis Olivennes par les ayants droits de la musique et du cinéma, les pouvoirs publics et les fournisseurs d’accès.
En effet l’accord prévoit la création d’une autorité chargée de mettre en œuvre un mécanisme d’avertissement et de sanctions administratives (suspension puis suppression de l’accès à Internet), et prévoit explicitement qu’elle agira « sur plainte des ayants droit, directement ou à travers les structures habilitées par la loi à rechercher les manquements au respect des droits« . En tant que plaignants, la Sacem, la SCPP et la SPPF se voient donc confiés par la CNIL et le gouvernement le droit de collecter elles-mêmes les preuves qu’elles présenteront sans débat contradictoire devant l’autorité administrative qui imposera automatiquement les sanctions. Un cas unique dans le paysage judiciaire français. A moins que le Parlement ne s’oppose à cette privatisation de la justice…
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