Les poids lourds de la technologie doivent-ils marcher main dans la main avec l’armée américaine ? Pour Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon, cela ne fait guère de doute : les grands groupes doivent soutenir l’appareil de défense en répondant à des appels d’offres et en honorant des contrats avec le Pentagone. Et il ne s’agit pas seulement de gros sous : c’est aussi pour des raisons stratégiques.
Sans le dire explicitement, c’est la montée en puissance de la Chine qui a convaincu le milliardaire américain à aller sur le terrain militaire. « Je suis d’avis que si les grandes entreprises technologiques tournent le dos au ministère de la Défense, ce pays sera dans une situation très difficile », a déclaré Jeff Bezos le 7 décembre lors du forum annuel de défense qui se tient à bibliothèque présidentielle de Ronald Reagan.
La Silicon Valley traversée par un débat éthique
Le commentaire du patron d’Amazon survient alors que la Silicon Valley est traversée par un débat éthique sur sa place dans la défense et la sécurité intérieure. Google s’est par exemple retiré d’un appel d’offres du Pentagone pour construire un service de cloud computing en octobre 2018. La firme de Mountain View a officiellement indiqué que ce contrat risquait de ne pas être conforme à ses principes.
C’est finalement Microsoft qui a eu les faveurs de l’armée, au grand dam d’Amazon. La valeur du deal est évaluée à 10 milliards de dollars.
Précédemment, Google a été pris dans une autre controverse avec le projet Maven. Celui-ci consistait à développer et fournir au Pentagone une technologie capable d’analyser les images filmées par les drones déployés sur les théâtres d’opération de l’armée américaine. Là encore, Google a fini par y mettre un coup d’arrêt, en ne le renouvelant pas en 2019, à la suite d’une levée de boucliers en interne.
« Nous allons soutenir le département de la Défense, ce pays est important », a-t-il poursuivi, suggérant en filigrane que si l’industrie américaine ne le fait pas pour son armée, celle des rivaux stratégiques des États-Unis ne se gênera pas pour aider la sienne. Et à la fin, l’avance technologique américaine qui donne à Washington un avantage décisif sur le champ de bataille s’évaporera.
Le raisonnement que tient Jeff Bezos s’appuie sur des arguments que l’on entend aussi sur le sujet du démantèlement éventuel des géants du net. Si les grands groupes sont scindés en de plus petites entités — une perspective que propose l’une des principales candidates démocrates à l’élection présidentielle américaine –, alors ils ne seront plus en mesure de faire face aux géants chinois, qui, eux, resteront unis.
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