C’est une demande récurrente des forces de l’ordre : confrontées à la généralisation du chiffrement dans l’espace numérique, un procédé qui fait en sorte que seuls l’émetteur et le destinataire d’un message soient en capacité de le lire, elles souhaitent la mise en place d’une « porte dérobée » (backdoor, en anglais), c’est-à-dire un accès spécial qui ne serait employé que par les autorités, lors d’enquêtes.
Cette requête a par exemple été exprimée en octobre par le ministre de la Justice, William P. Barr, mais aussi par ses collègues de l’Intérieur américain, britannique et australien. Elle s’adressait à Facebook, dans la mesure où le réseau social souhaite activer par défaut le chiffrement de bout en bout dans Messenger (une option qui existe déjà dans WhatsApp, filiale de Facebook, depuis 2016).
William Barr n’est pas isolé. Du FBI à Interpol, en passant par plusieurs personnalités politiques françaises et l’ex-procureur de la République de Paris, sans oublier Emmanuel Macron, tous dénoncent un « problème urgent de sécurité publique » avec le chiffrement, en évoquant les difficultés d’enquêter dans des affaires liées par exemple au terrorisme ou à la pédopornographie.
Une très mauvaise idée
Mais pour Facebook, l’idée d’une porte dérobée relève de la fausse bonne idée, car il sera impossible de vraiment contrôler qui y aura accès. « Les experts en cybersécurité ont prouvé à maintes reprises que lorsque vous affaiblissez une partie d’un système chiffré, vous l’affaiblissez pour tout le monde, partout ». Il est impossible de créer une ouverture qui ne sera vue et exploitée que par les « gentils ».
« La porte dérobée que vous demandez au nom de l’ordre public serait un cadeau pour les malfrats, les pirates informatiques et les régimes répressifs, leur permettant d’entrer dans nos systèmes et rendant chaque personne sur nos plateformes plus vulnérable à un préjudice réel. Il est tout simplement impossible de créer une telle porte dérobée dans un but et de ne pas s’attendre à ce que d’autres essaient de l’ouvrir ».
Certes, le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, a par le passé fait part de problèmes qui peuvent profiter du chiffrement pour prendre de l’ampleur. Il évoquait alors la propagation de fausses nouvelles. Face à cette situation néanmoins, l’entreprise n’a pas fait le choix de lever le chiffrement de WhatsApp : elle a préféré brider la viralité des messages, en limitant le transfert à cinq contacts maximum.
Depuis, le propos de Mark Zuckerberg a évolué. Ce printemps, il déclarait que l’activation du chiffrement de bout en bout pour toutes les communications privées « est la bonne chose à faire ». Il ajoutait néanmoins qu’il fallait aussi trouver des manières d’aider les forces de l’ordre et la justice lorsqu’elles ont besoin d’agir, car il ne s’agit pas de soustraire à l’État de droit.
Facebook souligne sa coopération
Dans la lettre ouverte adressée à William Barr, Facebook rappelle d’ailleurs que Facebook se montre coopératif avec les autorités, « pourvu que cela soit conforme à la loi et ne compromette pas la sécurité de nos utilisateurs ». Par exemple, le site répond positivement aux demandes légales et valides pour des renseignements personnels hébergés dans ses serveurs, et agit avec célérité dans les cas les plus graves, comme le terrorisme, la sécurité des mineurs ou les risques de suicide.
Certes, Facebook dit avoir conscience « des conséquences que le chiffrement de bout en bout peut avoir sur le travail crucial des fonctionnaires de police et du personnel judiciaire ». Mais le réseau social rappelle aussi que le chiffrement permet aussi de « réduire les cas de crimes ordinaires et graves, comme le piratage informatique et le vol d’identité, de façon considérable ». Et cela n’est pas anodin à l’heure où le numérique est partout.
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