Entre l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi et la tuerie perpétrée par un soldat saoudien sur une base militaire américaine, l’Arabie saoudite essaie-t-elle de redorer son image de marque en manipulant les réseaux sociaux ? En tout cas, Twitter déclare avoir observé et neutralisé une opération d’influence que le site attribue au royaume wahhabite. En tout, ce sont près de 6 000 comptes qui ont été fermés, décrits comme le noyau dur d’un réseau plus vaste d’environ 88 000 profils, aussi mis à terre.
« Notre analyse interne montre que ce réseau a été impliqué dans diverses formes de manipulation, ciblant les discussions liées à l’Arabie Saoudite et faisant avancer ses intérêts géopolitiques sur la scène mondiale. Principalement, les comptes amplifiaient les messages favorables aux autorités saoudiennes, principalement par des tactiques d’engagement inauthentiques », dit Twitter. Toute la palette de l’interaction a été utilisée, du like au retweet, en passant par la simple réponse.
L’essentiel du contenu visait un auditoire arabe. Néanmoins, le site déclare avoir aussi croisé des messages portant sur « des événements pertinents pour les auditoires occidentaux, notamment l’amplification de la discussion sur les sanctions en Iran et les apparitions de représentants du gouvernement saoudien dans les médias occidentaux ». L’entreprise désigne Smaat, une firme saoudienne de marketing et de gestion des médias sociaux, comme responsable de cette campagne.
Crainte d’une influence pendant l’élection
L’intervention de Twitter survient dans un contexte particulier, car aux États-Unis se déroulent les primaires présidentielles du Parti démocrate, en prévision de l’élection de 2020, à laquelle participera Trump pour le camp républicain. Or historiquement, Washington et Riyad sont géopolitiquement très proches et chaque capitale a le souci de voir ses intérêts énergétiques, économiques, politiques et militaires préservés. Dès lors, une campagne d’influence n’aurait rien de surprenant.
Cette influence prend d’ailleurs des formes très diverses, à l’image de ce qui se passe dans la Silicon Valley. Le fonds saoudien est ainsi devenu l’un de ses plus gros investisseurs. Dans le New York Times, Anand Giridharadas, auteur d’un ouvrage intitulé Winners Take All : The Elite Charade of Changing the World, faisait observer en octobre 2018 que celui-ci a réussi à prendre des participations de plusieurs milliards de dollars dans des sociétés prometteuses.
Pour Twitter, la lutte contre les opérations de manipulation est aussi un enjeu d’image de marque, dans la mesure où la plateforme, comme Facebook d’ailleurs, a été vivement critiquée après 2016 pour son aveuglement face aux campagnes de désinformation qui ont eu lieu lors du précédent scrutin et dont l’effet sur le résultat continue d’être en débat aux États-Unis. Twitter a tout intérêt qu’il peut être un atout pour la démocratie et non pas un outil qui la pénalise.
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