Durant le mois de novembre 2019, trois gros sites anglophones dédiés à la pédopornographie ont été fermés. Dans une enquête publiée ce 22 décembre, le New York Times raconte le long combat qu’ont mené des ONG canadiennes et américaines contre ces plateformes. Leur existence avait en effet été signalée… il y a 7 ans déjà.
100 000 membres
Les sites en question étaient des forums, sur lesquels s’échangeaient des contenus illégaux. Des photos et vidéos pédopornographiques y étaient échangées depuis leur création, en 2012. Ils étaient particulièrement actifs et populaires : le modérateur de ces sites a remercié à leur fermeture ses 100 000 « frères » qui avaient participé à leur élaboration.
Les organisations qui luttent contre ce phénomène ne sont pas nombreuses. Elles sont pour la plupart gérées par des personnes bénévoles et n’ont pas de budget suffisant. C’est l’une d’entre elles, basée au Canada, qui a traqué les créateurs de 3 sites durant des années. Épaulée par d’autres associations canadiennes et américaines, elle a tenté de signaler les contenus et d’identifier leurs auteurs, dans un premier temps sans succès.
Selon le New York Times, les sites en question étaient dirigés par un développeur informatique qualifié, qui avait toujours une longueur d’avance sur eux. Il connaissait les failles des entreprises de la tech dont il utilisait les services, et réussissait à s’en servir pour faire perdurer les forums. Par exemple, lorsque l’association a développé un outil sophistiqué permettant de signaler automatiquement des images pédopornographiques, le développeur a lancé une campagne de dénigrement à son encontre. Il a envoyé de nombreux emails au gouvernement canadien accusant les bénévoles de corruption et autres malversations. Finalement, l’association a fini par forcer le créateur des sites à supprimer les pages. Elle avait signalé en tout plus d’un million d’images ou vidéos.
L’homme qui gérait les forums a annoncé leur fermeture, à cause de ceux qu’il appelle les « anti » (pour anti-pédophiles). Ils l’auraient « chassé jusqu’à la mort » des sites, a-t-il écrit.
Cloudflare pointé du doigt
Les sites étaient protégés grâce à Cloudflare, une firme américaine spécialisée dans la cybersécurité — et déjà pointée du doigt pour ses liens avec des sites néonazis ou le forum 8chan. Elle a assuré avoir coopéré avec les ONG et les forces de l’ordre. Elle raconte avoir rompu ses contrats avec les sites problématiques 7 fois en tout, après des milliers de signalements de la part des organisations. Ils étaient à chaque fois recréés, avec une adresse URL à peine modifiée.
L’ONG canadienne, la Canadian Center for Child Protection, dit avoir signalé depuis février 2017 130 000 contenus, trouvés sur 1 800 sites protégés par Cloudflare. L’entreprise en protégerait toujours 450 à ce jour selon des rapports.
Les sites étaient par ailleurs hébergés grâce à Novogara, une firme basée aux Pays-Bas. Dans ce pays, les lois seraient particulièrement protectrices pour les acteurs du Web : beaucoup d’acteurs malveillants en profiteraient. En 2018, c’est aux Pays-Bas qu’ont été hébergés le plus de contenus pédopornographiques identifiés par les autorités dans le monde.
Une loi trop clémente ?
Novogara s’est défendue en expliquant qu’elle avait respecté la loi. Cette dernière autorise les sites qui ont des doutes sur la nature des contenus à ne pas les supprimer.
De nombreux hébergeurs basés aux Pays-Bas seraient de fait réputés pour ne pas retirer les images pédopornographiques, tant qu’un juge n’a pas tranché sur leur nature. Dans le cas présent, les photos étaient souvent des clichés d’enfants dans des poses suggestives et des vêtements très courts. Il y a avait peu voire pas de nus, et cela suffisait, selon la loi, à ce que l’hébergeur puisse douter de la nature pédopornographique des contenus.
Le ministre de la Justice, Ferdinand Grapperhaus, a expliqué qu’il n’avait « pas mesuré l’étendue » de ce problème. Quant à la police, elle n’aurait simplement pas les moyens humains et financiers de lutter contre des centaines de sites, qui sont recréés aussitôt qu’ils parviennent à les faire fermer. Des problèmes d’ordre bureaucratique, comme des croisements de juridiction et des soucis de souveraineté, compliqueraient leur tâche.
La pédopornographie ne se retrouve pas uniquement sur des forums inconnus du grand public. Les réseaux sociaux doivent aussi se battre contre la prolifération de contenus interdits par la loi. Il y a un an, Tumblr avait ainsi annoncé l’interdiction des photos de nus sur sa plateforme, à cause de la présence d’images pédopornographiques — que ses algorithmes ne différenciaient a priori pas des photos d’adultes consentants.
Au total, en 2019, 45 millions d’images pédopornographiques ont été signalées sur le Web.
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