Une fois encore, c’est par un tweet emporté que Donald Trump s’est mêlé d’un fait d’actualité : le 15 janvier, le président des États-Unis a bousculé publiquement Apple, en lui reprochant sa position dans l’affaire de la fusillade qui s’est déroulée le 6 décembre dernier sur la base de l’aéronavale à Pensacola, en Floride. L’attaque a fait quatre morts, dont le tireur, et huit blessés.
« Nous aidons Apple constamment sur le commerce et sur bien d’autres sujets, et malgré ça ils refusent de déverrouiller les smartphones utilisés par les assassins, les dealers et les autres criminels violents. Ils vont devoir s’engager à aider notre grand pays. Maintenant ! Make America great again ! », a lâché, éruptif, Donald Trump, alors que se joue cette année une nouvelle élection présidentielle.
Le locataire de la Maison Blanche fait ici référence au fait que la personne ayant fait feu sur la base de l’aéronavale, un militaire saoudien envoyé en formation, possédait deux modèles d’iPhone qui sont verrouillés et chiffrés. Or, le FBI bute sur ces protections, l’empêchant de consulter les données se trouvant exclusivement à l’intérieur. L’affaire fait ainsi écho à un fait divers similaire, survenu en 2015 : la tuerie de San Bernardino.
Une affaire de chiffrement
Ce qu’omet toutefois Donald Trump dans son message, c’est qu’Apple a déjà apporté son concours au FBI, à la hauteur de ses moyens. La firme de Cupertino a fourni dans la foulée de la fusillade les informations en sa possession, notamment ce qui était hébergé à distance sur les serveurs du service iCloud. Dire que l’entreprise américaine ne fait rien du tout est une façon partiale d’exposer la situation.
Apple se refuse néanmoins d’aller plus loin, car une aide plus poussée — une porte dérobée (backdoor) dans le système, par exemple — risquerait de fragiliser la protection à laquelle a droit sa clientèle. Tout renoncement aurait des répercussions sur l’ensemble des personnes qui bénéficient de ces protections. Or, l’entreprise estime que les droits et les libertés des individus ne sont pas des variables d’ajustement.
La sortie de Donald Trump, qui mêle au début la question commerciale alors que celle-ci n’a rien à voir (Apple souhaite, certes, la fin de la guerre économique avec la Chine et le retrait des droits de douane, mais c’est un sujet sans rapport avec l’accès aux données dans le cadre d’une affaire judiciaire), fait suite aux frustrations publiques exprimées par William P. Barr, le procureur général des États-Unis.
Apple rappelle toute l’aide qu’il apporte au FBI
Dans une déclaration du 13 janvier, il affirme qu’Apple « n’a donné [aux autorités] aucune aide substantielle ». Une allégation que le groupe a balayé dans un communiqué, dont The Verge se fait l’écho. Dans celui-ci, il repointe, de manière chronologique, les demandes de la police auxquelles il a donné une suite favorable, souvent quelques heures à peine après la réception des requêtes d’assistance.
L’entreprise explique avoir ainsi fourni un premier jeu de données dès le 6 décembre — soit le jour même de la fusillade. Elle a ensuite reçu six autres demandes additionnelles entre le 7 et le 14 janvier, qui ont donné lieu là aussi à la communication de divers éléments (dont des sauvegardes de fichiers sur iCloud, des informations de compte et des données de transaction).
« Nous avons répondu à chaque demande rapidement, souvent en quelques heures, en partageant les informations avec les bureaux du FBI à Jacksonville, Pensacola et New York. Les demandes ont donné lieu à de nombreux gigaoctets d’information que nous avons remis aux enquêteurs. Dans chaque cas, nous avons répondu avec toutes les informations que nous avions », commente le groupe.
S’il y a un problème, c’est en fait du côté du FBI qu’il faut regarder. C’est ce que glisse en creux Apple dans la suite de son commentaire. L’entreprise note qu’elle n’a appris que le 6 janvier l’existence d’un second iPhone et de l’incapacité du FBI à afficher son contenu ainsi que celui de l’autre appareil en cause. Et c’est seulement à cette date que le FBI a demandé une assistance supplémentaire, un mois après l’attaque.
« Ce n’est que le 8 janvier que nous avons reçu une assignation à comparaître pour obtenir des renseignements sur le deuxième iPhone, à laquelle nous avons répondu dans les heures qui ont suivi », écrit le groupe. La nature de cette assistance supplémentaire n’est pas précisée. Il est simplement question d’un échange téléphonique entre des agents du FBI et des ingénieurs du groupe.
En 2016, après la fusillade de San Bernardino, Apple et le FBI avaient failli se confronter devant les tribunaux. Rien ne dit que la nouvelle tuerie relancera les hostilités juridiques, contrairement au débat permanent sur l’équilibre à trouver entre la sécurité publique et la vie privée. En attendant, le FBI pourrait encore une fois passer par une faille de sécurité achetée à prix d’or auprès d’un prestataire privé.
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