Il va bientôt y avoir du changement sur Twitter. À partir du 5 mars 2020, des vidéos et des photos partagées sur le réseau social pourraient être accompagnées d’un label d’avertissement, si ses équipes de modération jugent qu’il s’agit de médias qui ont été retouchés dans le but de tromper le public. Dans les cas les plus graves, cela pourra même aller jusqu’à la suppression du contenu litigieux.
L’annonce du site communautaire, survenue le 5 février, suit celle de Facebook, qui au mois de janvier présentait une mise à jour de ses règles de modération pour mieux encadrer les médias artificiels, à commencer par les « deepfakes », c’est-à-dire des vidéos truquées qui peuvent être construites de façon à induire le public en erreur. Le 3 février, YouTube y allait aussi de son engagement à combattre la manipulation.
Toutes ces initiatives surviennent dans une séquence politique particulière, puisque les USA sont accaparés par leur élection présidentielle de 2020 — et ces plateformes ont tout intérêt à montrer qu’elles agissent et qu’elles sont conscientes des enjeux, car lors du scrutin précédent, elles avaient été accusées d’avoir été aveugles face aux manœuvres d’influence étrangères, et plus particulièrement russes.
Dans le cas de Twitter, la grille de lecture de la modération pour évaluer si un média est « artificiel et manipulé » tourne autour de trois questions :
- Le média est-il artificiel ou manipulé ?
- Est-il partagé de manière trompeuse ?
- Est-il susceptible d’avoir un impact sur la sécurité publique ou de causer un préjudice grave ?
Pour chacune de ces interrogations, Twitter observe différents éléments. Dans le cas de la première question, la modération regarde si le contenu « a été considérablement modifié d’une manière qui altère fondamentalement sa composition, sa séquence, son rythme ou son cadrage », si des informations visuelles ou sonores ont été ajoutées ou modifiées (au niveau des sous-titres, des images ou du son).
Un tableau synthétise la politique que doit en principe suivre Twitter en fonction des cas de figure. L’idée n’est pas non plus de sabrer aveuglément tous les contenus qui sont jugés artificiels ou manipulés, parce qu’ils peuvent être conçus à des fins humoristiques ou bien, paradoxalement, à des fins informatives, dans le cadre d’une campagne de sensibilisation sur une thématique quelconque, par exemple.
Le média est-il artificiel ou manipulé ? | Est-il partagé de manière trompeuse ? | Risque-t-il de causer un préjudice grave ? | Conséquence |
Oui | Non | Non | Le média peut être étiqueté |
Oui | Non | Oui | Le média est susceptible d’être étiqueté, ou peut être retiré |
Oui | Oui | Non | Le média est susceptible d’être étiqueté |
Oui | Oui | Oui | La suppression du média est très probable |
Des leviers d’action intermédiaires
Entre la pose d’un label et la suppression pure et simple du média, Twitter dispose aussi d’autres outils pour agir de façon intermédiaire.
Il peut s’agir de l’apparition d’un message d’avertissement aux personnes qui voudraient partager le tweet litigieux ou manifester leur approbation en cliquant sur « j’aime ». Le site peut aussi réduire sa visibilité sur Twitter — le site ne dit pas comment –, éviter qu’il ne soit recommandé ou bien « fournir des explications ou des précisions supplémentaires, le cas échéant, comme une page d’accueil avec plus de contexte ».
Plusieurs facteurs que le réseau social prend en compte sont présentés dans un billet de blog qui a été traduit. Il ne s’agit pas d’une liste exhaustive de tous les critères dont il tient compte dans son évaluation, mais d’une présentation générale de sa méthode. En vue de désamorcer certaines polémiques futures, le site prévient qu’il risque « de faire des erreurs » et demande « de faire preuve de patience » face au « défi » que représente la lutte contre les fausses informations.
Twitter demande de la patience et prévient qu’il risque « de faire des erreurs »
« Toutefois, nous sommes déterminés à faire les choses correctement », affirme le site, pour éviter que des publications entraînent « une confusion ou un malentendu, ou suggérer une intention délibérée de tromper les personnes sur la nature ou l’origine du contenu, en prétendant faussement par exemple qu’il représente la réalité ». En France, le dispositif pourra servir sur le plan politique dès les municipales de 2020.
Reste toutefois un mystère, que Twitter ne lève pas : ce dispositif ne risque-t-il pas de désarmer un peu plus l’esprit critique que les internautes devraient avoir face à ce qu’ils voient sur le net ? Si le réseau social manque un contenu litigieux, il ne faudrait pas en arriver à le considérer comme juste parce qu’il n’aura pas été étiqueté. Mais peut-être qu’en comparaison de la situation actuelle, c’est un moindre mal.
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