Les employeurs doivent laisser les données de santé des salariés tranquilles, quand bien même la situation épidémique autour du coronavirus (Covid-19) empirerait. Voilà, en substance, le rappel qu’a jugé bon de faire la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) le 6 mars, alors que l’on parle de plus en plus d’une bascule en phase trois de la propagation, avec la mise en place de mesures plus contraignantes encore pour contenir la maladie.
Les données de santé sont des données sensibles
Par son message, la CNIL entend avant tout limiter la survenue d’éventuelles dérives qui pourraient se manifester si l’inquiétude au sein de la population continue de croître. Il s’agit donc d’agir en amont, de manière préventive, pour éviter d’avoir à le faire en aval, et cette fois de façon répressive, en mettant en demeure des entreprises fautives, voire en ouvrant la voie à des sanctions, en fonction des signalements qui lui seraient remontés ou de ce qui serait constaté lors de contrôles inopinés.
La prise de parole de l’autorité administrative, justifiée, dit-elle, par « de nombreuses sollicitations de la part des professionnels et des particuliers », est d’autant plus requise que les données de santé ne sont pas des données personnelles classiques. Elles font partie d’une catégorie à part, dans laquelle se trouvent les opinions politiques, l’origine ethnique, les convictions religieuses, l’appartenance syndicale, les données génétiques et biométriques ou encore l’orientation sexuelle.
À titre d’exemple, la CNIL évoque deux cas de figure : les relevés obligatoires transmis quotidiennement à la hiérarchie contenant la température corporelle des employés comme des visiteurs, et la collecte de questionnaires médicaux adressés à tout le personnel. L’un comme l’autre sont interdit à travers le Code de la santé publique et le Règlement général sur la protection des données, car ils sont de nature à porter atteinte à la vie privée des individus.
Ces dispositions concernent toute mesure « systématique et généralisée », mais aussi les éventuelles actions plus ciblées, « au travers d’enquêtes et demandes individuelles ». Seule exception évoquée : une demande venant des autorités. « L’évaluation et la collecte des informations relatives aux symptômes du coronavirus et des informations sur les mouvements récents de certaines personnes relèvent de la responsabilité de ces autorités publiques », écrit la CNIL.
Interdiction par défaut, avec des exceptions
Par défaut, le recueil ou l’utilisation des données de santé est interdit, mais il existe des exceptions à cette règle générale. Celles-ci incluent notamment l’intérêt public — ce qu’il n’est pas difficile à démontrer dans une situation épidémique, voire pandémique, d’une maladie dont aucun traitement n’est disponible à ce jour — et la sauvegarde de la vie humaine. Ces dérogations figurent à l’article 9 du RGPD et couvrent explicitement les situations sanitaires particulières :
« Le traitement est nécessaire pour des motifs d’intérêt public dans le domaine de la santé publique, tel que la protection contre les menaces transfrontalières graves pesant sur la santé, ou aux fins de garantir des normes élevées de qualité et de sécurité des soins de santé et des médicaments ou des dispositifs médicaux », mais aussi « de diagnostics médicaux, de la prise en charge sanitaire ou sociale, ou de la gestion des systèmes et des services de soins de santé ou de protection sociale ».
Cela étant, malgré le rappel à la loi de la CNIL, les employeurs ont quand même des marges de manœuvre pour préserver l’intégrité de leur organisation et la santé de leur personnel — dont ils ont la responsabilité. Outre la mise à disposition de produits d’hygiène (savon ou solution hydroalcoolique), il peut mener des opérations de sensibilisation, mettre en place des canaux dédiés pour signaler une éventuelle suspicion de transmission, à passer par la médecine du travail ou envisager le télétravail.
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