Avec l’aide d’Orange, le principal opérateur de téléphonie mobile français, l’Inserm entend conduire une étude statistique basée sur la géolocalisation des smartphones. Un projet qui a soulevé des inquiétudes, que l’institut public entend lever.

Effective dans plusieurs pays dans le monde au nom de la lutte contre la propagation de l’épidémie de coronavirus, avec parfois une intrusion très poussée dans la vie privée des individus, l’utilisation des données téléphoniques se met aussi en place en France, non sans soulever de vives inquiétudes quant au respect des libertés individuelles et des finalités de ces traitements.

Dès le 20 mars, Orange annonçait travailler avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) sur la question. Puis, le 24, le gouvernement confiait à un groupe de scientifiques (le Comité Analyse Recherche et Expertise) le soin de réfléchir « sur l’opportunité de la mise en place d’une stratégie numérique d’identification des personnes ayant été au contact de personnes infectées ».

C’est pour lever les ambiguïtés et dissiper quelques craintes que l’Inserm a pris la parole, le 27 mars. D’abord, pour officialiser le lancement de ces travaux avec Orange et, surtout, pour en préciser le périmètre.

« Nous n’allons pas nous intéresser aux déplacements d’un individu particulier »

Ainsi, il est hors de question de suivre les trajets d’un individu particulier. Le but, détaille l’établissement public, est de raisonner sur de grandes masses de données, traitées de manière à les scinder d’une personne précise. L’approche se veut statistique, en observant la mobilité de la population en fonction du « bornage » des smartphones avec les antennes-relais réparties sur le territoire.

« Nous n’allons pas nous intéresser aux déplacements d’un individu particulier, en regardant comment il a bougé et où », assure Eugenio Valdano, chercheur à l’Inserm, qui participe au projet mené par sa collègue Vittoria Colizza. Cette dernière a déjà l’habitude de travailler avec Orange pour des recherches similaires, en Afrique, « pour étudier les liens entre la mobilité des populations et la diffusion de maladies ».

Le SARS-CoV-2 vu par microscope électronique en transmission. // Source : NIAID-RML

Le SARS-CoV-2 vu par microscope électronique en transmission.

Source : NIAID-RML

Dans ce cadre, deux axes sont prévus :

  • Le premier consiste à analyser la mobilité des individus dans un contexte pandémique, en comparant les trajets avant le confinement et ceux réalisés pendant la crise, mais aussi après, quand la vague d’infection sera passée. Ce sont les changements de comportement spontanés qui intéressent l’Inserm, lorsqu’ils surviennent dans un tel contexte sanitaire. Au-delà, les mesures doivent permettre également d’évaluer l’effet du confinement sur l’évolution de la pandémie et sur son acceptabilité par la population.
  • Le second entend modéliser le déplacement des personnes sur le territoire, de façon à adapter les efforts des autorités et du système de santé. De cette façon, l’Inserm espère repérer les régions à risque, pouvant devenir un foyer épidémique, ce qui nécessiterait un redéploiement des moyens de secours pour soutenir localement les hôpitaux et les cliniques. Lorsque l’épidémie a gagné l’Île-de-France, Orange a constaté que « près de 20 % des habitants du Grand Paris sont partis ».

D’ordinaire, rappelle l’Inserm, de telles recherches mettent plusieurs mois à aboutir. Un luxe que la France n’a pas : aussi, l’institut souhaite pouvoir fournir « dans les prochaines semaines » des premiers résultats, même s’ils seront incomplets et nécessiteront d’être affinés au fur et à mesure. L’urgence commande en effet d’aller le plus vite possible, car le virus SARS-CoV-2 est un agent pathogène virulent.

La CNIL priorise ces dossiers

Une urgence que comprend bien la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Comme il est question de collecter, manipuler et stocker des informations liées à des smartphones en possession des Français et des Françaises (même si elles vont être anonymisées), l’autorité de contrôle doit nécessairement être dans la boucle. Le 26 mars, elle a annoncé d’ailleurs se focaliser sur ces sujets.

« La CNIL se mobilise pour instruire en priorité, dans des délais extrêmement courts, ces demandes d’autorisation dans l’hypothèse où les traitements de données envisagés ne seraient pas conformes aux méthodologies de référence ». Une page dédiée est disponible pour répondre aux questions principales qui se posent, mais aussi pour regrouper toutes les ressources nécessaires à la bonne instruction du dossier.

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