Le droit à l’oubli sur Internet n’est pas systématique au niveau mondial, mais se décide au cas par cas. Voilà, résumé à grands traits, l’arrêt rendu par le Conseil d’État le 27 mars dans une affaire qui opposait Google à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Ce faisant, la sanction prise en 2016 par l’autorité administrative contre le géant de la recherche (une amende de 100 000 euros) est annulée.
Le verdict de la plus haute juridiction de l’ordre administratif français ne constitue pas une totale surprise, car il suit la grille d’analyse de la Cour de justice de l’Union européenne, qui a été précisée en septembre dernier. L’institution a alors tranché pour une limitation géographique du droit à l’oubli, suivant ainsi les recommandations de l’avocat général, rendues en janvier 2019.
Concrètement, l’arrêt du Conseil d’État a pour effet de restreindre la portée du droit à l’oubli au niveau de l’Union européenne, dans la plupart des cas de figure.
En clair, un internaute français qui souhaite faire retirer des moteurs de recherche une page évoquant des périodes aujourd’hui révolues de sa vie (comme des soirées étudiantes bien trop arrosées ou bien une très ancienne condamnation de justice pour des faits mineurs, qu’un individu ne veut plus voir attacher à son nom) peut obtenir gain de cause, mais seulement si la recherche est faite dans l’Union.
Ailleurs dans le monde, la page reste indexée dans les résultats.
Pas de droit à l’oubli mondial systématique, mais…
Cependant, la Cour de justice de l’Union européenne a admis que dans des cas de figure spécifiques, un déréférencement d’une page web au niveau mondial peut se justifier et, donc, s’obtenir. Elle laisse le soin à la CNIL d’apprécier au cas par cas les demandes en ce sens. Ce que la Cour de justice de l’Union européenne rejette, en somme, c’est un droit à l’oubli systématique au niveau mondial.
La CNIL déclare prendre acte de l’arrêt du Conseil d’État et annonce la mise à jour de sa doctrine et de sa documentation pour être en ligne avec la Cour de justice. Elle observe malgré tout que cette procédure aura permis des avancées : même si le déréférencement mondial n’a pas été obtenu, le déréférencement européen a été consacré. Selon la CNIL, le déréférencement était auparavant limité au pays du demandeur.
Avant cette clarification juridique, la CNIL estimait que le déréférencement devait être dans le monde entier, en faisant observer que les droits des Européens ne cessent pas lorsqu’ils voyagent hors de l’Union. Par conséquent, le cadre juridique en vigueur doit les protéger partout. Comme Google n’avait pas adopté ce point de vue, la CNIL lui avait infligé une amende de 100 000 euros en 2016.
La firme de Mountain View n’avait pas la même analyse de la situation et avait avancé deux arguments.
Il est problématique qu’un État soit en mesure d’imposer ses règles aux citoyens d’un autre pays (par exemple, le droit européen empêcherait des internautes chiliens de voir certains liens dans Google), surtout s’il s’agit de liens licites. Car dans ce cas, il faut s’attendre à la mécanique inverse, y compris d’États autoritaires ou dictatoriaux qui imposeraient leurs vues sur la recherche en Europe.
Par ailleurs, un droit à l’oubli appliqué de façon trop large et automatique pose de vrais défis à un autre droit légitime, celui de l’accès à l’information. D’ailleurs, Google était soutenu dans sa démarche par la fondation Wikimédia, qui pilote l’encyclopédie en ligne Wikipédia, mais aussi le comité des reporters pour la liberté de la presse, l’ONG Article 19 et l’association de défense des libertés numériques EFF.
De ce conflit judiciaire, c’est donc une voie médiane qui a émergé, qui « précise les marges de manœuvre pour protéger efficacement les personnes », écrit la CNIL. Dans les faits, cela ne va pas changer grand-chose sur le plan opérationnel : Google a commencé en 2016 à géolocaliser les requêtes pour faire appliquer le droit à l’oubli à l’échelle européenne (donc sur ses domaines comme google.fr, google.es, google.fr, etc.).
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