C’est au détour d’une interview accordée le 20 mars par Stéphane Richard, le PDG d’Orange, que l’implication de l’Inserm dans le suivi de la propagation de l’épidémie a été mise en lumière. À l’époque, le patron de l’opérateur indiquait que l’établissement public aurait accès à des données anonymisées et agrégées de géolocalisation pour observer l’attitude des Français et des Françaises lors du confinement.
Pour souligner l’intérêt de ce suivi statistique, l’intéressé avait lâché quelques jours plus tard deux indicateurs, en établissant une corrélation : « Près de 20 % des habitants du Grand Paris sont partis » lorsque le confinement a été déclaré, tandis que la population de l’île de Ré a « augmenté de 30 % ». Face aux inquiétudes, toutefois, l’Inserm a insisté pour dire qu’il ne s’agit pas de suivre quelqu’un à la trace.
Mais le suivi des grands mouvements de la population durant cette période compliquée n’est pas le seul axe de recherche de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale. L’organisme souhaite aussi pouvoir faire remonter des informations depuis tout le territoire sur l’état de santé des individus (ont-ils des symptômes ou non et, si oui, quelle est leur évolution ?) et sur leur rapport au confinement.
Au-delà de la recherche purement scientifique, ce type de travail a aussi un intérêt très opérationnel : « En cas d’épidémie, les autorités sanitaires ont besoin de connaître le niveau d’information de la population et ses changements de comportement », relève l’institut. Ce type d’enquête permet de préciser d’autres indicateurs et ainsi « adapter l’organisation des soins et les décisions publiques ».
C’est pour cela qu’un site dédié a été mis en place, pour récolter des informations que les internautes français voudront bien lui transmettre. Ce site, Covidnet.fr, repose en fait sur les mêmes bases sur GrippeNet.fr, qui sert depuis 2012 à recueillir des données épidémiologiques, via Internet. Et puisque la saison grippale 2019-2020 s’éloigne et que le Covid-19 bat son plein, il était temps de changer de cible.
Sonder les personnes qui ne consultent pas
L’idée avec Covidnet est « d’étudier les symptômes présentés par les personnes malades qui n’ont pas recours au système de soins », sur la base du volontariat.
En clair, il s’agit d’avoir dans le radar les personnes qui ne consultent pas, parce que les symptômes qu’elles estiment avoir ne sont pas suffisamment marqués pour justifier un coup de fil au médecin. L’Inserm souhaite compléter la photographie de la pandémie, en plus des données obtenues par la médecine de ville et l’hôpital, qui voient passer des cas plus graves nécessitant des traitements, parfois lourds.
S’il en constitue l’axe principal, l’auto-diagnostic ne constitue pas la seule information que chercher à collecter l’Inserm, qui travaille en partenariat avec Sorbonne Université et Santé publique France. Ce qui les intéresse aussi, afin de pouvoir segmenter la population selon divers critères, ce sont les caractéristiques et les comportements des personnes, malades ou non, ainsi que leur ressenti et leur vécu face au Covid-19 et au confinement.
Pour participer, il suffit de s’inscrire avec un pseudonyme et une adresse mail. Celle-ci « ne sera pas associée à vos données lors de l’analyse », précise l’organisme — il est toujours possible d’utiliser un mail alternatif, si vous ne voulez pas partager le vôtre — et elle ne sera pas non plus transmise à des tiers. Elle servira juste à la gestion du compte et l’envoi de rappels et d’informations.
Quant à votre identité, elle n’est pas demandée. Cependant, au regard de la nature de la recherche entreprise par l’Inserm, il sera indispensable de fournir quelques indications afin d’établir un profil général qui pourra être comparé à d’autres, à une échelle locale, régionale ou nationale. C’est justement le but du formulaire préliminaire, qui passe en revue plusieurs thèmes vous concernant.
Vous seront demandés votre âge, ville, sexe, mois et année de naissance, poids, taille, niveau d’étude, statut professionnel ou encore lieu de travail. La composition du foyer, la présence d’animaux domestiques et le mode de déplacement principal y figurent aussi, comme quelques autres questions, y compris médicales, par exemple sur les allergies et votre vaccination contre la grippe. Il est parfois possible de ne pas répondre.
Pour plusieurs questions, l’Inserm prend le temps d’expliquer les raisons pour lesquelles il demande telle ou telle information et précise la façon de répondre, afin que les retours soient les plus précis possible. C’est le cas par exemple de la vaccination : des pistes de recherche suggèrent qu’elle pourrait avoir un rôle positif contre le Covid-19. L’Inserm souhaite donc avoir des données dessus.
Votre ressenti et vos symptômes au fil du temps
Une fois votre profil dressé, le cœur de l’étude peut démarrer à proprement parler avec le questionnaire principal à remplir. Il s’agit en fait d’un questionnaire hebdomadaire et on comprend bien pourquoi dans le contexte d’une pandémie : en effectuant un suivi dans le temps, et le plus régulièrement possible, il est possible, sur le papier du moins, de voir sa propagation sur le territoire.
Ainsi, il vous est demandé si certains symptômes se sont déclarés depuis la dernière fois (21 choix sont proposés, de la fièvre aux frissons, en passant par la toux, la perte d’appétit, les maux d’estomac et les saignements de nez), si vous travaillez pendant le confinement, à quel rythme faites-vous les courses et sortez pour vous aérer ou faire du sport, et si vous avez été en contact avec des personnes à moins d’un mètre.
La relation au confinement est aussi étudiée, en particulier sur la façon dont les Français et les Françaises voient la suite : par exemple, il vous est demandé si vous pensez que vous serez éligible à sortir en cas de levée partielle du confinement et si vous seriez capable de suivre les règles de confinement avec la même rigueur que celle que vous vous appliquez actuellement, si celui-ci était prolongé.
Le questionnaire s’ajuste aux réponses données : si tout va bien, le remplissage est bref. Si par contre vous déclarez des symptômes, des détails vous seront demandés : quand sont-ils apparus ? Avez-vous vu un médecin ? Vous a-t-on délivré un arrêt de travail ? Etc. Plus les participants sont assidus, plus les statistiques sont de qualité. Cela étant dit, même les contributions moins fréquentes ou inégales serviront.
Pour que le projet soit le plus pertinent possible, il sera nécessaire que les participants soient les plus constants dans leur transmission hebdomadaire, mais aussi que la cohorte soit la plus étendue possible. L’Inserm indique que ce travail a débuté il y a près de deux mois avec les personnes inscrites à Grippenet (6 200 individus), avec un premier sondage en février et un second en mars.
« Les questions portaient sur la connaissance du virus, de ses modes de transmission, de son niveau de contagiosité estimé ou encore de la gravité du Covid-19 par rapport à d’autres maladies infectieuses », explique l’Inserm. Le changement d’attitude, la réaction face aux symptômes, la confiance à l’égard des autorités sanitaires ou le degré d’adhésion aux décisions prises ont aussi été évalués.
Désormais, avec la refonte du site, l’appel se veut plus large.
Une foire aux questions existe pour renseigner les interrogations les plus courantes, qu’il s’agisse de la participation des mineurs ou des Français vivant à l’étranger, des étrangers vivant sur le sol français, des modalités de l’étude, du temps que cela prend, du contenu des formulaires ou bien de la finalité de ces travaux. Il ne s’agit pas de vous diagnostiquer. Si vous avez la moindre inquiétude, consultez un médecin.
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