C’est dans un discours prononcé le 19 avril 2020 que le Premier ministre Édouard Philippe a précisé la situation en France et évoqué rapidement les grandes lignes du déconfinement, annoncé au mieux pour le 11 mai 2020 par le président de la République quelques jours plus tôt. Mais avant d’entrer dans les détails, M. Philippe a tenu à rappeler que la situation ne changerait pas du jour au lendemain : même si le confinement fonctionne et montre ses premiers résultats, « imaginer que l’épidémie serait derrière nous, ce serait une erreur », a-t-il indiqué.
C’est pour cela qu’Édouard Philippe s’est montré prudent : « beaucoup s’interrogent sur la façon dont nous allons pouvoir recommencer à vivre librement », a-t-il lancé, avant d’annoncer que le plan du déconfinement n’était pas encore prêt. Quand le sera-t-il ? Dans les « 15 jours qui viennent », affirme Édouard Philippe, ce qui correspond donc à une période qui s’étend plus ou moins jusqu’au 5 mai. Dans la mesure où le déconfinement est toujours évoqué pour le 11 mai, ce plan est la clef pour le mettre en place. Mais déjà, Édouard Philippe prévient : « La vie après le 11 mai, ce ne sera pas la vie d’avant le confinement. Et cela ne le sera pas avant longtemps ».
Déconfinement
Édouard Philippe a attendu la fin de son discours pour évoquer le déconfinement, qui « n’est pas un retour immédiat à ce qui prévalait ». Sans parler d’un cadre précis, qui sera dévoilé d’ici quinze jours, le Premier ministre a dévoilé deux principes qui conditionneront la stratégie de la France :
- Préserver la santé des Français
- Assurer la continuité de la vie de la nation : sans cela « la nation risquerait de s’effondrer »
Ces deux principes sont soumis en pratique à deux conditions : maîtriser la circulation du virus et rétablir la capacité d’accueil des hôpitaux. Pour ce faire, et réduire l’épidémie, il faut que le R0, soit le « nombre de personnes infectées par un malade », soit égal à un, affirme le Premier ministre. Grâce au confinement, il est passé à une valeur de 0,6 : 10 malades n’affectent que 6 nouvelles personnes. Au déconfinement, il faut que ce « R0 » reste égal ou inférieur à 1. Pour cela, Édouard Philippe n’a donné aucune stratégie même si des pistes peuvent déjà être envisagées.
Sans traitement connu, sans vaccin avant au moins 2021, le Premier ministre estime qu’une seule voie est possible : la prévention. Elle sera faite en France par l’application stricte des gestes barrière, avec lesquelles « nous allons devoir vivre », les tests qu’il faudra faire de manière massive sur les personnes qui présentent des symptômes ou ont été en contact avéré avec un malade et l’isolement des « porteurs du virus ». Pour Édouard Philippe, les trois éléments sont indissociables pour une sortie de crise à long terme.
Olivier Véran a par ailleurs confirmé que les masques ne « remplaceraient jamais les gestes barrières ». Pour autant, les masques « grand public » en tissu sont toujours au programme : 17 millions seront produits par semaine d’ici le 11 mai, date visée pour le déconfinement. Édouard Philippe a affirmé que les masques grand public pourront être « rendus obligatoires dans les transports publics » au moment du déconfinement. Comment seront-ils distribués ? « C’est une difficulté » a admis Édouard Philippe, même s’il a évoqué des pistes : les collectivités, les entreprises qui pourront en recevoir et les distribuer et la grande distribution qui pourra les vendre « à des prix extrêmement bas ».
Du côté des tests, les tests viraux seront portés à une capacité de 500 000 tests pouvant être effectués par semaine au déconfinement. Pour autant les tests sérologiques, qui permettent de savoir si les personnes qui ont été peut-être contaminés possèdent les anticorps, ne sont pas encore fiables. De plus, nous ne savons pas encore non plus avec certitude si les anticorps permettent une immunité. Pour Olivier Véran, le test systématique des personnes asymptomatiques est impossible : « si l’on vous dit que vous n’êtes pas contaminé aujourd’hui, vous revenez vous tester demain ? On ne peut pas tester 60 millions de personnes tous les jours », a-t-il lancé, en réponse à une question de la presse.
Pour les tests virologiques, Édouard Philippe a affirmé que les personnes testées positives et dont les symptômes ne demandent pas une hospitalisation pourront être isolées dans des hôtels, pendant une durée à déterminer par le personnel de santé. Cela permettra qu’elles ne contaminent pas leur famille.
Du côté du numérique, Olivier Véran a rappelé que l’intérêt de l’application Stop Covid serait évalué fin avril. Elle reposera, en théorie, sur le contact tracing que nous détaillons dans cet article.
La stratégie du confinement commence à fonctionner
Le confinement semble avoir fonctionné en France : au pic recensé par le gouvernement, il y a eu 7 100 lits occupés par les malades en réanimation, sur les 10 500 disponibles dans le pays. Aujourd’hui, 5 800 personnes sont en réanimation, ce qui signifie que le nombre de malades diminue aujourd’hui et que le passage de 5 000 à plus de 10 000 lits de réanimation permet d’avoir une marge pour éviter la saturation du réseau hospitalier. Malgré ces nouvelles encourageantes, le Premier ministre a rappelé à quel point c’était une pression considérable pour les soignants, épuisés, qui doivent aujourd’hui « reprendre leurs forces ».
Ce graphique montrant l’efficacité du confinement dévoile en creux que la situation est maîtrisée uniquement parce que le virus est stoppé grâce à la stratégie de distanciation actuelle. Sans confinement, comme le montrent les cartes présentées par Édouard Philippe, la saturation des lits aurait été bien plus problématique : certes, « le système hospitalier a tenu », mais c’est uniquement grâce au respect du confinement strict. Cette situation ne laisse rien présager de la période qui s’ouvrira après le déconfinement.
Masques et nouvelles mesures pour les EHPAD
« Les sources d’approvisionnement en masque se sont taries. La Chine, confrontée à l’épidémie, a concentré l’utilisation de masque sur son territoire », a affirmé Édouard Philippe, à propos des masques, l’une des clefs du déconfinement avancées par Emmanuel Macron le lundi de Pâques. En effet, au moment du déconfinement, même s’il est progressif, chaque Française et chaque Français sera censé pouvoir disposer d’un masque grand public.
Depuis le mois de mars, les importations ont repris et Édouard Philippe annonce que du 14 au 19 avril, pour la première fois, la France a réussi à importer plus de masques qu’elle n’en consommait (81 millions de masques importés contre 45 millions de masques consommés par semaine). C’est cette capacité d’import qui permet à Édouard Philippe d’envisager une distribution plus large des masques au-delà du système hospitalier « dans les semaines qui viennent ».
Pour autant, Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, a affirmé lors du même point presse que les masques FFP2, les plus protecteurs pour les soignants, étaient encore utilisés en flux tendu. Blouses, gants et médicaments de réanimation, tous en consommation trop élevée par rapport à la production mondiale, ne sont pas encore en nombre suffisants en France, quand bien même la question des respirateurs semble être réglée. La France « disposera d’ici juin de 15 000 respirateurs lourds et de 15 000 respirateurs légers utiles pour les déplacements ».
Le ministre a également évoqué une nouvelle mesure pour les personnes résidant dans les EHPAD : des visites ponctuelles de leur famille pourront être faites. Elles devront en revanche être menées dans des conditions particulières, sans contact physique. Olivier Véran a fini par rappeler que les consultations médicales ne doivent pas être repoussées : elles ont baissé de 60 % chez les spécialistes et de 40 % chez les médecins généralistes. Le ministre invité les Françaises et les Français à ne pas repousser une visite médicale afin de ne pas prendre de risque.
Essais cliniques et médicaments
Édouard Philippe a laissé la place à la professeure Florence Ader, infectiologue et directrice du programme Discovery qui étudie en ce moment l’efficacité de la chloroquine sous plusieurs formes. Elle a évoqué la stratégie de la recherche médicale contre le coronavirus, qui a mis en place 860 essais dans le monde, dont 30 en France. Mme. Ader a rappelé que la recherche allait vite, mais qu’il ne fallait pas « dépasser les exigences réglementaires » afin de ne pas faire d’erreur.
Un vaccin en cours de développement a été évoqué par Florence Ader : il sera testé en France à l’institut Pasteur à l’été. Pour elle, la stratégie vaccinale est « le graal » qu’il faudra espérer atteindre au plus vite.
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