Adoptée définitivement par l’Assemblée nationale le 13 mai, la proposition de loi contre les contenus haineux sur Internet commencera à produire ses effets le 1er juillet 2020. Sauf si le Conseil constitutionnel y trouve à redire d’ici là. En effet, l’institution ayant la tâche de vérifier la conformité des textes à la Constitution française doit rendre prochainement une décision sur cette nouvelle législation.
Le patron des sénateurs de droite a en effet annoncé cette semaine que son groupe, Les Républicains, va saisir le Conseil constitutionnel. « Cette loi porte atteinte à la liberté d’expression et elle est juridiquement faible. Elle nous paraît incompatible avec le respect de nos libertés publiques », écrit Bruno Retailleau sur Twitter, le 13 mai, jour où le texte est passé une dernière fois au parlement.
La loi impose aux grandes plateformes du net de retirer en moins de 24 heures après leur signalement des contenus manifestement illicites (propos ou médias racistes, sexistes ou homophobes, harcèlement sexuel, négationnisme, provocation à la haine, etc.). Dans des cas précis et encadrés, ce délai peut être ramené à 1 heure (apologie du terrorisme ou appel à des actes terroristes, contenus pédopornographiques).
Mise à l’écart du juge judiciaire
Toutes ces infractions sont déjà punies dans le droit français, à travers les articles du code pénal et de la loi sur la liberté de la presse, avec à la clé des sanctions incluant des peines de prison se chiffrant en années et incluant des amendes pouvant atteindre des dizaines voire des centaines de milliers d’euros, selon les cas de figure. Cependant, tous ces délits passent nécessairement par l’autorité judiciaire.
La principale critique adressée à ce texte de loi est de vouloir contourner le juge, puisque ce sont aux plateformes du net qu’il revient de réagir aux notifications de contenus illicites et de sévir, le cas échéant. Or, celles-ci sont de fait poussées à agir, car le refus de traiter un signalement ou le retard dans sa prise en charge les exposent à une amende de 250 000 euros, qui peut être suivie d’une sanction administrative du CSA.
C’est cette mise à l’écart du juge judiciaire, qui est pourtant le garant, comme le prévoit la Constitution, des libertés individuelles, qui cristallise l’essentiel des critiques à l’encontre de la loi. Or ici, l’appréciation du caractère délictueux de tel ou tel propos, de telle ou telle publication, est laissée à des opérateurs privés. Une particularité sur laquelle le Conseil constitutionnel pourrait s’opposer.
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