Que faire des élections municipales dans les villes où le premier tour, survenu le 15 mars, n’a pas été indiscutable ? Faut-il les reporter et, le cas échéant, à quelle date ? Et surtout, dans quelles conditions sanitaires doit-on organiser ce second tour, qui concerne près de 5 000 communes en France et qui aurait dû avoir lieu le 22 mars, avant que la crise du coronavirus ne vienne tout emporter ?
Ce sont ces questions qui traversent le dernier avis du conseil scientifique Covid-19, rendu public le 18 mai. Consacré aux modalités sanitaires du processus électoral à la sortie du confinement, il se montre en fait extrêmement prudent sur la perspective d’un nouveau scrutin au mois de juin, comme cela est envisagé par le gouvernement et réclamé par plusieurs maires dans une tribune sortie le 16 mai.
S’il n’est par principe hostile à des élections en juin, le conseil scientifique rappelle qu’il « est difficile d’anticiper une situation incertaine pour les semaines à venir » et qu’il « est encore trop tôt pour évaluer le niveau de circulation de SARS-CoV-2 durant le mois de juin », car le déconfinement survenu le 11 mai n’offre pas encore assez de recul statistique sur la propagation de la maladie.
Cela étant, le conseil scientifique propose diverses recommandations dans le cas où le processus électoral doit reprendre assez tôt, malgré ce contexte pandémique. Et il apparaît à la lecture de l’avis que les outils numériques peuvent participer à la mise en place de ce second tour. Ces outils pourraient être mobilisés à différents niveaux, qu’il s’agisse de la campagne, du dépouillement ou même du vote.
Que dit le conseil scientifique sur l’emploi du numérique ?
Concernant la période de propagande pour attirer les électeurs, les scientifiques suggèrent d’envisager « d’autres modalités de campagne » afin de limiter les contacts rapprochés. Le conseil recommande ainsi de faire « usage du numérique », sans préciser comment. Tout juste est-il précisé que ces modalités doivent être « égales pour tous les candidats », même si elles sont moins efficaces que des rencontres.
Il existe des « risques majeurs » sur le plan sanitaire à organiser une campagne classique, prévient le conseil. La distribution de tracts, le porte à porte, les meetings, les réunions d’appartement peuvent servir à propager le virus. Dans ce cas, il faudra peut-être trouver des alternatives, que le conseil ne cite pas, mais qui iront sans doute des réseaux sociaux au mailing, en passant par la visioconférence.
Sur le scrutin lui-même, le vote en ligne (ou vote par Internet) n’est pas évoqué dans l’avis. De trop gros enjeux de vérifiabilité et de sécurité ne permettent pas de considérer cette solution, surtout à aussi brève échéance. En outre, il existe une certaine défiance du public pour ce mode de scrutin. Cette piste n’avait pas été suivie lors du premier tour, alors que la pandémie gagnait du terrain.
Seul cas évoqué, celui des machines à voter, qui ne sont pas très nombreuses en France (66 communes sont équipées, mais 32 y ont renoncé). « Les machines à voter doivent faire l’objet d’un nettoyage régulier. Les électeurs sont invités à se laver les mains avant et après l’usage de la machine », écrit le conseil. Et pour cause, l’écran tactile deviendra un réservoir à virus au fil de la journée et du passage des votants.
Les opérations de dépouillement sont aussi mentionnées : ouvertes au public, elles sont de fait difficiles à tenir dans ces circonstances. Le conseil recommande de limiter au maximum le nombre de personnes en présentiel. Pour les autres, elles devraient pouvoir avoir accès à « des outils de retransmission en ligne » de façon à « conserver la publicité du dépouillement dans le respect des mesures sanitaires ».
Quant aux candidatures, le conseil invite les candidats et les commissions de propagande à organiser leurs échanges « en privilégiant des contacts par visioconférence chaque fois que possible (le contrôle physique des documents étant assuré par un membre unique de la commission) » ou par téléphone. Là encore, prise de rendez-vous à l’avance, gestes barrières et nombre restreint de personnes doivent être la norme.
Des choix à prendre et des problématiques à traiter
Le conseil scientifique propose des pistes pour empêcher la propagation du virus et que les opérations de vote se déroulent dans de bonnes conditions sanitaires, mais c’est à l’autorité politique de trancher sur les mesures à prendre, en prenant en compte divers paramètres, comme le droit électoral et la fracture numérique — toutes ces solutions ne pourront pas être déployées partout, pour tout le monde.
Benoît Tabaka, directeur des politiques publiques de Google, en a donné un aperçu le 19 mai en proposant quelques situations concrètes.
La loi interdit par exemple les dons aux candidats. Le fait de fournir gratuitement une visioconférence Zoom entre-t-il dans ce cas de figure ? Comment empêcher la propagande électorale en ligne à compter de la veille du scrutin ? Faudra-t-il que Facebook ou Twitter bloque les messages des militants, en détectant des mots-clés ? Comment un candidat peut-il promouvoir ses idées si le démarchage numérique lui est interdit ?
Ces problématiques sont du ressort du gouvernement. De son côté, l’instance consultative se borne à dire que « si des élections sont organisées, l’organisation de la campagne électorale devra être profondément modifiée ». Mais avant de trancher, il est demandé une nouvelle évaluation « dans les quinze jours précédant la date décidée du scrutin », suivie d’une « surveillance soutenue quinze jours après ».
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