Si l’encyclopédie Wikipédia est le plus bel exemple de ce que permet le web, avec des internautes du monde entier coopérant pour concevoir une source de savoir libre, gratuite et vérifiée, ses coulisses font depuis plusieurs années d’une controverse. Le savoir-vivre fait parfois défaut dans les échanges entre bénévoles, avec parfois des dérives très sérieuses, dont des cas de harcèlement.
Ce sont ces comportements que le conseil d’administration de la fondation Wikimédia entend policer. Le 22 mai, décision a été prise de demander à Wikimédia de « prioriser la lutte contre le harcèlement et l’incivilité au sein du mouvement et de créer des espaces accueillants, inclusifs et sans harcèlement dans lesquels les gens peuvent contribuer de manière productive et débattre de manière constructive ».
Code de conduite et modération revue
Plusieurs leviers ont été identifiés pour y parvenir, dont la mise en place d’un « code de conduite universel qui constituera un ensemble de normes minimales contraignantes pour tous les projets de Wikimédia » et des mesures de mise à l’écart des membres qui violent ce code de conduite ainsi que les conditions d’utilisation. Des restrictions d’accès et des exclusions pourront être prononcées le cas échéant.
« Le harcèlement, les comportements toxiques et l’incivilité dans le mouvement Wikimédia sont contraires à nos valeurs communes et nuisent à notre vision et à notre mission », rappelle le conseil, qui observe aussi que la communauté « n’a pas suffisamment progressé » sur ce chapitre, ce qui a pour effet de nuire à la construction d’une encyclopédie vraiment universelle.
En France, des affaires graves ont éclaté publiquement en 2017 avec le départ remarqué de la directrice de Wikimédia France. Deux plaintes ont été déposées par l’intéressée, dont une pour des faits de harcèlement moral. Cette affaire avait entraîné notamment le départ de plusieurs personnalités du conseil scientifique de l’association, dont l’ex-président de Wikimédia France.
Celui-ci avait d’ailleurs à l’époque rédigé un billet sur Medium pour dénoncer l’inaction de la fondation Wikimédia. Elle « n’a rien fait pour s’opposer à ces violences, dont une partie s’est passée sur ses listes et ses sites, rien fait pour protéger ces femmes. […] Sa seule préoccupation semble être d’éviter le scandale, de réduire les victimes au silence, et de protéger son propre président », écrivait-il alors.
La communauté « n’a pas suffisamment progressé »
Le harcèlement et la misogynie font partie des facteurs qui sont cités comme des freins à la participation des femmes. Ces dernières constitueraient moins de 15 % des effectifs des bénévoles, selon une enquête datée de 2015, ce qui entraîne mécaniquement un biais de genre sur l’encyclopédie à la fois sur la nature et la quantité des contenus proposés et mis à jour.
Certes, des initiatives existent pour corriger le tir, comme le projet des Sans Pages pour écrire ou développer des biographies de femmes illustres, ou des marathons ponctuels pour promouvoir certaines pages, mais ces efforts interviennent sur les conséquences de ce déséquilibre, pas sur ses causes. D’où un code de conduite et une modération durcie pour agir à la racine.
Concernant ces mesures, le calendrier comporte deux grandes échéances. D’ici le 31 août, le code de conduite devra avoir été rédigé et soumis au conseil d’administration pour ratification. Cette charte devra couvrir les événements physiques et virtuels, les espaces techniques, et tous les projets et wikis. Quant à la nouvelle modération, elle devra être organisée et validée d’ici la fin de l’année.
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