Après de nombreux débats et polémiques, l’application StopCovid est disponible au téléchargement pour le grand public. Vous avez désormais la possibilité d’utiliser, ou non, l’outil technologique. Voici ce qu’il faut savoir pour prendre votre décision.

L’heure n’est plus aux débats : après une présentation devant l’Assemblée nationale et un vote positif par les deux chambres du Parlement, la mise en place de l’application StopCovid en France a été actée ce 27 mai 2020. À partir de mardi 2 juin à midi, toute la population équipée d’un smartphone, Android ou iOS, pourra théoriquement l’utiliser.

Depuis les débuts du confinement français, Numerama a suivi les longs échanges, débats et remises en question autour de l’outil voulu par le gouvernement français pour aider à retracer le chemin de la maladie à travers la population. Vous pouvez retrouver sur cette page l’intégralité des questionnements et explications sur StopCovid.

Désormais, une seule question se pose : devez-vous installer l’application ? Voici les informations à prendre en compte pour faire votre choix.

StopCovid présenté par le gouvernement // Source : Ministère de l'économie

StopCovid présenté par le gouvernement

Source : Ministère de l'économie

Qu’est-ce que StopCovid ?

StopCovid est une application mobile disponible sur Android et iOS, proposée gratuitement par le gouvernement. Elle fonctionne par la technologie Bluetooth des smartphones et permet aux appareils de se « détecter » et se reconnaître.

Si une personne se déclare malade du coronavirus dans l’application, une autre personne qu’elle a rencontrée pourra être prévenue par une alerte numérique. Le processus est théoriquement anonyme : vous ne connaitrez pas l’identité de la personne qui a déclenché l’alerte.

Dans quels cas l’app StopCovid sera-t-elle efficace ?

Pour que l’application soit efficace et permette l’isolement d’une personne qui ne se savait pas malade, il faut :

  • Que les deux personnes aient un smartphone (77 % de la population française) ;
  • Que les deux personnes aient connaissance de l’existence de l’application et souhaitent s’en servir ;
  • Que les deux personnes aient téléchargé l’application ;
  • Qu’elles se soient rencontrées en ayant l’app active (Cédric O affirme que l’app fonctionnerait plutôt bien sur iPhone, mais nos premiers tests ont montré le contraire) ;
  • Qu’elles soient restées en contact « à moins d’un mètre » et « pendant plus de 15 minutes » ;
  • Que la technologie Bluetooth fonctionne (elle serait efficace à 75-80 %) ;
  • Que la personne malade ait pris rendez-vous pour faire un test PCR de recherche du virus, attendu 24h ou 48h pour les résultats, et que le test se révèle positif ;
  • Que le test PCR n’ait pas été un faux négatif ;
  • Qu’elle se déclare ensuite comme malade à son médecin ;
  • Qu’elle ait l’autorisation de se déclarer malade dans l’app StopCovid via l’obtention d’un QR code ;

Une fois tous ces prérequis obtenus, la deuxième personne reçoit une alerte. Elle devra ensuite, pour que l’app ait une chance d’avoir été utile, se confiner automatiquement, sans poser de questions, et prendre elle aussi un rendez-vous pour un test, puis attendre ses résultats. Si son test est négatif, elle pourra techniquement ressortir de chez elle — en espérant qu’il ne s’agisse pas d’un faux négatif.

Pour quelles situations StopCovid a-t-elle été pensée ?

Comme on le voit ci-dessus, le cas dans lequel StopCovid est efficace est restreint, et il sera probablement rare à l’échelle de tous les cas de contaminations possibles au cours d’une interaction sociale entre deux ou plusieurs personnes.

L’exemple le plus fréquemment mis en avant est le métro ou le bus : vous restez pendant un moment à côté de quelqu’un qui est potentiellement contagieux, mais ne connaissez pas cette personne.

Cependant, d’autres exemples peuvent aussi être pris en compte : à l’heure où les restaurants et parcs commencent à rouvrir, il est préférable d’imaginer que toutes et tous respecteront les gestes de distance (un mètre minimum), mais il est possible que ceux-ci finissent par être transgressés Dans ces contextes-ci, l’application pourrait, si vous restez plus de 15 minutes très proche de quelqu’un, permettre de vous alerter a posteriori.

En prenant ces scénarios, on peut en dégager instinctivement des limites (être dos à quelqu’un versus être face à lui, être à plus d’un mètre mais qu’il ait éternué directement en votre direction, etc.). C’est pour cela que StopCovid est vu comme un outil qui n’est pas infaillible (c’est même bien l’inverse), et dont l’efficacité n’est pas garantie, mais qui peut permettre d’isoler, par prévention, de potentiels malades.

Vais-je sauver des vies en installant StopCovid ?

Cédric O, le secrétaire d’État au numérique, tient une ligne de réflexion très claire : si l’outil StopCovid permet de sauver une seule vie, alors elle sera utile. Dans les faits, ce raisonnement est compréhensible et plausible. En somme, StopCovid à elle seule ne suffirait jamais à tracer le cheminement d’une infection (trop de risques de faux positifs ou négatifs, que ce soit du côté des signaux Bluetooth ou des tests PCR et sérologique), mais si on prend cet outil comme un « complément », alors il ne peut pas, techniquement, empirer les choses. Au mieux, il ne peut qu’améliorer la détection de certains cas potentiellement positifs.

Ces cas seront sûrement rares, et il y aura peut-être des « faux positifs », qui provoqueront un confinement conseillé d’une personne qui reçoit la notification StopCovid, pendant quelques jours, avant d’avoir obtenu les résultats de son propre test PCR. Mais techniquement, il est donc possible que des vraies contaminations soient, dans le cas développé plus haut, repérées grâce à StopCovid. Et donc que d’autres contaminations soient évitées.

Mes données personnelles peuvent-elles être hackées ?

Il y a très peu de risque que des données personnelles finissent par tomber dans les mains de potentielles personnes malveillantes. Car les systèmes d’app de contact tracing, qu’ils soient centralisés ou décentralisés, sont globalement robustes. Le risque zéro n’existe pas, mais la technologie Bluetooth utilisée (et non la géolocalisation), combinée aux protocoles de chiffrement, permettent d’assurer une relative sécurité des données.

Il y a encore moins de risque, voire quasiment aucun lien avec l’app en question, que les contacts de votre smartphone soient « aspirés » en passant par l’app StopCovid, contrairement à ce qu’assurait, à tort, Jean-Luc Mélenchon dans son intervention devant l’Assemblée le 27 mai.

Pourquoi parle-t-on de potentielles dérives, alors ?

Comme souvent dans les risques de vol de données ou les piratages les plus efficaces, les failles sont à trouver du côté de l’humain. Dans les faits, il existe des mises en situations qui peuvent risquer de mettre en danger le pseudonymat proposé par l’application StopCovid.

Certains chercheurs de l’Inria ont publié, fin avril dernier, une liste de différents scénarios hypothétiques dans lesquels l’app de traçage pourrait être utilisée à des fins discriminatoires. Ce sont des exemples très poussés qui misent sur la malveillance et de fortes capacités d’organisation d’une personne mal intentionnée, comme celui d’une possible discrimination à l’embauche (mise en illustration ci-dessous) par un employeur qui aurait acheté trois smartphones « témoins » pour identifier un potentiel candidat positif à Covid-19.

Mais d’autres cas sont plus probables. Comme l’a souligné la députée socialiste Cécile Untermaier devant l’Assemblée, l’utilisation de StopCovid dans des zones peu peuplées est forcément moins garante de l’anonymat des personnes contaminées. Par exemple, si vous n’avez croisé qu’une seule personne en quelques jours de déambulations dans un petit village, que vous aviez tous les deux l’app StopCovid, et que vous recevez une alerte, vous aurez peu de doute sur l’identité de la personne qui vous a contaminée.

À l’inverse, il y a un risque plausible de paranoïa induit à la réception d’une notification de cas positif : si vous avez croisé 2 ou 3 personnes uniquement, alors vos soupçons se poseront automatiquement sur ces quelques personnes. Cette situation est également valable au travail, ou au cours de rencontres confidentielles.

Ces exemples sont rares et extrêmes, mais ces possibilités existent.

L’app fonctionne-t-elle sur mon smartphone ?

Le gouvernement assure avoir testé l’application StopCovid sur de nombreux téléphones intelligents d’une dizaine de marques, qui représentent les « 100 smartphones les plus utilisés par les Français ». En somme, l’app a été pensée pour fonctionner correctement sur la majorité des appareils des personnes visées, les actifs urbains mobiles.

Il n’est toutefois pas exclu, comme l’a concédé Cédric O, que certains vieux modèles ne puissent pas supporter l’application.

D’après les premiers tests que nous avons faits de l’application StopCovid en bêta sur smartphone, il semblerait qu’elle fonctionne bien sur Android, sans avoir besoin de la laisser ouverte. Sur iPhone, le message officiel est similaire, bien que nous ayons pu observer des « soubresauts », qui laissent penser que la transmission par Bluetooth n’est pas toujours active sur iPhone si l’application n’est pas ouverte en permanence. Certains estiment même que « deux iPhone équipés de StopCovid qui se trouveront à proximité ne communiqueront pas dans la majorité des cas », ce qui laisserait une partie des utilisateurs sur le carreau.

Il est, dans tous les cas, obligatoire que chaque personne garde son Bluetooth allumé en permanence pour que cela fonctionne.

Est-ce que l’app est obligatoire ?

Installer StopCovid n’est pas une obligation, malgré les propositions démesurées de certains députés qui souhaiteraient réserver plus de droits à celles et ceux qui l’utilisent. Le gouvernement d’Édouard Philippe sait bien, comme l’assènent aussi la Cnil et du CNnum, qu’il faut que cette application reste « sur la base du volontariat » pour qu’elle respecte les principes de non-discrimination qui figurent dans la loi française.

Il n’empêche que, d’un point de vue moral, la publicité faite à l’application et le discours public culpabilisateur de certains élus (« installer StopCovid sauve des vies ») peut soulever des doutes sur la notion de consentement indirect. Si ces questionnements vous travaillent, nous les avons abordés en détail dans un article, ci-dessous.

Serais-je mieux protégé avec StopCovid ?

Comme beaucoup de gestes barrières, StopCovid est censée à la fois à vous protéger, mais aussi protéger les autres. La tranche de la population visée par l’application (des urbains actifs et mobiles) n’est pas la plus à risque de développer des complications du coronavirus, mais elle peut transmettre la maladie à des personnes plus vulnérables.

Il est donc théoriquement possible que, si vous êtes diagnostiqué positif à Covid-19, vous puissiez prévenir une personne potentiellement à risque d’être infectée, en utilisant StopCovid, si tous les prérequis détaillés plus haut sont réunis et que la technologie a fonctionné correctement.

Comment saura-t-on si StopCovid a permis de sauver des vies ?

La seule manière de savoir si StopCovid aura été efficace sera d’identifier et comptabiliser, dans quelques mois, le nombre de personnes qui ont été testées positives à la Covid-19 après avoir reçu une alerte via StopCovid, qui les aura poussées à se mettre en isolement et faire un test. Cette méthodologie permettra également de savoir combien de personnes ont reçu une alerte et ont finalement été testées négatives au virus.

Ces données seront d’autant plus parlantes lorsqu’elles seront mises en perspective avec le nombre de personnes ayant téléchargé l’application.

À ce jour, le gouvernement n’a pas communiqué sur la manière et la périodicité à laquelle ces informations seront disséminées — elles sont pourtant importantes au vu des frais engagés par l’État, sans compter les moyens humains et du temps politique et médiatique qui a été dédié à cet outil depuis plusieurs mois.

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