C’était prévisible. Le décret signé par Donald Trump fin mai fait désormais l’objet d’une action en justice aux États-Unis. L’association Center for Democracy & Technology a annoncé le 2 juin avoir déposé plainte contre le texte, pris en réaction à la décision de Twitter de modérer plusieurs messages publiés par le président américain sur le réseau social, parce qu’ils ont été jugés excessifs.
Comme angle d’attaque, l’association se sert du premier amendement de la Constitution américaine qui protège la liberté d’expression. « Le gouvernement ne peut et ne doit pas forcer les intermédiaires en ligne à modérer le discours selon les caprices du président », défend le CDT. Or avec ce décret, Donald Trump entend dissuader les plateformes comme Twitter de modérer, sous peine de s’exposer judiciairement.
« Le président a clairement indiqué que son but est d’utiliser des menaces de représailles et de réglementation future pour intimider les intermédiaires afin qu’ils modifient leur façon de modérer le contenu », alerte Alexandra Givens, qui préside le CDT. Or dans une période électorale de plus en plus explosive, vu ce qui se passe États-Unis, le contrôle de la parole présidentielle apparaît plus que jamais cruciale.
La protection juridique des sites visée
Le décret de Donald Trump vise la section 230 d’une loi américaine votée en 1996, qui offre aux plateformes en ligne une protection juridique à l’égard de ce que des tiers publient sur leurs serveurs. Le président américain souhaiterait l’abroger, mais il n’en a pas la capacité : aussi propose-t-il de la réinterpréter, en excluant de cette protection juridique tous les sites qui se lancent dans une modération active.
Cette manœuvre juridique fait suite à la décision de Twitter d’apposer deux mises en garde sous deux messages de Donald Trump au sujet du vote par correspondance. Il suggère que ce mode de scrutin est extrêmement frauduleux, ce que les experts contestent, parce que le gain politique est beaucoup trop faible par rapport à la complexité de la triche à mettre en œuvre et aux risques encourus.
Une pression à laquelle Twitter se montre pour le moment insensible, puisque le réseau social a procédé à une nouvelle modération du compte de Donald Trump, cette fois plus sévère : un tweet a été masqué par défaut avec un avertissement sur une glorification de la violence. Le message est toujours accessible, une fois que l’on a pris en compte la mise en garde.
« Nous continuerons à signaler les informations incorrectes ou contestées sur les élections dans le monde entier », a prévenu Jack Dorsey, le fondateur de Twitter, tout en expliquant qu’il ne s’agit pas d’un plan anti-républicain ou anti-Trump. Son but, dit-il, est « de relier les déclarations contradictoires et de montrer les informations en litige afin que les gens puissent juger par eux-mêmes ».
Même si, dans le cas de Donald Trump, Twitter a longtemps hésité à intervenir, du fait de la place occupée par le président américain dans l’espace public et le rôle qu’il occupe dans le paysage politique américain et international. Et l’on ne modère pas un tel compte de la même façon qu’on modère celui d’un usager lambda. Une situation qui a parfois suscité de profonds désaccords en interne.
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