Pas de surprise au Sénat. Dans le cadre de l’examen de la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales, les sénateurs ont approuvé le 10 juin 2020 l’obligation de vérifier l’âge des internautes se rendant sur des sites pornographiques, sous peine de se faire bloquer par les fournisseurs d’accès à Internet. L’Assemblée nationale avait déjà validé cette mesure, lors du vote de la loi, en janvier.
Particularité du passage de la proposition de loi devant la chambre haute du parlement, l’adoption d’un amendement qui donne lieu à un nouvel article de loi, juste après celui ayant trait au contrôle renforcé de l’âge des internautes. Celui-ci octroie de nouvelles prérogatives au président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) lui permettant de patrouiller sur le web et d’adresser des mises en demeure aux sites X qui ne respectent pas les exigences législatives françaises.
Dans le détail, le président du CSA (instance qui deviendra prochainement l’Arcom, c’est-à-dire l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, lors de sa fusion avec la Hadopi), pourra adresser des mises en demeure aux sites litigieux et ceux-ci auront 15 jours pour répondre ou pour se conformer aux demandes hexagonales. Sinon, le CSA pourra saisir le tribunal judiciaire de Paris pour demander le blocage du site par les FAI français et leur déréférencement sur les moteurs de recherche.
Dans les faits toutefois, il est plausible qu’une immense part des sites pornographiques du monde entier n’aura que faire des injonctions françaises : si les sites X français ont tout intérêt à s’y plier, parce que leur audience se construit surtout auprès des internautes du coin, les plateformes étrangères, par exemple chiliennes, russes ou asiatiques, ne devraient pas changer leur plan de vol.
Ruée vers les VPN à prévoir
La future patrouille du CSA devrait donc progressivement alimenter une interminable liste noire de sites pornos récalcitrants aux règles françaises, mais dont il sera possible d’en contrer les effets en passant soit par des réseaux privés virtuels (VPN) pour faire croire que l’on se connecte depuis un autre pays (et ainsi éviter le blocage de son FAI), ou bien en se servant des moteurs de recherche et des opérateurs de plus petite envergure, qui ne sont généralement pas ciblés par les décisions de justice.
L’usage des VPN et des points d’accès alternatifs devrait aussi connaître une progression y compris dans le cadre des sites X respectant la législation française, puisque le contrôle de l’âge renforcé impliquera une identification des internautes voulant visualiser des contenus pour adulte. En effet, l’idée est de remplacer le bouton placé à l’entrée des sites qui fait appel à l’honneur des internautes pour leur demander s’ils sont majeurs ou non. Bouton qui ne sert à rien en pratique, puisque tout le monde appuie dessus, majeur ou pas.
La loi ne précise pas spécifiquement quels sont les moyens efficients pour contrôler l’âge de l’internaute, mais plusieurs propositions circulent : acheter un passe dans un point de vente agréé, par lequel l’identité de l’acheteur pourrait être contrôlée, utiliser une carte bancaire à des fins de vérification, ou bien, comme l’indique l’amendement voté au Sénat, mobiliser FranceConnect.
L’idée n’est en réalité pas nouvelle : elle était déjà évoquée l’an passé. Initialement, il s’agit d’un portail d’accès aux différents services publics qui s’en servent, comme le site des impôts, le compte Ameli de l’assurance maladie ou encore la plateforme ANTS qui concerne la carte grise, le permis de conduire, le passeport ou la carte d’identité. Avec lui, il est possible de se connecter facilement à ses comptes.
Mais il n’est pas sûr du tout que cette piste soulève les foules, au contraire : qui aurait envie de rapprocher un outil administratif tel que FranceConnect de sa consommation de sites X, et d’en faire un point de passage obligatoire, même si des engagements seront pris et mis en œuvre pour tout cloisonner ? En somme, les marchands de VPN se frottent déjà les mains de toute cette nouvelle future clientèle.
Et maintenant ? La prochaine étape sera la commission mixte paritaire, une instance dans laquelle sept députés et sept sénateurs doivent gommer les différences entre les deux versions du texte, afin qu’un seul texte soit présenté à la promulgation et à la publication au Journal officiel. Dans la mesure où le Sénat a notamment ajouté cet amendement sur le rôle du CSA, et que le gouvernement l’a soutenu, l’Assemblée nationale devrait a priori suivre, du fait du soutien de nombre de députés.
Emmanuel Macron a en effet fait de ce sujet l’une de ses stratégies pour protéger les mineurs sur le web. L’autre grande annonce concerne l’alourdissement des sanctions pénales en cas de visite d’un site pédopornographique. Pour fonder son action, le gouvernement et la majorité s’appuient également sur les retours d’associations, qui expliquent que le porno façonne l’imaginaire sexuel et qu’il peut être une source de dérives et d’abus, puisque des situations sont reproduites, avec parfois des violences.
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