C’est une photographie tout droit sortie d’un film dystopique que Donald Trump a publiée sur son compte Instagram le 15 juillet 2020 : on voit le Président des États-Unis, assis à son bureau ovale de la Maison-Blanche, les pouces levés en l’air, entouré de produits de la marque Goya, afin de soutenir ces produits. Sa fille, Ivanka Trump, avait publié une photo équivalente quelques heures avant. Ces publications font suite au soutien du PDG de la marque envers Donald Trump.
Si beaucoup d’internautes et de personnalités ont relevé les aspects ridicules ou politiquement problématiques de la situation, une question très concrète se pose : l’éthique et la légalité derrière ces publications.
Que disent les règles américaines ?
La loi américaine dispose d’une section dédiée à l’éthique des relations entre la fonction publique et les marques privées. L’article 2635.702 du Code des règlements fédéraux indique qu’un « employé ne doit pas utiliser sa fonction publique pour son propre profit privé, pour l’approbation d’un produit, d’un service ou d’une entreprise, ou pour le profit privé d’amis, de parents ou de personnes avec lesquelles il est affilié à titre non gouvernemental ». Ce type de comportements est considéré comme un abus de pouvoir.
Cette disposition de la loi s’applique-t-elle aux publications de Donald et Ivanka Trump ? L’ancien directeur du bureau d’éthique du gouvernement, Walter Shaub, s’est exprimé à ce sujet. Il explique qu’il faut notamment regarder la façon dont un compte est utilisé sur les réseaux sociaux : pour l’usage personnel ou bien la représentation de fonctions officielles. Ivanka Trump indique bien dans ses bios être conseillère du Président et, sur ses comptes, elle parle régulièrement de ses activités au sein de l’administration. Autre point important : la photo est publiée à peine quelques jours après les déclarations de soutien de la marque Goya, ce qui crée un lien direct entre les deux événements.
« Dans ces circonstances, si vous êtes un conseiller présidentiel de haut niveau dans le cercle restreint du président, il y a une forte apparence de caution officielle [envers les produits]. Il serait malhonnête de prétendre que vous n’apportez pas de soutien officiel », explique Walter Shaub. Il confirme alors que la publication d’Ivanka Trump est en infraction nette avec l’article 2635.702 du Code des règlements fédéraux. Il ajoute quelques heures plus tard, en rebond avec la publication Instagram de Donald Trump, que c’est dorénavant encore plus clairement « une campagne officielle de l’administration Trump pour soutenir Goya » confirmant qu’Ivanka Trump est en totale infraction avec la loi éthique.
L’impunité
On relèvera que Walter Shaub s’exprime surtout au sujet d’Ivanka Trump, et non sur la publication de son père. Il est difficile de déterminer dans quelle mesure ces règles s’appliquent ou non directement au Président des États-Unis : après tout, il n’y a pas de précédent juridique d’un Président publiant sa photo sur Instagram entouré de produits qu’il soutient clairement en raison des déclarations favorables du PDG de l’entreprise concernée. C’est tout aussi compliqué de savoir si une telle infraction, pour l’un comme l’autre, peut faire l’objet de la moindre sanction concrète. Les infractions aux règles éthiques sont ouvertes et étudiées au cas par cas par le bureau éthique de l’administration.
Walter Shaub rappelle que cette situation n’est que dans la continuité d’une administration se comportant sans cesse comme si elle était au-dessus des lois, jusqu’ici dans une relative impunité. « Dans l’esprit des fonctionnaires de [l’administration Trump], il n’y a pas de distinction entre le personnel et l’officiel. Leur message est que le gouvernement et les personnes qu’il représente existent pour servir les intérêts personnels de Trump. »
Et les CGU ?
Reste à savoir si ces publications enfreignent ou non les GCU des réseaux sociaux où elles ont été publiées. Si l’on s’appuie essentiellement sur Instagram, la politique du réseau est que « nous définissons le contenu de marque comme un contenu de créateur ou d’éditeur qui présente ou est influencé par un partenaire commercial pour un échange de valeur (par exemple, lorsque le partenaire commercial a payé le créateur ou l’éditeur). » Quand cette situation s’applique, il faut alors préciser que la publication est sponsorisée.
Par échange de valeur, Instagram fait essentiellement référence à un échange financier. En l’occurrence, le soutien officiel de la famille Trump à Goya ne semble pas relever d’une rémunération. Rien n’indique techniquement que la publication est « sponsorisée ». Il n’y a donc pas forcément d’infraction claire aux GCU du réseau social, qui ne supprimera probablement pas les publications.
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