Emmanuel macron l’a dit en 2019, son ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire l’a répété en 2020 : il n’est pas question de bannir Huawei du marché français de la 5G. Peut-être aurait-il fallu ajouter pour l’instant. Car à en croire les informations obtenues par Reuters, Paris aurait bien l’intention à long terme d’écarter l’équipementier chinois de l’ultra haut débit mobile.
L’agence de presse s’appuie sur trois sources différentes pour décrire le plan français pour se passer complètement de l’industriel chinois d’ici dix ans. « La position de la France est similaire à celle du Royaume-Uni, mais la communication du gouvernement est différente », a expliqué l’une des sources, en évoquant la décision de Londres de bannir complètement Huawei de sa 5G, avec comme échéance 2027.
Plusieurs explications peuvent expliquer les raisons pour lesquelles Paris étale l’exclusion sur une période aussi longue.
D’abord, les autorisations accordées au sujet des équipements 5G vont de trois à huit ans — certains matériels seront donc en place jusqu’en 2028. Ensuite, c’est aussi un moyen de ménager Bouygues Telecom et SFR, qui contrairement à Orange et Free Mobile, font fortement appel aux produits de Huawei. Cela leur laisse du temps pour basculer sur d’autres fournisseurs, et européens : Nokia et Ericsson.
Enfin, cela règle discrètement un dossier sans s’attirer les reproches de Huawei et les foudres de Pékin. Du moins, sur le papier. Les autorités chinoises, notamment via leur ambassade, ont plusieurs fois laissé entendre que des représailles pourraient avoir lieu si leur champion des télécoms se voyait barrer l’accès au marché français et, de façon plus générale, aux marchés occidentaux. Nokia et Ericsson pourraient être ciblés.
Dans le monde, plusieurs nations occidentales justement ont décidé de se passer des services de l’entreprise chinoise, même si elle est effectivement la plus réputée dans les télécoms. C’est le cas des États-Unis et du Royaume-Uni, mais aussi de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. Le Canada pourrait suivre, tout comme l’Italie. La posture allemande sera connue à la rentrée.
Une élimination progressive
Mi-juillet 2020, il a été rapporté dans la presse que trois opérateurs — Orange, SFR et Bouygues Telecom — ont reçu leurs premiers agréments de Matignon de et de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information. Il a été alors signalé que tous les équipementiers, y compris Huawei, en ont bénéficié. Cependant, il apparaît clair que si la France autorise aujourd’hui sa présence, ce ne sera plus le cas demain lorsque se posera la question du renouvellement de ces autorisations.
Sans renouvellement, cela conduirait donc de fait à écarter Huawei de la 5G en France. En outre, toujours selon les sources de Reuters, les autorisations accordées aux opérateurs sont la plupart du temps courtes, de trois à cinq ans, lorsqu’il s’agit d’équipements Huawei prévus pour les grandes villes, là où celles concernant le matériel de Nokia et Ericsson bénéficient d’un feu vert plus long, de huit ans.
« Le risque n’est pas le même avec des équipementiers européens, qu’avec des non européens. Il ne faut pas se mentir », déclarait début juillet le patron de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, qui a la tâche de piloter la cyberdéfense en France. Il confirmait d’ailleurs la volonté du gouvernement de réduire très fortement la présence de l’entreprise chinoise, accusée de servir de cheval de Troie à la Chine pour des opérations d’espionnage et de cyberattaques.
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