Plus de sept ans après ses révélations sur les activités d’espionnage de la NSA et de la CIA, Edward Snowden reste dans l’obligation de vivre en Russie en tant que réfugié, car les États-Unis lui refusent le statut de lanceur d’alerte — au contraire, Washington a inculpé l’Américain de 37 ans de plusieurs chefs d’accusation, dont ceux d’espionnage et de vol de biens gouvernementaux.
Si les révélations de l’informaticien ne font plus autant les gros titres qu’autrefois, son sort continue toutefois de préoccuper aussi bien aux USA qu’à l’étranger — y compris dans des instances officielles : dernièrement, ce sont plusieurs parlementaires européens qui ont signé une lettre ouverte à l’attention de Donald Trump pour lui demander d’accorder une grâce présidentielle.
Révélée le 22 août dernier, la missive datée du 17 ne constitue pas une prise de position officielle de l’ensemble du Parlement européen. Elle illustre néanmoins la sympathie dont jouit toujours Edward Snowden des années après les faits, puisqu’il a permis de révéler les programmes de surveillance de masse mis en œuvre par les agences de renseignement des États-Unis, sans vrais garde-fous.
La lettre ouverte est signée par 26 députés de quatre formations politiques — c’est certes peu, à l’échelle du parlement, qui compte en tout 705 membres –, dont la totalité du Parti Pirate. Quatre d’entre eux siègent en effet au sein de l’hémicycle, avec parfois des fonctions importantes : c’est le cas du Tchèque Marcel Kolaja, qui est vice-président du Parlement. C’est lui qui a rendu public ce courrier.
« Nous ne devons pas persécuter ceux qui placent l’intérêt public au-dessus de leur bien-être et de leur sécurité », a déclaré Marcel Kolaja. Et la lettre ouverte d’ajouter que « cette affaire a mis en évidence le rôle essentiel que jouent les lanceurs d’alerte dans la sauvegarde des droits fondamentaux et la préservation de nos principes démocratiques ». Un rôle que les États-Unis devraient protéger.
Donald Trump pas opposé à une grâce
Donald Trump n’a pas réagi à l’initiative écrite des élus européens. Cependant, le courrier pourrait recevoir un écho favorable outre-Atlantique, dans la mesure où elle a été rédigée parce que le président américain a tenu des propos plutôt encourageants en ce sens. Le 15 août, il a suggéré lors d’une conférence de presse qu’il était disposé à étudier une grâce présidentielle pour le lanceur d’alerte.
« Je vais regarder ça de très près », a-t-il déclaré, avant de rappeler que les opinions à son sujet demeurent très partagées : « Beaucoup de gens estiment qu’il devrait être traité différemment, et d’autres pensent qu’il a fait de très mauvaises choses ». Son prédécesseur, Barack Obama, n’a jamais voulu absoudre l’informaticien, du moins tant qu’il continuait à échapper à la justice américaine.
« Ne vous y trompez pas, il n’est pas un héros. C’est un lâche qui devrait rentrer et faire face à la justice »
Par le passé, Donald Trump s’est montré beaucoup plus dur à l’encontre du lanceur d’alerte : depuis 2013, il l’a régulièrement qualifié de traître et de lâche, mais aussi d’escroc ou bien de menteur. « Ne vous y trompez pas, il n’est pas un héros. En fait, c’est un lâche qui devrait rentrer et faire face à la justice », a-t-il lancé en 2014. Un an auparavant, il le considérait comme un espion qui devrait être exécuté pour le tort fait à son pays.
L’apparente évolution de Donald Trump sur le cas Snowden n’est pas un phénomène isolé. En 2016, le procureur général qui avait été chargé d’organiser les poursuites contre Edward Snowden, Eric Holder, a estimé en 2016 que l’ancien agent de la NSA a rendu service au pays en provoquant un débat sur la surveillance généralisée. D’autres hauts fonctionnaires ont aussi appelé à négocier une peine avec l’intéressé.
Si Donald Trump ne donne aucune suite favorable à ce dossier, Edward Snowden devra s’en remettre encore à l’hospitalité russe — dont Moscou joue en lui renouvelant régulièrement son permis de séjour, afin d’apparaître comme le protecteur d’un opprimé face à un régime qui s’en prend à l’un des siens. En début d’année, Edward Snowden a encore demandé une prolongation de trois ans de son permis de séjour.
Quid d’un accueil de Snowden en France ?
Compte tenu de la place qu’occupent les États-Unis dans le système international, des intérêts géopolitiques en jeu, mais aussi de la personnalité imprévisible et éruptive de Donald Trump, aucun autre pays ne se sent de taille à accueillir Edward Snowden et de faire face à d’éventuelles représailles. Aucun des 27 pays que le lanceur d’alerte a contactés n’a donné suite à sa demande d’asile, pas même la France.
En 2013, Edward Snowden avait sollicité François Hollande, sans succès. Dans son livre Mémoires vives, il a aussi déclaré qu’il « aimerait beaucoup que Emmanuel Macron (lui) accorde le droit d’asile ». Une demande à laquelle le président de la République n’a pas donné suite, ni même déclenché la moindre réaction de sa part. Lors de la présidentielle de 2017, les candidats Benoît Hamon ou Jean-Luc Mélenchon avaient défendu l’asile pour Snowden.
En principe, l’asile n’est pas du ressort du gouvernement, mais de l’Ofpra — l’Office français de protection des réfugiés et apatrides. Sauf que pour déposer une demande, il faut être déjà sur le territoire national. Aucune demande depuis l’étranger ne peut être traitée par l’Ofpra. Or, pour entrer en France légalement, il faut un visa. Et c’est l’administration, donc le ministère de l’Intérieur, qui est compétent.
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