L’apprentissage de l’anglais à l’oral se fera-t-il à l’avenir à l’aide d’assistants vocaux, via des enceintes connectées comme Amazon Echo et Google Home ou en faisant appel à des applications conçues spécifiquement à cet effet ? C’est en tout cas cette voie que le ministère de l’Éducation nationale veut explorer, dans le cadre d’une expérimentation qui doit démarrer à la rentrée 2020.
L’existence de cet essai in situ (une centaine d’établissements scolaires du premier degré est concernée, sur les 50 490 écoles primaires que compte le pays) constitue l’un des axes du plan d’action pour une meilleure maîtrise des langues vivantes étrangères, aussi appelé Plan langues vivantes. Contenant dix mesures, il préconise notamment « d’utiliser toutes les ressources du numérique et de l’intelligence artificielle ».
Dans le détail, cette ouverture tous azimuts aux nouvelles technologies pour les langues s’articule autour de trois actions : la création d’un prix national de la pédagogie numérique, le lancement d’un appel à projets, doté de 150 000 euros, pour la création d’un programme de conversation numérique en langue étrangère, et enfin la création d’un outil numérique interactif d’aide à la pratique de l’oral.
Captain Kelly, l’agent conversationnel scolaire
Déjà évoqué dans la documentation de l’éducation nationale en 2019, l’assistant vocal s’appuie sur un agent conversationnel dénommé « Captain Kelly ». Selon les services du ministre Jean-Michel Blanquer, Captain Kelly est limitée aux interactions orales et assiste l’enseignant « dans la conduite des activités en langue anglaise pour construire les connaissances lexicales et syntaxiques des élèves et entraîner leur compréhension ainsi que leur prononciation en anglais ».
Dit autrement, il ne s’agit évidement pas de remplacer les professeurs d’anglais par une intelligence artificielle qui ferait cours à leur place, mais d’un support complémentaire, similaire aux radiocassettes utilisées autrefois pour diffuser une séquence en anglais, comme un dialogue entre deux personnes. Sauf qu’ici, la communication n’est plus unidirectionnelle, avec des élèves à l’écoute, mais bidirectionnelle, puisqu’un échange peut se créer avec Captain Kelly.
La décision de faire une place aux assistants conversationnels en classe, à des fins de test pour l’instant, part du constat que l’intelligence artificielle se développe et s’insère de plus en plus dans différemment segments de la société. L’enseignement n’y échappe pas. Mais pour le ministère de l’Éducation nationale, c’est une chance. Certes, cela « va modifier les pratiques quotidiennes des professeurs », mais ce genre de technologie ouvre aussi des perspectives et des opportunités nouvelles.
Dans une page intitulée le numérique au service de l’École de la confiance, l’État pense que l’IA pourrait apporter une aide à l’évaluation et à la correction des travaux des élèves, faire des recommandations en matière de contenus ou de ressources, mettre en lumière de « nouvelles informations sur les parcours d’apprentissage des élèves », et même apporter un enseignement et un accompagnement plus personnalisé et adapté à chaque élève.
Compte tenu de la nature du projet, avec la nécessité de capter ou de reconnaître la voix des élèves, mais aussi de traiter potentiellement certaines de leurs données, le ministère de l’Éducation nationale tient à préciser que l’expérimentation d’un assistant vocal pour l’apprentissage de l’anglais à l’oral pour les élèves du 1er degré s’appuie sur un « cadre éthique rigoureux ».
Il existe à ce sujet un comité d’éthique pour les données d’éducation qui est en place depuis octobre 2019, sous la présidence de Claudie Haigneré. Composé de onze membres et rattaché au ministère, il a pour mission d’émettre des avis et recommandations sur l’opportunité de l’utilisation des données d’éducation collectées et traitées dans et en dehors du cadre scolaire.
L’initiative conduite par le ministère, qui est encore très balbutiante, et dont le destin reste à écrire, n’est toutefois pas un projet isolé. L’emploi des nouvelles technologies à des fins éducatives est une pratique déjà ancienne. En 2017 par exemple, le robot Emys a retenu l’attention pour sa capacité à enseigner l’anglais ou l’espagnol à un enfant — mais pas encore les langues fictives, comme le klingon ou le dothraki.
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