Des « analystes du renseignement » chargés de surveiller les tentatives des employés de se syndiquer et de produire ensuite des rapports aux cadres supérieurs de l’entreprise. Voilà ce que l’on pouvait lire dans des offres d’emploi publiées par Amazon, désormais retirées des pages de recrutement du géant du commerce électronique à la suite du tollé qu’elles ont suscité outre-Atlantique.
S’ils avaient été embauchés, ces analystes auraient recueilli des informations sur les « menaces d’organisation syndicale contre la société » et alimenté les actions en justice de la firme contre ces groupes. De plus, il leur aurait été demandé de collecter des informations sur les « leaders politiques hostiles » et de suivre « les financements et les activités sur les campagnes en interne et externes contre Amazon ».
Si les fiches de poste ne sont plus accessibles en ligne, des captures d’écran et des services d’archivage permettent de conserver une trace de ces propositions d’embauche. Les analystes auraient été basés à Phoenix, dans l’Arizona, au sein d’une équipe déjà en place. Celle-ci est décrite comme capable de fournir des renseignements « tactiques et stratégiques de haut niveau » pour le site de e-commerce.
Sollicité pour une réaction, Amazon a fait dire à une porte-parole que le retrait de ces petites annonces était nécessaire, car « la fiche ne décrivait pas correctement le poste. Elle a été faite par erreur et a depuis été corrigée ». Elle a ajouté « qu’aux États-Unis toute personne a le droit de parler et de se réunir avec d’autres pour améliorer ses conditions de vie et de travail ».
Des conditions de travail régulièrement pointées du doigt
Si la découverte de ces petites annonces a suscité l’indignation, elles s’inscrivent en fait dans une politique d’Amazon jugée défavorable à tout début de revendication. Par exemple, deux salariées en poste au siège du groupe à Seattle ont été licenciées en avril 2020, alors que la crise sanitaire s’installait, parce qu’elles avaient lancé une pétition sur les conditions de travail dans les entrepôts de l’entreprise.
Autre exemple caractéristique : en 2018, une vidéo d’Amazon communiquée au personnel de Whole Foods Market (une importante chaîne de magasins bio acquise par Amazon l’année précédente) apparaissait assez distinctement comme une campagne anti-syndicale. Les responsables étaient notamment invités et formés à identifier les « signaux d’alerte » de la création d’un syndicat.
De façon plus générale, rappelle l’AFP, diverses associations aux États-Unis reprochent à Amazon de mettre des bâtons dans les roues de toute personne ou organisation faisant entendre une note discordante par rapport au récit de l’entreprise ou essayant de s’organiser en interne, en vue notamment d’améliorer les conditions de travail de ses employés, qui font l’objet de témoignages accablants.
Ces efforts anti-syndicats n’empêchent toutefois pas les actions d’éclat parmi les salariés pour faire entendre leurs revendications. En 2018, des employés d’Amazon en Espagne, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Italie avaient lancé une grève pour le Black Friday pour exiger la mise en place d’une convention collective et une amélioration de leurs conditions de travail. En 2019, une action similaire avait eu lieu lors du Prime Day.
En France, des tensions entre le personnel et Amazon en pleine crise sanitaire ont conduit à la fermeture provisoire des centres de distribution hexagonaux. Pour les représentants du personnel, Amazon n’avait pas correctement pris la mesure de la situation et la santé des salariés n’était pas assez protégée — des reproches rejetés par le groupe, qui assure avoir distribué tout le nécessaire pour se prémunir du virus.
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