C’est le 3 septembre que le gouvernement a présenté son plan France Relance, soutenu par une enveloppe de 100 milliards d’euros, dont 40 viennent de l’Union européenne. Articulé autour de trois grands axes (écologie, compétitivité et cohésion), ce plan constitue, selon l’exécutif, « une feuille de route pour la refondation économique, sociale et écologique du pays », et de « bâtir la France de 2030 ».
Avec France Relance, le gouvernement a fait le choix de répartir ces fonds à peu près équitablement : 30 milliards d’euros pour la transition écologique, 34 milliards pour la compétitivité et enfin 36 milliards pour la cohésion. Dans le détail, il existe d’importants écarts selon les mesures, les plus modestes n’ayant droit qu’à une aide de 50 millions d’euros, tandis que la plus massive aura droit à 20 milliards.
Cette disparité se retrouve dans le volet numérique de France Relance, qui est en fait un agrégat de diverses actions concernant aussi bien l’État et les territoires, la formation, le déploiement des réseaux télécoms sur le territoire, l’approvisionnement stratégique en électronique ou encore les marchés de demain (cloud, cyber, quantique, intelligence artificielle, etc.). En somme, ça ratisse large.
De la présentation de France Relance, nous avons extrait les neuf principales actions qui ont trait au numérique et que nous résumons ci-dessous.
IA, cloud, quantique : des secteurs d’avenir stratégiques
Liée au quatrième programme d’investissements d’avenir (PIA), cette mesure entend renforcer les positions françaises dans des secteurs d’avenir stratégiques pour sa souveraineté et sa compétitivité,dans des secteurs aussi divers que les capacités industrielles, l’éducation, la culture, la santé et les technologies numériques. En tout, 2,6 milliards d’euros doivent être mobilisés entre 2021 et 2023.
Dans le segment du numérique, sont cités parmi les stratégies d’investissement prioritaires pour l’indépendance économique des domaines comme l’intelligence artificielle, la cybersécurité, les technologies quantiques, la santé digitale ou encore le cloud. Compte tenu de la diversité des secteurs évoqués par le PIA, le numérique n’aura en fait qu’une part de ces 2,6 milliards d’euros.
Concernant spécifiquement la cybersécurité et la technologie quantique, le gouvernement fait savoir que des stratégies spécifiques seront présentées dans les prochaines semaines.
Mais dans le premier cas, il évoque d’une part le doublement du nombre d’emplois (75 000 à terme) et plus du triplement de son chiffre d’affaires (25 milliards d’euros en 2025) et dans dans le second la possibilité d’avoir un prototype complet d’ordinateur quantique généraliste de première génération en 2024, avec 16 000 emplois directs d’ici 2030 dans ce secteur.
Relocalisation : sécuriser les approvisionnements clés
Cela s’est vu avec la crise sanitaire du coronavirus : la France dépendait trop de l’étranger pour son approvisionnement en masques, en médicaments et principes actifs, qui sont nécessaires à leur fabrication. Mais ce qui est vrai pour les produits de santé peut l’être aussi pour des éléments critiques pour l’industrie, l’électronique, les télécommunications et l’agroalimentaire, les quatre autres secteurs identifiés par Paris.
Plus précisément, dans le domaine de l’électronique, il s’agit de diminuer la dépendance de la fabrication électronique française et européenne vis-à-vis des pays tiers, et aussi de développer les filières d’avenir. Il a en effet été constaté que les entreprises françaises dépendaient de l’étranger pour s’approvisionner en circuits imprimés et ainsi produire plus de respirateurs.
Concernant les télécoms, c’est de la 5G dont il s’agit. Les détails sont peu nombreux : il est juste question d’un appel à projets 5G lancé prochainement ,suivi d’autres appels au cours des deux prochaines années. En tout, la mesure sera soutenue par un financement de 600 millions d’euros entre 2020 et 2022, dont 100 millions seront disponibles d’ici la fin de l’année 2020.
Numérisation des TPE, PME et ETI
Le gouvernement désire faire basculer davantage d’entreprises dans le numérique. Si c’est le cas des sociétés les plus grosses, une enquête d’août 2019 montre qu’à peine un tiers (34 %) des dirigeants d’une très petite entreprise (de 1 à 9 salariés) a opéré une bascule dans le numérique ou est en train de le faire. Il s’agit d’un frein à la compétitivité française, estime Paris.
Cette numérisation est à comprendre au sens large. Il peut s’agir d’une PME industrielle investissant dans des outils de robotisation ou de fabrication additive, pour moderniser son outil de production, d’une société acquérant des logiciels ou d’une autre faisant appel à des algorithmes pour optimiser ses processus, mais aussi, plus simplement, de créer un site web pour accroitre sa visibilité.
Pour aider le tissu des petites boîtes, l’État annonce une enveloppe de 400 millions d’euros.
Transformation numérique de l’État et des territoires
Au niveau de la puissance publique, la numérisation doit avoir lieu. L’administration est depuis plusieurs années lancée dans cette bascule, à la fois pour elle-même, mais aussi pour les administrés. Mais, estime Paris, la crise sanitaire a montré que cela n’est pas allé vite ni assez loin. Aussi a-t-il été décidé de réserver une fraction du plan pour continuer la mise à niveau numérique de l’État.
En tout, un milliard d’euros sur la période 2020-2022 sont prévus pour une série de mesures (le dossier de presse évoque même 1,5 milliard d’euros). Il est question d’un renforcement de la cybersécurité (136 millions d’euros), d’un renforcement de la continuité pédagogique dans l’éducation (131 millions) ou encore la poursuite de la dématérialisation des services publics (école, justice, culture).
Parmi les exemples évoqués figurent l’adaptation des administrations au télétravail, la conception de solutions sécurisées de travail à distance, le renforcement de l’accessibilité pour les personnes handicapées ou encore la création d’une identité numérique qui doit permettre de se connecter et de s’authentifier de manière sécurisée aux services publics en ligne.
Abonder les formations des métiers stratégiques
Le gouvernement propose de mobiliser 25 millions d’euros, 5 millions dès cette année et 20 millions l’année prochaine, pour abonder les comptes personnels de formation quand les formations sont en lien avec des métiers stratégiques. Trois secteurs sont concernés : la transition écologique, certains secteurs industriels liés à la souveraineté économique et à la relocalisation de la production, et le numérique.
Le gouvernement précise que la mesure vise un abondement à 100 % du reste à charge d’un dossier de formation (estimation du coût moyen de 1000 €) mobilisé dans le cadre d’un compte personnel de formation si ces formations portent sur des secteurs stratégiques. Au global, l’exécutif souhaite que cela concerne 25 000 personnes d’ici la fin de l’année prochaine.
Développer la formation à distance par le numérique
Le plan prévoit la dépense de 160 millions d’euros en 2021 pour accroître la numérisation de la formation.à 30 000 individus doivent en bénéficier d’ici l’an prochain. Ces formations servent entre autres aux personnes handicapées, à celles qui vivent dans les zones rurales ou dans les territoires ultramarins. 150 formations de ce type existent déjà, précise le gouvernement, qui veut en augmenter le nombre.
En parallèle, 200 millions d’euros sont débloqués pour cette fois aboutir à la création de plateformes de contenus pédagogiques pour les organismes de formation et les centres de formation et la mise à disposition de contenus pédagogiques numérisés gratuits par l’État. Cela doit ainsi moderniser la formation professionnelle, et d’envisager l’usage de la réalité virtuelle, par exemple pour acquérir les bons gestes.
Lutter contre l’illectronisme
On estime qu’il y a dans le pays près de 13 millions de personnes qui ne sont pas familiers du numérique. Le gouvernement, à travers le plan France Relance, tient notamment à accompagner 4 millions d’entre eux vers une « autonomie numérique ». Il est évoqué une dépense de 250 millions d’euros dans les prochains mois pour réduire cet illectronisme, mot-valise pour décrire l’analphabétisme numérique.
Il s’agit d’un enjeu économique : compte tenu de la place toujours plus croissante qu’a le numérique dans la société, ne pas maîtriser les bases de l’outil informatique et n’avoir aucun usage du numérique est gravement préjudiciable. Sans parler des effets sur le plan personnel, où l’on peut très vite se retrouver isolé — ce qu’a montré le confinement, où le net était le seul lien social qui demeurait .
Selon les évaluations de France Stratégie, la formation de 5 millions de Français éloignés du numérique en 3 ans générera plus de 1,4 milliard d’euros de retombées économiques y compris en termes de pouvoir d’achat. Outre l’autonomie retrouvée pour ces personnes, le gouvernement évoque par ailleurs la création de milliers d’emplois directs et indirects sur le territoire.
Poursuite du plan France Très Haut Débit
Pour que le numérique existe, il lui faut un réseau sur lequel circuler. Et un réseau fiable et performant. Le gouvernement entend donc rajouter quelques centaines de millions d’euros (240, très précisément) dans le plan France Très Haut Débit, qui a été lancé en 2013, et qui vise donc à couvrir la totalité du territoire en très haut débit — au moins 30 Mbit/s. Cette échéance est visée pour la fin 2022.
Ce plan a fait l’objet de nombreuses discussions ces dernières années, en particulier sur la nature de la technologie utilisée pour fournir ce très haut débit. Dans la présentation de France Relance, le gouvernement réaffirme son intention d’un déploiement à 100 % en fibre optique jusqu’à l’abonné, sur l’ensemble du territoire. Mais pour y parvenir, il faudra attendre fin 2025. D’ici là, des alternatives, comme la 4G seront mobilisées.
La délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle a évalué en juillet 2020 que le choix d’une installation systématique de la fibre optique sur le territoire a un effet mécanique positif sur la création d’emplois directs, avec près de 7 000 nouveaux postes créés entre 2020 et 2022 et un maintien du niveau d’emploi dans ce secteur des réseaux (environ 25 000) jusqu’en 2024.
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