14 notifications avaient été envoyées par StopCovid au bout de trois semaines d’utilisation, d’après Cédric O, le secrétaire d’État en charge du numérique. 72 à la date du 20 août, selon la Direction générale de la santé. Et aujourd’hui ? Il y en aurait moins de 200, au bout de trois mois de disponibilité de l’application. C’est ce que rapporte le comité de contrôle et de liaison Covid-19 (CCL-Covid) dans un avis rendu le 15 septembre.
C’est un nombre « dérisoire », commente l’instance, qui ne précise pas d’où elle le tient. L’avis du CCL-Covid, qui a été signalé par le journaliste Émile Marzolf sur Twitter, donne par ailleurs d’autres statistiques autour de l’application mobile de traçage des contacts, qui a fait ses débuts officiels en France le 2 juin, notamment du côté des désinstallations, qui s’élèveraient au moins à 700 000.
Le CCL-Covid est une structure qui a été demandée par les parlementaires. Son rôle est « d’évaluer l’apport réel des outils numériques à leur action, et de déterminer s’ils sont, ou pas, de nature à faire une différence significative dans le traitement de l’épidémie » et de « vérifier tout au long de ces opérations le respect des garanties entourant le secret médical et la protection des données personnelles ».
Le CCL-Covid rassemble 13 membres : quatre parlementaires (deux députés et deux sénateurs), deux membres de l’association France Assos Santé et un membre à chaque fois venant de la Commission nationale de biologie médicale, du Conseil national du numérique, du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, de la Société française de santé publique, de la Conférence nationale de santé, du Conseil national de l’ordre des médecins et du Conseil scientifique Covid-19.
L’app est loin du taux d’adoption jugé pertinent pour son efficacité
« Il ressort des données actuellement disponibles que l’application n’a été téléchargée qu’environ 2,4 millions de fois ». Il ne s’agit pas d’une information totalement nouvelle. Le 30 juillet, Cédric O avait fait savoir que StopCovid avait été téléchargée entre 2 et 2,5 millions de fois. Mais pour le CCL-Covid, ce chiffre est « peu significatif », puisqu’il y aurait donc au moins 700 000 désinstallations du programme.
« Plusieurs milliers de personnes n’ont pas activé l’application, l’ayant téléchargée mais ne la consultant jamais »
On savait déjà que les suppressions du logiciel étaient importantes. Le 23 juin, lors du point d’étape tenu par Cédric O après trois semaines de disponibilité de StopCovid, il a été indiqué que 460 000 désinstallations avaient déjà été comptabilisées, sur 1,9 million de téléchargements à l’époque. Le secrétaire d’État évoquait alors un rythme de « plusieurs dizaines de milliers de désinstallations par jour ».
Par ailleurs, poursuit le comité de contrôle et de liaison, « plusieurs milliers de personnes n’ont pas activé l’application, l’ayant téléchargée mais ne la consultant jamais ». Il n’est pas clair s’il s’agit d’une estimation grossière, en tenant compte de la curiosité passagère du public pour StopCovid, ou si cette appréciation se base sur des données précises — l’avis ne mentionne pas de sources pour ces chiffres.
Compte tenu des suppressions d’une part et de l’absence d’utilisation d’autre part de l’application même si elle est toujours sur le smartphone, il est très difficile de connaître précisément le taux d’usage effectif de StopCovid. L’avis du CCL-Covid n’avance aucune donnée là-dessus. Cependant, le faible nombre de notifications de cas contacts conforte l’idée d’un désintérêt général pour le programme.
De nombreux prérequis pour que l’app fonctionne efficacement
Ce n’est pas le seul facteur qui entre en ligne de compte : pour que l’application donne des résultats, il faut qu’elle satisfasse au préalable une ribambelle de prérequis : posséder un smartphone (ce n’est pas le cas d’un quart des Français), connaître l’application, vouloir s’en servir, l’avoir installée, s’assurer qu’elle est bien active (ce qui requiert, selon le CCL-Covid, de l’ouvrir au moins une fois par mois), entrer dans les critères de détection (moins d’un mètre pendant au moins quinze minutes), avoir une liaison Bluetooth fonctionnelle, faire un test de dépistage n’étant pas un faux négatif, se déclarer malade à son médecin et avoir l’autorisation de se déclarer comme tel dans l’application, via un code à inscrire.
Si l’on retranche ces 7000 00 désinstallations des 2,4 millions de téléchargements, cela veut dire que StopCovid ne touche que 2,5 % des 67 millions d’habitants que compte la France — et en étant dans un scénario optimiste où un téléchargement équivaut à un usage effectif. Et même en gardant une fourchette très haute de 2,4 millions de téléchargements, on ne reste qu’à 3,7 %.
« À partir de 10 % de personnes qui l’utilisent dans un bassin de vie, StopCovid a une efficacité systémique pour diminuer la diffusion de l’épidémie », indiquait Cédric O dans une interview au Figaro du 25 mai. Par la suite, Cédric O s’est abstenu de définir un seuil d’efficacité, préférant faire observer que StopCovid devient utile dès les premiers téléchargements.
Le comité de suivi et de liaison n’adhère pas à cette thèse. Plus exactement, il s’appuie sur des retours de spécialistes qui indiquent que, pour que StopCovid « soit réellement utile », il faudrait qu’elle soit téléchargée « par au moins 30 à 40 % de la population, même si certains situent ce seuil à 20 % ». Dans tous les cas de figure, on en est loin : il faudrait multiplier l’usage par dix ou vingt.
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