Vous souhaitez que l’Assemblée nationale s’empare d’un sujet qui vous est cher ? Depuis le 1er octobre 2020, il vous est possible de lancer une pétition directement sur le site de la chambre basse du Parlement et, si vous récoltez assez de signatures dans le délai imparti, de la faire examiner par les députés. En fonction de son succès, elle pourra être débattue en commission ou bien être discutée en séance.
Le Sénat possède aussi sa propre plateforme, qui est opérationnelle depuis janvier 2020.
L’outil proposé par l’Assemblée nationale s’inscrit dans une démarche de civic tech, en permettant à la population de s’impliquer davantage dans les débats et d’influer sur la prise de décision politique en profitant des atouts du numérique. Le projet, en gestation depuis des mois, s’appuie sur le module « Initiatives » de Decidim, un logiciel libre et open source, ainsi que FranceConnect.
Comment ça marche ?
Il s’agit d’un portail d’accès qui permet de se connecter à plus de 700 services publics, via à un système de connexion centralisé. En utilisant par exemple son identifiant et son mot de passe pour le site des impôts, il est possible de visiter son compte Ameli de l’assurance maladie ou bien sur le site ANTS s’occupant de la carte grise, du permis de conduire, du passeport ou bien de la carte d’identité.
L’authentification via FranceConnect est requise pour deux raisons :
- D’abord, il faut que les services de l’Assemblée nationale soient en mesure de contacter la personne ayant déposé une pétition qui serait examinée par les députés. Les informations recueillies dans ce cadre incluent le prénom, le nom, le mail et l’adresse postale. De plus, le prénom et le nom sont rendus publics sur l’espace réservé aux pétitions. Cela se justifie aussi par le fait que la citoyenneté s’exerce à visage découvert.
- Ensuite, FranceConnect vise à empêcher des coups de force. En clair, chaque pétition a ainsi l’assurance de n’être signée qu’une seule fois par la même personne, et pas par un petit malin multipliant les paraphes et les mails jetables. Il est précisé qu’aucune donnée personnelle n’est conservée ici. La liste des soutiens n’est par ailleurs pas publiée pour préserver l’anonymat des individus.
Quel est le parcours d’une pétition ?
Le dépôt d’une pétition n’est que la toute première étape de son parcours, qui peut d’ailleurs échouer si son auteur ne respecte pas un certain nombre de conditions préalables. Cela inclut une rédaction en français, le respect de la vie privée et de la présomption d’innocence, l’absence de prosélytisme ou de propagande, ou bien les attaques à l’égard d’un tiers ou d’un groupe de personnes.
Si la pétition est jugée recevable, elle est enregistrée et attribuée à l’une des commissions spécialisées, selon son thème : affaires sociales, affaires étrangères, affaires économiques, affaires culturelles et éducation, défense nationale et forces armées, développement durable et aménagement du territoire, finances, économie générale et contrôle budgétaire, ou lois constitutionnelles, législation et administration générale.
En commission, les membres peuvent alors débattre du sujet et désignent un rapporteur pour explorer le sujet. Si le rapporteur accepte d’examiner le contenu de la pétition, celle-ci continue de suivre son cours. Des auditions peuvent être menées, y compris de ministres, et, éventuellement, le ou les auteurs de la pétition peuvent être associés aux travaux — d’où l’intérêt d’avoir leur identité.
Un rapport est produit, incluant le texte de la pétition et le compte rendu des débats.
En parallèle, si la pétition recueille plus de 100 000 signatures, alors elle bénéficie d’une visibilité accrue sur le site de l’Assemblée nationale, dans une rubrique dédiée. Si par contre elle dépasse la barre des 500 000 soutiens, domiciliés dans 30 départements ou collectivités d’outre-mer au moins, ce n’est plus en commission que la discussion a lieu, mais en séance publique.
L’accès à l’hémicycle n’est toutefois pas automatique : outre le critère des 500 000 signatures, il faut aussi qu’une demande soit formulée par le président de la commission concernée, par le président d’un groupe politique ou bien par un député. Mais là encore, il n’y a aucune garantie : le fin mot de l’histoire revient à la Conférence des présidents.
Qu’advient-il des pétitions ?
Compte tenu des nombreuses exigences imposées tout au long du parcours potentiel d’une pétition, l’Assemblée nationale ne devrait pas en voir très souvent en séance. Ce devrait par contre être moins le cas dans les commissions spécialisées, puisque les obstacles sont moins nombreux à franchir. La commission garde toutefois la possibilité de classer une pétition, sans possibilité de recours.
Il n’existe également appel à un rejet de la Conférence des présidents, malgré le succès populaire que rencontrerait une pétition. Si une pétition dépasse par ailleurs les 100 000 signatures, elle dispose d’un an pour essayer d’accroitre son nombre de soutiens pour essayer de percer en séance. Il n’est pas précisé ce qu’il advient des pétitions échouant à cette tâche, mais il est possible qu’elles perdent leur visibilité.
Enfin, les pétitions deviennent automatiquement caduques à la fin d’une législature, c’est–à-dire lorsque de nouvelles élections législatives prennent place — ce scrutin survient tous les cinq ans. Toutes les pétitions sont alors fermées et archivées, mais restent visibles. Rien n’interdit toutefois de retenter sa chance à la législature suivante, en faisant le pari que les nouveaux députés seront plus sensibles à telle ou telle requête.
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