En début d’année 2020, l’hebdomadaire Télérama affichait une photo de la DJ et activiste Barbara Butch à sa une. « Pourquoi on rejette les gros ? », pouvait-on lire en grand. Un titre qui annonçait le dossier central de ce numéro. Cette couverture, Instagram a décidé de la censurer à sa parution, car Barbara Butch y pose nue. Bien qu’elle se cache en partie les seins avec son bras, rien n’y fait : Instagram considère qu’il s’agit de breast squeezing, une pratique supposément interdite sur la plateforme.
La photo de la couverture est censurée et le compte de Barbara Butch sera même un temps supprimé, avant d’être remis en ligne par Instagram, qui s’est excusé dans la foulée. Pourtant, depuis, rien n’avait changé, et les comptes de certaines activistes continuaient de critiquer les règles de modération du réseau social.
Depuis le 28 octobre 2020 toutefois, Instagram dit avoir mis à jour sa règle sur la nudité. Sauf que le nouveau règlement reste pourtant globalement inchangé.
Éviter les « erreurs de modération »
La seule « pratique » à être en partie amendée, assure le réseau social, serait celle du « breast squeezing », celle qui aurait valu à Barbara Butch de se faire censurer. Le breast squeezing, tel que défini par Instagram, est « le fait de se presser très fort les seins », ce qui serait associé à une pratique pornographique, est-il expliqué dans un communiqué de presse envoyé le 28 octobre 2020. La plateforme indique s’être rendu compte que cette règle n’était pas « correctement appliquée », ce qui aurait donné lieu à des erreurs de modération, qui visaient principalement les membres de la communauté « plus-size ».
Dorénavant, Instagram autorisera donc les photos de personnes « cachant leur poitrine en la tenant, la couvrant ou en croisant les bras », même si le breast squeezing restera interdit. Dans les faits, pour qu’une photo soit considérée comme du breast squeezing, « il faudra plier les doigts en un mouvement de pression, ce qui entraînera un changement de forme des seins ». La frontière peut cependant être mince, comme l’a remarqué la journaliste Lucie Ronfaut, qui écrit pour Numerama la newsletter Règle30.
Instagram note cependant que si les modérateurs ont des doutes sur le caractère de la photo, « il leur sera demandé de laisser le contenu ».
Certaines photos seront toujours censurées
Mais malgré une mise à jour de sa modération alambiquée et la volonté d’Instagram de « promouvoir la diversité », certains photos seront toujours censurées. La plateforme explique que « la mise à jour peut prendre du temps pour être appliquée », et qu’il faut donc s’attendre à un délai, et indique qu’elle ne « peut promettre qu’aucune erreur de modération sur le breast squeezing n’arrivera plus jamais ».
En effet, une grosse partie de la modération sur Instagram est faite par des algorithmes, qui connaissent invariablement des biais. La semaine dernière, le réseau social censurait la publication de la comédienne australienne Celeste Barber, parce que l’algorithme aurait détecté « trop de peau », et en aurait conclu que la photo avait un caractère pornographique. Pourtant, la photo de gauche qu’elle imitait, celle d’une femme très mince qui posait exactement de la même manière, n’avait pas été censurée par Instagram.
Barbara Butch a été la première a annoncer la nouvelle, dès le mardi 27 octobre, sur son compte Instagram. La plateforme l’a d’ailleurs remerciée personnellement dans un communiqué de presse, que nous avons pu consulter, pour « son honnêteté sur son expérience sur Instagram, et pour nous avoir aidé à nous rendre compte de nos erreurs ».
Les explications sur la modération d’Instagram et les changements étaient demandés depuis déjà quelques années. Les règles étaient jusque à présent souvent incompréhensibles pour les utilisateurs et utilisatrices du site, qui dénonçaient par ailleurs le double discours de la plateforme et sa tendance à censurer en majorité les corps gros, et les personnes de couleur. Le communiqué de presse sur le breast squeezing est l’une des toutes première fois où le réseau social s’exprime publiquement sur ses méthodes de modération, ce qui représente un événement majeur et une victoire pour les activistes demandant plus de transparence.
Reste que le problème du breast squeezing n’est que la partie immergée de l’iceberg : rien n’a encore été annoncé pour le reste de son règlement sur la nudité, ou concernant les photos de tétons féminins, ou encore représentant du sang menstruel. Surtout, il n’existe encore aucune mesure pour remédier aux nombreux problèmes dont souffrent les utilisateurs de couleur.
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