Les fêtes de fin d’année risquent d’avoir un drôle d’arrière-goût pour Amazon. Déjà vilipendée par les politiques et les commerçants, qui l’accusent de ne pas subir la même rigueur du confinement que les boutiques, de profiter de la crise sanitaire pour marquer des points dans la vente en ligne et de ne pas contribuer assez à l’économie, la plateforme américaine fait maintenant face à deux nouveaux problèmes.
D’abord, un appel à la grève illimitée lancé le 10 novembre 2020 par un personnel qui peine de plus en plus à tenir par les cadences infernales du site de e-commerce — même si, selon la direction, le chiffre d’affaires du groupe devrait augmenter de 20 % cette année, et semble plutôt sereine face aux risques de débrayage dans ses entrepôts. Mais ensuite et surtout, l’entrée en scène de la Commission européenne.
Accès et utilisation de données non publiques
Bruxelles vient en effet d’annoncer mardi 10 novembre une « communication des griefs » à Amazon. Concrètement, le géant du net est accusé « d’utiliser systématiquement les données commerciales non publiques des vendeurs indépendants actifs sur sa place de marché au bénéfice de sa propre activité de vente au détail, qui est en concurrence directe avec celle de ces vendeurs tiers ».
Sur son site, Amazon vend des produits aux internautes, en concurrence avec d’autres, mais elle fournit aussi une place de marché sur laquelle des vendeurs tiers peuvent aussi écouler leurs produits au public. Dans ce second cas, elle agit en tant qu’hébergeur. Or, elle en profiterait aussi pour accéder à des données confidentielles,
Selon la Commission, cela concerne le nombre d’unités de produits commandées et expédiées, les recettes des vendeurs sur la place de marché, le nombre de visites sur les offres des vendeurs, les données relatives aux expéditions, aux performances passées des vendeurs et à d’autres réclamations des consommateurs sur les produits, notamment les garanties activées.
L’accusation n’est pas tout à fait nouvelle. Elle était apparue ce printemps aux États-Unis, à la suite d’une enquête du Wall Street Journal. À l’époque, l’entreprise avait rétorqué avoir lancé une enquête interne, mais rejeté dans le même temps les témoignages collectés par le journal, les qualifiant d’inexacts, affirmant ne pas se servir de ces éléments pour servir son propre intérêt.
Des dénégations qui de toute évidence n’ont pas eu de prise sur Bruxelles. Elle estime au contraire qu’Amazon « enfreint les règles de l’Union européenne en matière de pratiques anticoncurrentielles en faussant la concurrence » dans la vente en ligne. De cette façon, Amazon « [évite] les risques normaux de la concurrence ». Sont concernés les marchés allemand et français, ajoute Bruxelles.
« Les données relatives à l’activité des vendeurs tiers ne devraient pas être utilisées au bénéfice d’Amazon lorsque celle-ci agit en tant que concurrente de ces vendeurs. Les conditions de concurrence sur la plate-forme d’Amazon doivent également être équitables », commente Margrethe Vestager, la commissaire à la concurrence, qui a au fil des ans multiplié les dossiers contre les géants du net.
Pour sa part, Amazon rejette en bloc les affirmations de la Commission européenne. « «Nous mettrons tout en œuvre pour que celle-ci ait une parfaite compréhension des faits », déclare l’entreprise, en soulignant que sa société « représente moins de 1 % du commerce de détail mondial », et que dans tous les pays où elle opère, il existe des distributeurs « bien plus importants ».
L’entreprise tient aussi à souligner l’effet positif qu’elle a sur le tissu économique, tout particulièrement en Europe, et cela depuis une vingtaine d’années. « Plus de 150 000 entreprises européennes vendent par l’intermédiaire de nos boutiques. Elles génèrent des dizaines de milliards d’euros de revenus annuels et ont créé des centaines de milliers d’emplois », insiste le groupe.
Pour l’heure, cette communication des griefs n’entraîne aucune sanction contre Amazon. L’entreprise a la possibilité de répondre par écrit à ces accusations en adressant toutes les informations qu’elle jugera bonnes pour se défendre. Rien ne dit à ce stade qu’une amende sera prononcée à l’issue. Cependant, celle-ci pourrait atteindre des dizaines de millions d’euros — et peut-être plus — dans le cas contraire.
(mise à jour avec la réaction d’Amazon)
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