Gérald Darmanin persiste, signe, et va même de plus en plus loin dans son opposition à la diffusion d’images de policiers en mission sur les réseaux sociaux. Dans une très longue interview accordée au Parisien le 14 novembre 2020, le ministre de l’Intérieur a répondu de manière cinglante aux questions du média l’interrogeant sur la proposition de loi dite « Sécurité Globale », très controversée, et qui est étudiée à l’Assemblée nationale à partir de ce mardi 17 novembre.
Il y laisse entendre que sa position concernant sur le sujet est encore plus sévère que celle que l’on peut lire dans l’article 24 de la proposition de loi, qui est portée par Jean-Michel Fauvergue, l’ex-patron du RAID, et qui vise à punir la diffusion en ligne de vidéos des visages des forces de l’ordre.
« Pourquoi publier ça sur les réseaux sociaux ? Twitter ou Facebook ne sont pas supérieurs à l’autorité judiciaire. Mais les vidéos diffusées servent le plus souvent à faire de la manipulation, à déstabiliser la police et donc la République », a-t-il déclaré, usant d’une généralisation elle-même inquiétante, qui laisse entendre que la majorité des internautes qui publient des vidéos de policiers en ligne seraient motivés par l’envie de leur nuire.
Ce n’est pas la première fois que le ministre de l’Intérieur émet ce genre de commentaires : le 9 novembre, en commission des lois à l’Assemblée nationale, il avait déjà décrit les passants qui filment les forces de l’ordre en action comme étant habités par des motivations néfastes, faisant des « gros plans de pression » (sic), parfois en « les insultant ». Il avait également affirmé que les passants seraient mieux avisés d’« aider » les policiers, comme « c’était encore le cas il y a 15 ou 20 ou 30 ans ».
Qu’est-ce qu’une volonté « malveillante » ?
« Il sera impossible de diffuser ces vidéos de manière malveillante, sinon vous serez sanctionné », assure également Gérald Darmanin. Cependant, lorsque le Parisien l’interroge sur ce qui définit une « volonté malveillante », le ministre botte en touche : « C’est incroyable cette société dans laquelle on pense que les policiers sont les agresseurs », assène-t-il, sans répondre à cette notion qui est pourtant cruciale. Si le mot « malveillant » n’est pas inscrit dans la proposition de loi, on peut toutefois y lire que devra être interdit « le fait de diffuser (…) dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification » d’un policier ou gendarme en fonction.
Or rien n’est inscrit pour définir ce qui peut entrer ou non dans le fait de porter atteinte à « l’intégrité physique ou psychique », et c’est un des éléments qui inquiète de nombreux observateurs, ainsi que des collectifs de journalistes, la Défenseure des droits, et même des syndicats de police.
Depuis quelques années en France, de nombreux exemples sont pourtant venus montrer l’importance du droit à filmer des officiers en service. L’affaire Benalla est l’une des plus célèbres, mais on peut également citer la mort de Cédric Chouviat, la chute de Geneviève Legay, qui a également failli mourir, le jet d’une pierre par un CRS en direction de manifestants, ainsi que de nombreux actes de violences policières, comme des tirs de LDB en pleine tête ou le gazage lacrymogène de manifestants déjà arrêtés. Nos confrères de FranceInfo ont également rassemblé « neuf affaires impliquant les forces de l’ordre dans lesquelles la vidéo a joué un rôle clé ».
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