« Est-ce que tu as ton masque Stop Amazon ? », demande une militante à une autre, en lui tendant un exemplaire. Il fait très froid ce vendredi 4 décembre, mais devant l’entrée du ministère de l’Économie et des Finances, à Paris, un petit groupe de personnes s’active. Il est à peine 9h du matin lorsqu’une dizaine de personnes se mettent à sortir des échelles et des piles de cartons Amazon d’une camionnette utilitaire, garée juste à côté de l’entrée de Bercy.
Très vite, des militants installent sur le parvis des empilements de cartons portant le symbole d’Amazon, un sourire. Ils sont tous placés à l’envers, comme plein de petites grimaces sur la place. D’autres activistes installent une bannière indiquant un « changement de propriétaire » sur le bâtiment, représentant un Jeff Bezos souriant et un Emmanuel Macron complice. La plaque indiquant l’entrée du ministère est recouverte d’une affiche, indiquant qu’il s’agit de la « direction exécutive d’Amazon ».
Les personnes présentent portent des t-shirts jaunes, verts et rouges, aux couleurs des associations Attac, Les Amis de la Terre, et Action Non Violente Cop21, les organisateurs de cette action. Aujourd’hui, dans une dizaine de villes en France, à l’occasion du Black Friday, des dizaines de manifestations ou événements similaires ont lieu avec un seul mot d’ordre : il faut « arrêter Amazon ».
« Il faut faire payer Amazon »
À Paris, ils ne sont pas très nombreux : une grosse vingtaine de manifestants à peine… pour autant de journalistes. Ils courent sur le petit parvis en face de l’entrée du ministère, cartons et rouleaux de scotch à la main, multiplient les allers-retours. Le vent souffle, renversant les murs de cartons déjà en place. Plusieurs personnes s’installent derrière l’un deux, afin de le retenir pendant que les organisatrices prennent la parole. Ils ne sont pas nombreux, mais ils sont là pour faire passer un message : « il faut faire payer Amazon » .
Alma Dufour, de l’association Les Amis de la Terre, Sandy Olivar Calvo, la porte-parole de l’association ANV-Cop21 et Annick Coupé, la secrétaire générale d’Attac France, prennent tour à tour la parole, égrenant la longue liste des problèmes posés par le système Amazon : destruction des emplois, concurrence déloyale, fraude fiscale, pollution… « Une machine à broyer les petits commerces », résume Alma Dufour.
Mais les personnes présentes sur la place sont surtout venues critiquer l’attitude du gouvernement par rapport à la multinationale, jugée trop permissive. « Si on est devant Bercy ce matin », explique Annick Coupé, « c’est parce que ce gouvernement déroule un tapis rouge à Amazon ». Elle dénonce notamment le fait qu’il n’y ait encore aucun moratoire sur la construction des entrepôts pour les sites de e-commerce, « alors que c’était une des propositions de la Convention citoyenne pour le Climat. C’est un discours un peu schizophrène de la part du gouvernement, parce que d’un côté ils appellent les Français à ne pas faire leurs courses sur Amazon, mais de l’autre ils soutiennent Amazon en permettant la construction des entrepôts ».
La Convention Citoyenne pour le Climat avait en effet inclus dans ses propositions au gouvernement un moratoire sur la construction de zones commerciales et sur les entrepôts de site de ecommerce.
« Une bataille du quotidien »
« Quatorze projets d’entrepôts Amazon ont été autorisés en moins d’un an en France », poursuit Alma Dufour. « Il y a un problème majeur de cohérence. Le gouvernement a une politique ultra répressive quand il s’agit du droit social et des libertés publiques, mais quand il s’agit d’Amazon, de l’économie et d’ultra libéralisme, que fait le gouvernement ? C’est la politique du flashball face aux citoyens et du numéro vert face à Amazon.»
Sur le parvis, parmi les militants, trois femmes politiques se sont jointes à l’action contre Amazon. La maire (EELV) du 12ème arrondissement parisien Emmanuelle Pierre-Marie estime que l’entreprise est « le chantre de la surconsommation et de l’exploitation », un modèle économique qu’elle dénonce « depuis des années ». « Il faut continuer de lutter contre ça », estime-t-elle, « c’est une bataille du quotidien pour les élus et les militants mais aussi en tant que citoyen ». À côté d’elle se trouvent Manon Aubry et Leila Chaibi, toutes les deux députés européennes (LFI).
« On les fera tous tomber »
Leila Chaibi a commencé à s’intéresser au problème Amazon pendant le premier confinement, lorsqu’elle est sollicitée par le syndicat Sud Commerce pour soutenir des travailleurs d’Amazon lors de leur dépôt de plainte contre leur direction. « On a écrit à Amazon Europe après coup pour savoir si la situation était la même qu’en France au niveau du respect des gestes barrières », explique-t-elle. Depuis, pour elle, « c’est au niveau législatif qu’il faut stopper Amazon, en signant un moratoire sur les entrepôts au niveau européen. Mon rôle c’est pas de dire aux gens d’arrêter d’acheter, mon job c’est de voir comment on peut faire en sorte qu’Amazon paie sa TVA en passant par des lois. C’est une question politique, parce que c’est Bercy les responsables, c’est pas les consommateurs qui vont acheter sur Amazon parce que c’est 20% moins cher. »
L’action et les discours se finissent rapidement. La sécurité du bâtiment commence à sortir, à inspecter les cartons laissés là par les manifestants. Beaucoup sont tombés à cause du vent, mais la banderole tient toujours, solidement accrochée à deux fenêtres. Les activistes quittent les lieux aussi vite qu’ils sont arrivés. Restent seulement les journalistes et les organisatrices, qui accordent les dernières interviews. Elles l’ont garanti : à chaque nouveau projet d’entrepôt d’Amazon en France, elles seront là. « On les fera tous tomber, un à un, parce que si le gouvernement n’agit pas nous on peut le faire », promet Alma Dufour. « Ils nous trouveront toujours sur leur route, avec de plus en plus de citoyens et de citoyennes », conclut Annick Coupé.
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