Une vidéo publiée le dimanche 3 janvier sur Instagram à propos d’un salon de coiffure a créé la polémique sur les réseaux sociaux, et l’embarras pour le cabinet de Marlène Schiappa. Les proches de la ministre ont nié son existence, ou expliqué qu’il s’agissait d’un « faux post ». Son avocat a ensuite réfuté tout « placement de produit » ou « post sponsorisé ». Mais que s’est-il passé ?

Le dimanche 3 janvier, en début de soirée, @Dalilboubakeur, un utilisateur de Twitter, publie sur son compte une vidéo. C’est une capture vidéo de son téléphone, sur laquelle on peut voir une femme, de dos, balayer ses cheveux au ralenti.

La vidéo, qui proviendrait du compte Instagram de Marlène Schiappa, a pour légende un message destiné aux équipes d’un salon de coiffure, ANS Brasil, que la ministre remercie pour un « lissage qui répare les cheveux » et qui pourrait « lui permettre de gagner de précieuses minutes avant chaque matinale [de radio, ndlr].»

La publication qui apparait dans la vidéo de @Dalilboubakeur n’a pas pu être retrouvée par la rédaction de Numerama : si la vidéo a l’air de provenir du compte Instagram de la ministre, celui-ci a depuis été mis en privé, ce qui fait que nous ne pouvons pas avoir accès à ses photos ou vidéos.

Son authenticité n’a pour l’instant pas été officiellement confirmée par la ministre. Son « entourage » aurait même précisé au journaliste Lucas Burel qu’il s’agissait d’un « faux post », qui n’aurait rien à voir avec la ministre. Le Figaro dit avoir reçu la même réponse: « Nous maintenons formellement le démenti. C’est un fake. Si on peut éviter de relayer ce genre de choses qui lui vaut une dizaine d’insultes…» Réfutant donc l’existence même de cette publication… qui a pourtant été vue par de nombreux internautes et capturée en vidéo.

Néanmoins, plusieurs questions persistent :  s’agit-il vraiment d’un faux post ? Qu’est-ce qu’un « faux post », exactement ? Et si cette publication n’a pas existé, alors pourquoi la ministre a-t-elle passé son compte en privé ?

Surtout, que s’est-il passé sur le compte Instagram de Marlène Schiappa ?

Pourquoi cette vidéo pose-t-elle problème ?

Si l’affaire a pris tant d’ampleur, ce n’est pas parce que la ministre aurait publié une simple vidéo de ses cheveux, mais qu’elle aurait fait la promotion (directe ou indirecte) d’un salon de coiffure en le remerciant publiquement, et en mentionnant son compte Instagram à ses 40 000 abonnés. Une telle vidéo pourrait donc rapporter des abonnés, et donc de l’argent, au salon.

Il est important de rappeler qu’on ne sait pas si Marlène Schiappa a été rémunérée pour cette publication —  tout porte à croire ce que ce n’était pas le cas — ou s’il s’agissait d’une publicité effectuée à titre gracieux, en tant que cliente satisfaite des services d’un salon de coiffure. Toutefois, vu que la publication aurait émané de son compte officiel public, il est difficile de considérer qu’aucun lien ne puisse être fait avec sa fonction.

Les placements de produits rémunérés sont, d’ailleurs, interdits pour les ministres. « L’exercice d’une activité professionnelle privée, y compris libérale, est également interdit aux membres du gouvernement », explique le site Vie Publique.

La ministre déléguée en charge de la Citoyenneté mène la nouvelle offensive contre l'islamisme sur les réseaux sociaux. // Source : CCO/Wikipedia

La ministre déléguée en charge de la Citoyenneté mène la nouvelle offensive contre l'islamisme sur les réseaux sociaux.

Source : CCO/Wikipedia

Marlène Schiappa est bien cliente du salon de coiffure en question

Joint par la rédaction de Numerama, le propriétaire du salon a confirmé que Marlène Schiappa était une cliente. « Madame Schiappa en tant que cliente a toute liberté pour publier sans demander mon accord ou m’en prévenir. C’est le cas pour toutes nos clientes qui publient de manière spontanée suite à leur passage pour exprimer leur satisfaction.»

Ce n’est pas la première fois que Marlène Schiappa utilise les réseaux sociaux pour promouvoir des commerces français. Comme le souligne @Dalilboubakeur et d’autres internautes, la ministre avait déjà publié sur son compte Twitter, en septembre 2020, un message vantant les mérites de masques fabriqués en Corse, en disant qu’elle était « heureuse d’encourager la créativité et l’action citoyenne ».

Il est toutefois possible de considérer que cette précédente publication avait un lien avec la lutte contre la crise sanitaire (d’où « l’action citoyenne » mentionnée dans le tweet de la ministre), ce qui est plus difficile à trouver du côté d’une publication pour promouvoir un produit pour l’entretien des cheveux.

La promotion des commerces français peut faire partie des attributions de certains ministères, comme celui des Affaires Étrangères. Une telle activité ne fait cependant pas partie des attributions de Marlène Schiappa, qui agissait déjà en septembre en tant de ministre déléguée en charge de la Citoyenneté.

Dans un communiqué, l’avocat de la ministre a toutefois indiqué que celle-ci « dément[ait] tout recours à un placement de produit ou post sponsorisé sur Instagram », ne faisant toutefois cette fois plus référence à une quelconque « fausse publication ».

Pourquoi la réaction de la ministre pose problème ?

On ne sait toujours pas ce qu’il s’est vraiment passé sur le compte Instagram de Marlène Schiappa ce dimanche. Si les proches de la ministre assurent qu’il s’agit d’un « faux post » (sans expliquer ce que cela signifierait), des internautes ont relevé des similarités entre le bureau de Marlène Schiappa et le lieu où la vidéo a été prise.

Autre détail relevé sur Twitter : la ministre est abonnée au salon de coiffure en question sur Instagram, une information que Numerama a pu vérifier.

Quoi qu’il en soit, la véracité de la vidéo n’est pas le fond du problème : c’est surtout la réaction de la ministre qui interroge. S’il s’agit bel et bien d’un « faux post », cela veut-il dire que le compte Instagram a été hacké ? Si oui, cela pose des questions de sécurité importantes, qui mériteraient d’être adressées publiquement.

La ministre se serait-elle trompée en postant sur son compte officiel au lieu de le faire sur son compte privé ? Dans ce cas là, pourquoi ne pas avoir simplement supprimé la vidéo en question, en expliquant la méprise ? Est-ce pour éviter la polémique que le compte Instagram de Marlène Schiappa a été passé en privé, ou bel et bien pour éviter une vague de cyberharcèlement (un comportement condamnable et puni par la loi) ?

Le fait que l’entourage de la ministre ait nié au moins à deux reprises (auprès de l’Obs et du Figaro) l’existence de cette publication soulèverait en tout cas de nombreuses questions, s’il s’avérait que cette publication ait bien existé, ce que tout semble bien montrer.

Le compte Twitter @Avec_Marlene à la rescousse

Autre sujet préoccupant : le compte Twitter de @Daliboubakeur a-t-il été restreint quelques heures hier soir, comme il l’explique, à cause de « trolls LREM » ? Il en est en tout cas persuadé. Joint par Numerama, il raconte que son compte a été tout d’un coup bloqué, quelques heures seulement après qu’il a publié la vidéo. Un compte est temporairement limité sur Twitter quand il est « susceptible d’avoir enfreint les Règles de Twitter », est-il indiqué dans les conditions d’utilisation du site. Un tel message signifie que le compte de @Dalilboubakeur a été massivement signalé.

Un autre compte revient pourtant dans cette histoire : il s’agit d’@avec_marlene, qui a tweeté plusieurs fois dimanche afin de disculper la ministre. Sa participation n’est pas anodine : Libération avait en effet révélé en 2018 que le compte Twitter @avec_marlene était géré par des membres du cabinet de la ministre. Le fait que le compte ait écrit à plusieurs reprises pour expliquer que la vidéo était un « fake », ou en expliquant qu’il s’agissait d’un « truc perso » montre en tout cas que l’affaire est suivie de très près, et n’est pas prise à la légère.

@Dalilboubakeur a également annoncé qu’il n’hésiterait pas à porter plainte à son tour si jamais les avocats de Marlène Schiappa l’attaquaient en justice. Il a d’ores et déjà nommé Juan Branco comme son avocat, même s’il indique ne pas vouloir porter plainte dans l’immédiat. « Je me suis retrouvé dans cette polémique super étrange, ça me fait rire d’être dans cette situation ». Il explique également à Numerama trouver cette histoire « stupide et stérile ». « C’est dommage qu’elle s’enfonce dans le déni et le mensonge », affirme-t-il.

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